Et si l’Île-de-France, région la plus riche, la plus dense et la plus peuplée de France commençait à voir sa population diminuer dans les années à venir ? Cette perspective est rendue plus vraisemblable que jamais par la dernière étude du Forum sur les aspirations et projets de mobilité résidentielle des Franciliens. Depuis une dizaine d’années, le fort taux de natalité francilien compense de moins en moins le solde migratoire négatif de la région : près d’1 Francilien sur 2 déclare souhaiter quitter l’Île-de-France pour vivre dans une autre région. Pourquoi une telle dynamique ?
Cette enquête s’inscrit dans un programme de recherche autour des aspirations des habitants concernant la mobilité dans le futur. Lors du premier volet du projet Post-Car Île-de-France, qui vise à imaginer les conditions de possibilité d’une Île-de-France sans voiture à l’horizon 2050, mené avec un groupe d’étudiants de Paris 1 (2017), nous avons réalisé des entretiens auprès d’une trentaine de franciliens. Alors qu’on leur demandait se projeter dans une Île-de-France du futur, une majorité déclarait vouloir quitter la région…
Précédemment, notre Enquête internationale sur les aspirations réalisée en 2016, confirmait déjà cette tendance : 42% des Franciliens situaient leur lieu de vie idéal dans une autre région, voire un autre pays – contre 28% dans le reste de la France. Un écart qui semblait souligner la pauvreté de la qualité de vie offerte par le cadre de vie francilien. Cette enquête, se focalisant sur les échelles nationales, ne permettait pas d’assurer une représentativité géographique et sociodémographique de la population d’Île-de-France suffisante pour en tirer des conclusions satisfaisantes.
Nous avons donc lancé fin 2017 une étude sur les aspirations en termes de mobilité résidentielle des franciliens afin de pouvoir répondre aux questions suivantes :
Près d’ 1 Francilien sur 2 souhaite quitter l’Île-de-France (45%) , et un quart voudrait réaliser son projet dans les 5 prochaines années .
Pourquoi partir ? Pour trouver un autre cadre et une meilleure qualité de vie. Numéro une des motivations invoquées : le rythme de vie trop stressant (89%). Viennent immédiatement derrière : la pollution, le coût de l’immobilier, le trafic auto, la densité démographique et le manque d’espace ainsi que la mentalité des Franciliens. La volonté de partir semble donc résulter d’une accumulation de facteurs qui se combinent pour donner le sentiment que la qualité de la vie en Île-de-France est mauvaise .
Alors que les migrations et les choix résidentiels des ménages sont historiquement motivés par l’emploi et les choix de localisation des entreprises, la qualité du cadre de vie semble avoir de plus en plus d’attrait . On peut noter que plusieurs facteurs de rejet de la région sont directement liés à la mobilité et ses effets (pollution, congestion, coût de l’immobilier…) même si le facteur « temps de transport » n’est pas déterminant quand ce dernier n’excède pas 1h30 par jour.
Le désir de quitter l’Île-de-France est partagé : il n’est pas influencé par le sexe, le niveau de diplôme ou encore le revenu . Le seul élément sociodémographique discriminant dans cette volonté de quitter l’IDF est l’âge des habitants : les plus jeunes sont moins nombreux que leurs ainés à vouloir quitter l’Ile-de-France (50% chez les 18-24 ans contre 82% chez les 55 ans et plus).
Leur désir de partir augmente avec l’âge de façon linéaire. Le moment du départ à la retraite ou le souhait de retourner dans sa région d’origine ne suffisent donc pas à expliquer la tendance. Une forme de « fatigue de la vie francilienne » semble s’installer progressivement avec les années.
À noter que ce désir d’exil est moins marqué à Paris que dans le reste de l’Île-de-France : alors que près d’un habitant sur deux en banlieue parisienne souhaiterait quitter la région, ce n’est le cas que d’un habitant sur trois à Paris, mais paradoxalement c’est le seul département de la région qui perd des habitants.
Parmi les Franciliens souhaitant quitter la région, plus d’ 1 sur 2 souhaite déménager dans des villes de taille moyenne et des petites villes ou des villages situés dans la périphérie d’une grande ville. Et un quart des Franciliens souhaite même vivre loin des pôles urbains , dans une petite ville, un village voire isolé à la campagne.
Au total, dans 80% des cas , l’aspiration à quitter l’IDF se traduit par un désir de changer radicalement de cadre de vie .
L’arc littoral est plébiscité (1 choix sur 2) avec en tête l’Occitanie (19%), la nouvelle Aquitaine (17%) et la région PACA (13%). L’international est également en bonne position avec 12% pour l’Europe.
Le principal frein à leur départ ? L’emploi bien sûr ! 77% des Franciliens évoquent le travail comme frein au départ dont 54% comme un élément y contribuant « beaucoup ». En effet, l’Ile-de-France concentre un quart des emplois du pays, parmi lesquels on trouve une surreprésentation forte des emplois de cadres et de professions intellectuelles supérieures, avec plus d’1,5 million d’individus en emploi, soit un tiers des cadres de France (INSEE 2017).
Autre frein évoqué, l’entourage quand il réside en région parisienne (famille, amis, conjoint, enfants…) pour 29% d’entre eux. Le manque de moyens financiers n’est cité que par 19% d’entre eux.
La région Ile-de-France est de moins en moins attractive. Son solde migratoire est négatif depuis plusieurs années, en particulier dans sa partie centrale. Paris perd même des habitants. Le phénomène pourrait s’intensifier dans les années à venir avec l’amplification des possibilités de travail à distance et la multiplication des liaisons très rapides… Pourquoi ne pas tenir compte de cette forte aspiration au départ au lieu de chercher à faire grossir à tout prix une mégalopole dont le cadre et le rythme de vie ne répondent pas aux souhaits de ses habitants ?
Le Forum Vies Mobiles a fait réaliser cette étude par L’ObSoCo (L’Observatoire Société et Consommation) dans le cadre de son projet Post-Car Île-de-France qui vise à imaginer les conditions de possibilité d’une Île-de-France sans voiture à l’horizon 2050.
Un échantillon de 2227 personnes représentatif de la population francilienne âgée de 18 à 69 ans a été interrogé. Etude réalisée en ligne sur le panel de YouGov du 21 décembre 2017 au 22 janvier 2018. Afin de garantir la représentativité de l’échantillon, des quotas ont été établis au niveau de chaque département sur les critères sociodémographiques suivants : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, niveau de diplôme.
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Le Parisien : Les Franciliens veulent changer de vie
Le Figaro : Île-de-France: près d'un habitant sur deux souhaite en partir
BFM/RMC : 1 Francilien sur 2 souhaite quitter l’Île-de-France
Le Bonbon : Voici pourquoi 69% des Franciliens veulent changer de vie
La mobilité résidentielle désigne, de manière large, le changement de lieu de résidence d’un ménage à l’intérieur d’un bassin de vie.
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