21 février 2020
En réponse à une proposition de Terra Nova, qui a ouvert ses pages aux candidats en lice pour la mairie de Paris, le Forum Vies Mobiles a analysé sous l’angle de la mobilité les programmes présentés. Il s’agit ici d’analyser les propositions du candidat d’Europe Écologie – Les Verts.
Le Forum Vies Mobiles 1 est un institut de recherche qui prépare la transition vers des modes de vie désirés et durables, dont les travaux portent sur la mobilité des personnes. C’est donc par ce prisme que nous avons analysé ce document 2. Le candidat écologiste n’a plus à démontrer qu’il a saisi l’importance des enjeux environnementaux et le caractère décisif du prochain mandat municipal pour adapter le territoire aux défis climatiques.Toutes les mesures proposées vont dans le sens de nos constats et recommandations pour rendre le territoire plus résilient 3 sur le plan des mobilités, c’est-à-dire pour viser l’autonomie par rapport aux énergies fossiles et la réduction de la dépendance aux territoires lointains. Mais cette ville résiliente doit se construire en conservant une attention centrale aux enjeux sociaux et aux aspirations des habitants.
Le Forum Vies Mobiles plébiscite les mesures proposées en faveur d’une dédensification de la ville de Paris, qui répondent aux désirs des habitants de vivre dans un cadre de vie plus agréable et respirable. Aujourd’hui, 42% des habitants de Paris souhaiteraient habiter dans une autre ville 4, en raison du stress, du coût de la vie et de la pollution. De plus, la ville dense n’est en rien un vecteur de diminution des déplacements 5 et il faut donc inverser la tendance à la concentration des emplois, des activités et des infrastructures dans la mégalopole parisienne. Il paraît également indispensable de privilégier l’usage de l’existant (logements, infrastructures) à la construction de nouveaux bâtiments, pour façonner une ville résiliente et sobre : c’est d’ailleurs dans cette perspective que doit s’inscrire, selon nous, la réflexion sur la transformation du périphérique 6. La ville de Paris pourrait à plus long terme promouvoir la définition de biorégions 7, pour tendre vers de nouvelles formes d’autonomies énergétiques et alimentaires permettant de vivre en plus grande proximité.
Il faut ensuite souligner que le programme de la liste de David Belliard est l’un des plus avancés concernant les modes actifs. Le vélo en particulier fait l’objet d’un traitement systémique (continuités cyclables, usages multiples du vélo, échelle métropolitaine…) qui témoigne d’une appropriation de l’expertise et des recommandations des associations de promotion du vélo. Les mesures en faveur de la marche traduisent une réelle préoccupation pour les différents types de besoins et d’usagers (PMR, poussettes…). Toutefois, les exemples internationaux montrent qu’il n’est pas suffisant de créer de larges zones piétonnes pour faire de la marche un véritable mode de déplacement 8, au-delà d’une simple activité de loisirs (consommation, tourisme...). Il s’agit de mettre en œuvre une stratégie ambitieuse de mobilité piétonne à l’échelle du Grand Paris, par des aménagements systématiques visant à prioriser le confort, la sécurité et la visibilité des piétons. L’aménagement d’espaces publics de qualité, équipés de bancs, de fontaines et d’une signalétique adaptée (temps, distances) sont des leviers pour favoriser la pratique de la marche chez tous les publics (actifs, familles, personnes âgées…). La promotion des modes actifs doit ainsi être pensée comme une priorité de santé publique : en plus de la pollution, les modes motorisés sont un vecteur de sédentarité, à l’origine de la réduction de l’espérance de vie en bonne santé.
Pour aller plus loin, il faudrait prendre en compte dans ce programme l’inclusion de la ville de Paris dans un système plus large de déplacements, dont il s’agit de réduire le volume. Des mesures radicales visant les sources les plus importantes de mobilités rapides et carbonées paraissent incontournables, au-delà des seuls déplacements des « Parisiens travaillant à Paris ». Le rayonnement et le fonctionnement de la capitale génèrent en effet des déplacements à l’échelle régionale (liés aux emplois en particulier), nationale (déséquilibres territoriaux, concentration des ressources) et internationale (tourisme de masse, voyages d’affaires). La configuration francilienne, par exemple, implique une forte dépendance à la voiture 9 que Paris ne peut se contenter d’ignorer. C’est pour cette raison que la question de la place des véhicules motorisés dans une perspective de transition mérite d’être mieux traitée par le programme écologiste : il nous semble par exemple indispensable de mettre en place des aides à la conversion pour accéder à des véhicules plus légers ou électriques – en particulier à destination des ménages les plus modestes et des petites entreprises (artisans, commerçants). Il ne nous semble pas pertinent d’écarter la solution que peuvent représenter les deux-roues motorisés, sous certaines conditions (petites motorisations, régulation du stationnement, voies réservées…). À une autre échelle, le volume des déplacements touristiques, en très forte augmentation depuis plusieurs années, représente un levier majeur : en tant que métropole internationale parmi les plus visitées au monde, Paris est au cœur d’un système massif de déplacements en avion. La ville de Paris pourrait se positionner contre l’agrandissement des aéroports franciliens et pour la suppression des vols nationaux substituables par le train. La stratégie d’attractivité touristique pourrait être repensée pour inciter les pratiques durables et ne venant pas dégrader la qualité de vie des habitants.
Le programme de David Belliard s’inscrit ainsi à juste titre dans une perspective de résilience territoriale, en défendant la vision d’une ville active, productive et conviviale. La réduction de la densité, l’accès aux logements et la valorisation de la vie en proximité (communs urbains, équipements culturels et sportifs de quartiers) font l’objet d’une attention particulière à laquelle le Forum Vies Mobiles est sensible. Toutefois, la question des mobilités mérite d’être abordée de façon plus systémique, voire radicale : la réduction du poids démographique et économique de la « ville-monde » parisienne est indispensable pour diminuer le volume des déplacements qu’elle génère (tourisme compris), seul levier véritablement efficace pour limiter l’impact environnemental des déplacements 10 tout en répondant au désir de ralentissement de ses habitants.
1 http://fr.forumviesmobiles.org/page/presentation-lassociation
2 Nous ne prenons donc pas position sur les autres thématiques développées (alimentation, habitat), ni sur le transport de marchandises
3 Pour diminuer les transports, redonnons vie aux territoires, Forum Vies Mobiles, Reporterre
4 Enquête sur l’aspiration à quitter l’Île-de-France, Forum Vies Mobiles, Obsoco
5 Mobilité vertueuse : les atouts de la ville dense remis en cause ?, Forum Vies Mobiles
6 La suppression du périphérique à Paris : vers des modes de vie plus durables et plus désirables ?, Forum Vies Mobiles
7 « La biorégion est un territoire dont les limites ne sont pas définies par des frontières politiques, mais par des limites géographiques. Cette vision conçoit les habitants d’un territoire, leurs activités et les écosystèmes naturels comme une seule unité organique au sein de laquelle chaque site, chaque ressource, de la forêt à la ville, des plateaux aux vallées, est développé de manière raisonnable en s’appuyant sur les atouts naturels du territoire » ; Biorégions 2050, l’Île-de-France après l’effondrement, Institut Momentum et Forum Vies Mobiles.
8 Centre-ville, piétonisation et modes de vie, Forum Vies Mobiles
9 Post-car Ile-de-France, Forum Vies Mobiles
10 Mobilités décarbonées, une transition mal engagée, Forum Vies Mobiles
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