Mars 2014
Une contribution intéressante et qui nourrit le débat sur ce Forum demandait si le développement des infrastructures permettait de lutter contre les inégalités sociales et répondait à de réels besoins économiques.
Concernant l’intégration sociale, je reste surpris de cette théorie tenace issue du cercle des sciences sociales : en réalité, les gens ne courent pas après le grand mélange. En mars 2004, un article de Jacques Donzelot décrivait précisément le processus. Il écrivait : « La distance – entre les cités d’habitat social et le périurbain pavillonnaire, entre celui-ci et les centres gentrifiés des grandes villes – est vécue comme rejet d’un univers par l’autre ». Univers, le mot est lâché : qui se ressemble s’assemble, et il est fréquent qu’on ait tous une vie différente de celle du voisin. Il ne fait aucun doute que personne n’irait passer une soirée avec des gens chez qui on n’a aucune affinité. Est-ce un mal ? Les infrastructures de transport y changeront-elles quelque chose ?
L’idéologie de l’Etat, développée par Stephen Graham dans une des contributions, me surprend également. La puissance publique peut certes être un facteur de cohésion mais l’expérience montre qu’on a souvent eu affaire à une « politique de connivence » et parfois, de cibles manquées. Ainsi, ni Montchanin ni Le Creusot ni Calais-Fréthun n’ont bénéficiés directement du TGV si ce n’est la présence politique d’une gare. Quelle reconversion sociale et économique y-a-t-il eu dans ces villes, qui alignent toujours le chômage de masse et une « allure de province » ?
Dans une autre tribune du Forum Vies Mobiles, Jean-Marc Offner rappelait la mystification scientifique des années 80-90 qui conférait aux infrastructures des propriétés magiques de levier économique. Une fois encore, l’expérience a montré que ce n’était pas systématiquement le cas. Exemple typique en Belgique avec le « Thalys wallon » reliant Paris: il était censé redynamiser une ex-zone industrielle sinistrée et déverser par milliers de nouveaux touristes. Qu’avons-nous vu ? Après 3 ans, on constate qu’aucun francilien ne désire s’aventurer dans une Wallonie post-industrielle n’offrant strictement rien à voir. En revanche, les wallons se ruent sur Paris pour la journée shopping/gastronomie/culture. Conséquence : nous avons un aller le matin et un retour le soir, conformément à la demande. Le grand rêve de l’Etat « dynamisant » est parti en fumée…
La régénération du réseau ferroviaire classique reste une priorité : les électrifications datent des années 60 à 80, la corrosion règne cà et là, et la signalisation ne répond plus aujourd’hui aux besoins de croissance du trafic en toute sécurité sur une même ligne. Pour autant, tous ces milliards engloutis dans l’alternative ferroviaire ne videront pas les autoroutes ni les périphériques. Une quantité de critères doit entrer en ligne de compte, notamment la localisation des emplois et des domiciles. Proposer une ligne à six trams par heure, alors que votre lieu de travail se trouve à l’opposé, c’est une fois encore le rêve de l’Etat « dynamisant » qui part en fumée…
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