Mars 2014
Une intéressante contribution sur un réseau social professionnel posait la question de la concurrence de plus en plus grandissante qu'offre le co-voiturage face aux trains.
Rémi Désormière, Chargé d'études gare - exploitation chez Réseau Ferré de, posait récemment la question de la concurrence du co-voiturage en ces termes :
« Aujourd'hui, on estime que le flux journalier des "covoitureurs" représente 10% du trafic de SNCF Voyages. Les perspectives à 2 ou 3 ans évoquent une part de près de 30%. Alors que le prix des billets de train est considéré comme élevé par une part grandissante de la population, et l'essor des outils de communication directs, ne va-t-on pas assister à une sorte d'évasion d'une partie de la clientèle de moyenne distance, notamment sur des liaisons où l'offre ferroviaire est soit insuffisamment attractive (temps de parcours long, offre faible), où d'un coût inaccessible pour une partie de la population qui peut accepter un doublement du temps de parcours par rapport au train (sensibilité au prix plus qu'au temps, par exemple sur Paris - Lille) ? Y a-t-il un risque pour le modèle économique des grandes lignes, qu'elles soient classiques ou à grande vitesse ? »
J’ai pu alors fournir mon point de vue sur cette interrogation essentielle et bien dans l’air du temps :
Commençons par une évidence : la question sociale qui agite sporadiquement la SNCF n’existe pas dans le co-voiturage, ni chez les low-cost d’ailleurs. Un problème mineur ? Pas pour une partie de la clientèle particulièrement lassée. Soit… Plus généralement, les mœurs de consommation changent tous les 5 à 10 ans selon les spécialistes. La SNCF le sait fort bien. Le facteur psychologique joue fortement. Lors d'un séjour rapide (3-4 jours), les gens ne veulent pas perdre de temps en transport et optent pour le plus rapide : l’avion low-cost au-delà des 1000km, l’auto en dessous de ce seuil. Mais lorsqu’il s’agit de séjours longs (2, 3 semaines), on devient plus pragmatique, la vitesse importe moins et certains se laissent tenter par des Paris-Montpellier en 7/8h de voiture, alors qu’il y a plein de TGV sur cette liaison. Autre facteur : les contraintes acceptées dans l’aviation sont rejetées lorsqu’il s’agit du train ! Songeons à la réservation obligatoire qui ne souffre pas de critiques dès qu’on prend les airs…Et le co-voiturage est – à peu près – sans limite de bagages, un « détail » qui compte. Tous ces facteurs s’ajoutent à la grande question du porte-à-porte, que je soulève fréquemment – et dont la SNCF et la DB semblent maintenant se préoccuper, mais à quel prix !
Mais pour moi le plus grave est encore ailleurs. Le changement d’attitude des gens vient des airs et a durablement façonné la conscience populaire. Les low-costs ont prouvé – et exécuté - qu’on peut faire aussi bien avec moins. Ce choc frontal, inédit, fut bien accueilli chez les 20-40 ans, une sorte de bras d’honneur à la France de papa. Cet aspect anodin a formaté l’idée nuisible d’un service public lourdingue et gros consommateur d’impôts. Le succès du co-voiturage via smartphone réaffirme aujourd’hui – en transport terrestre – la même idée : ne plus dépendre des horaires SNCF et payer le moins possible. C’est l’ère du discount. En face, on vous martèle dans les médias – à forte dose idéologique chez certains - les vertus du service public et du centralisme. Cette semaine quantité de TER sont en rade dans l’Hexagone : quelle explication peut-on donner ? …. Les questions sécuritaires ou le rythme de travail du personnel n’entrent pas dans les considérations de la clientèle, qui ne s’en préoccupe (faussement) que sur les réseaux sociaux, et ce en dépit des nombreuses cartes blanches et autres « enquêtes journalistiques » fréquemment répandues dans les médias (Ryannair et son kérosène très limite…).
Voilà donc le train au milieu du gué, cette impression qu’entre auto et avion, le rail est souvent le transport de trop, le mal aimé, le représentant d’une France à l’ancienne, cette cinquième roue de la charrette que l’on ne prend que par dépit (hors RER/TER) ou quand on n’a vraiment pas d’autres solutions. Qu’est ce qui peut changer cela ?
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