La « planification » est de retour dans les discours et débats politiques en France, notamment sous la forme d’une planification dite « écologique ». En période de raréfaction des ressources, de dérèglements climatiques et d’incertitudes multiples, la planification est à nouveau envisagée comme une solution technico-politique (reformation du haut-commissariat au plan en 2020, adoption du ZAN en 2021, campagne présidentielle de 2022). Ce projet de recherche se propose de questionner ce qu’a produit – au sens large – l’expérience de la planification urbaine en France lors des trente dernières années.
La planification urbaine est une des méthodes de l’urbanisme, avec le projet urbain ou la programmation urbaine. L’exercice de planification urbaine permet (1) de construire un diagnostic rétrospectif sur l’état actuel et passé de la ville ; (2) de construire une « prospective », une vision territoriale du futur de la ville ; qui permet de (3) réguler la constructibilité, les usages des sols et les fonctions urbaines sur un territoire donné ; et (4) de coordonner l’action collective (càd de permettre, par exemple, aux habitants, aux entreprises ou aux investisseurs d’anticiper leurs actions à venir).
En France, pendant plusieurs décennies après la Seconde Guerre Mondiale, l’État a été quasiment seul aux commandes en ce qui concerne la rédaction, la mise en place et le contrôle des plans locaux. La planification urbaine a connu des années de reflux dans les années 1980, où de nombreux acteurs prédisaient sa fin dans un monde dominé par les logiques capitalistes et (néo)libérales. Cependant, un « nouvel âge d’or » de la planification a suivi au courant des années 1990 en France. Ce renouveau coïncide avec une compétence en planification qui est prise en charge de plus en plus par les intercommunalités.
Pourtant, un constat général s’impose chez les acteurs académiques et opérationnels en France, les plans d’urbanisme sont la plupart du temps décevants sur le plan des résultats (matériels) obtenus. En d’autres termes, relativement peu d’éléments annoncés, concernant les infrastructures, les projets, ou les comportements des habitants à privilégier se matérialisent réellement dans le laps de temps envisagé initialement par le plan.
Cependant, des effets performatifs existent et pour plusieurs chercheurs les plans permettent aux acteurs d’affirmer une vision, de publiciser un discours élaboré au cours d’un travail collectif, et par là-même de légitimer une position de pouvoir des structures qui les portent. De plus, leur élaboration conduit à mettre des acteurs autour d’une table, à les faire échanger directement autour d’une problématique commune, à expliciter plus facilement les problèmes et parfois à trouver des compromis.
Le projet de recherche vise à mesurer l’impact matériel de la planification urbaine en ce qui concerne la mobilité durable locale (appréhendée à travers la mise en place d’infrastructures de transport, l’émergence de pratiques de déplacements et la répartition des logements et de certaines activités) ; mais aussi (2) de mesurer l’impact discursif de certains plans d’urbanisme sur les autres plans qui émergent localement quelques années plus tard (y a-t-il continuité ou confrontation de visions ?); enfin (3) d’estimer l’impact de ces plans et de leur phase d’élaboration sur la constitution de collectifs locaux d’expertise sur les questions de mobilité sur la période étudiée.
Quatre villes ayant fait preuve de volontarisme en termes de planification mais ayant des situations contrastées (pression démographique, contrainte géographique, organisation institutionnelle), seront étudiées : Dijon, Rennes, La Rochelle et Strasbourg. Pour chaque ville, l’ensemble des plans seront intégrés à un même corpus pour comparer les termes employés documents (analyses de spécificité, de cooccurrence, de concordances, …). Ces plans seront mis en relation avec des enquêtes mobilités (EMD/EMC²) et des outils cartographiques. Des entretiens qualitatifs auprès des personnes ayant participé à l’élaboration des plans seront menés pour confirmer les hypothèses issues des méthodes évoqués ci-dessus.
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To cite this publication :
Thomas Buhler (12 June 2024), « Retour au plan : quels ont été les effets de la planification urbaine ? », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 23 November 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/en/project/16096/retour-au-plan-quels-ont-ete-les-effets-de-la-planification-urbaine
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