Audition des candidats à l’élection régionale en Île-de-France : mobilité, modes de vie et transition écologique, quel futur désiré et durable pour la région ?

La vidéo de l’audition des candidats à l’élection régionale en Île-de-France (débute à 2min)

Le Forum Vies Mobiles a mené une enquête sur la mobilité et les modes de vie en Île-de-France dont les résultats sont disponibles ici : Enquête mobilité et modes de vie : Les Franciliens ont envie de changements

Le Forum Vies Mobiles et la Fabrique Écologique ont invité les candidats à l’élection régionale en Île-de-France à exprimer leurs visions et leurs propositions pour le futur du territoire : comment proposent-ils de répondre aux aspirations des habitantes et des habitants en matière de mobilité et de qualité de la vie, tout en visant les objectifs climatiques ?

Alors que la mobilité occupe une place centrale dans les modes de vie contemporains, a fortiori en Île-de-France où les habitudes ont été particulièrement bouleversées par la crise sanitaire, l’immobilité est désormais prescrite autant que possible et le télétravail s’est imposé à une partie significative des Franciliennes et Franciliens qui sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur le cadre de vie régional.

Les grands enjeux de l’élection régionale

Retrouvez ci-dessous le diagnostic sur la base duquel nous demandons aux candidats de se positionner :

Le modèle du territoire francilien en question

Si le dynamisme et la richesse de l’Île-de-France se sont appuyés sur le développement d’un des réseaux de transports collectifs les plus denses d’Europe ¹, la région connaît de longue date une situation de saturation chronique de ses infrastructures routières et de transports, ainsi qu’une pollution atmosphérique importante ². Aujourd’hui, les Franciliennes et les Franciliens passent chaque semaine 2 à 3 heures de plus que la moyenne des français à se déplacer, pour parcourir des distances équivalentes, voire inférieures ³. Des investissements très importants sont réalisés pour que la capacité des réseaux ferrés et routiers soit à la hauteur des hypothèses démographiques, prévoyant que le nombre d’habitants dépasse les 13,5 millions d’ici 2050 et l’accueil d’un des plus gros volumes de touristes du monde ⁴. Le défi est désormais d’éviter que la croissance métropolitaine et la course à la désaturation qui s’en suit ne dégradent les conditions de vie dans la Région et ne tournent au « dysfonctionnement généralisé », comme le craignent certains élus ⁵.

Le contexte d’urgence climatique et de crise sanitaire peut-il être l’occasion d’infléchir, voire de repenser le modèle du territoire francilien ?

La Région Île-de-France ne doit-elle pas appréhender plus globalement les enjeux de la mobilité ?

Les efforts réalisés pour réduire l’usage de la voiture au bénéfice des transports collectifs et des modes actifs ont permis de faire baisser la part de la voiture entre 2010 et 2018 à Paris et en Petite Couronne. Aujourd’hui la région peut se féliciter que 85% des déplacements ⁶ y soient réalisés avec des modes alternatifs à la voiture individuelle (TC, vélo ⁷, marche). Mais 2/3 des déplacements se font en périphérie et ces flux multipolarisés en Petite et en Grande Couronnes, sans alternative efficace ⁸, sont largement dominés par la voiture. Dans le même temps, une part importante des émissions de gaz à effet de serre provient du trafic aérien national et international au départ et à destination des aéroports franciliens, piliers d’un modèle d’attractivité basé sur le tourisme et les voyages d’affaires. Sur ces sujets, et malgré la complexité de sa gouvernance (position de région-capitale, place de Paris…), la région la plus riche de France est amenée à déployer une approche nouvelle des questions de mobilité articulant aménagement du territoire, développement économique, santé, emploi et transports urbains et régionaux.

L’allongement des distances des déplacements peut-il être compatible avec les aspirations des Franciliens ?

Bien que les politiques publiques portent l’ambition d’un développement équilibré et polycentrique du territoire, on continuait, jusqu’à la crise sanitaire, à se déplacer toujours plus en Île-de-France. La concentration des emplois à Paris et en Petite Couronne et les difficultés d’accès au logement ont conduit à une véritable dissociation entre les « territoires de l’emploi » et les « territoires de main d’œuvre » ⁹, creuset par ailleurs de très fortes inégalités sociales et territoriales. L’évolution des types d’emplois des Franciliens ne conduit pas non plus vers plus de sobriété en matière de déplacements, avec une part de plus en plus importante de cadres (la catégorie professionnelle qui se déplace le plus) et l’augmentation du nombre de travailleurs mobiles (livreurs, aides à la personne, agents d’entretien…). Déjà expérimenté par les agents de la Région, le déploiement massif du télétravail pendant la crise sanitaire paraît offrir de nouvelles possibilités pour les habitants : réduire la fréquence de leurs déplacements domicile-travail, pouvoir les désynchroniser voire aller s’installer dans une autre région ¹⁰. En 2018, près d’1 Francilien sur 2 déclarait en effet vouloir dans l’idéal quitter la région ¹¹, notamment à cause des temps de transport et du stress imposés par le rythme francilien. Le désir de déployer ses activités quotidiennes en plus grande proximité et de mieux maîtriser son rythme de vie n’a jamais été aussi fort ¹². Le contexte de crise sanitaire et l’évolution des modes de vie sont venus renforcer ces aspirations.

La Région ne doit-elle pas chercher à réduire le volume des déplacements carbonés ?

La Région Île-de-France a adopté l’objectif de la neutralité carbone à l’horizon 2050 ¹³. Elle déploie des moyens ambitieux et qualitatifs pour développer des alternatives à la voiture individuelle, avec la logique de massification des déplacements et via des investissements dans les innovations technologiques : Grand Paris Express, location de vélos longue durée (Véligo), aide au financement de véhicules électriques, navettes autonomes ¹⁴, voire projets de taxis volants... Pour autant, ne faut-il pas chercher aussi à maîtriser l’augmentation du volume des déplacements ¹⁵, voire à le réduire ? Cela d’autant plus que les aspirations des habitants à passer moins de temps à se déplacer et à alléger leurs budgets transport, en particulier pour les activités les plus contraignantes (le travail, la santé, l’accès aux services publics…), vont dans ce sens ¹⁶. Pour ces raisons, nous vous invitons à vous exprimer avant tout sur le modèle de territoire que vous défendez, en présentant vos propositions en matière d’aménagement ¹⁷ et d’équilibres territoriaux, d’organisation des modes de travail et d’amélioration des cadres de vie, et non seulement en termes de « politiques de transports ». Alors que la crise sanitaire opère un bouleversement complet de nos habitudes et de nos valeurs en matière de mobilité ¹⁸, cette audition est l’occasion d’exprimer votre vision de la place qu’occuperont les déplacements à l’avenir dans les modes de vie des Franciliens, dans une perspective de transition écologique et de prise en compte de leurs aspirations.