Le projet « Les stages frontaliers : un atout « mobilité » pour les jeunes en lycée professionnel ? » mené par Vincent Goulet, chercheur en sociologie à l’université de Strasbourg, rattaché au laboratoire SAGE, s’est intéressé à la manière dont la mobilité professionnelle transfrontalière (stages) modifiait ou non les représentations, les pratiques de mobilité et les projets de vie de onze lycéens alsaciens en bac professionnel. Ces derniers livrent leur récit de cette expérience et de leurs aspirations pour le futur dans des entretiens vidéo.
Le projet Les stages frontaliers : un atout « mobilité » pour les jeunes en lycée professionnel ? a suivi pendant deux ans onze lycéens inscrits en « Azubi-Bacpro ». Ce programme interculturel renforcé en langue allemande propose à des lycéens en bac professionnel d’effectuer deux stages de 6 à 8 semaines chacun en Allemagne ou en Suisse dans l’objectif d’augmenter leur employabilité à l’étranger.
L’hypothèse centrale de la recherche, et de ce dispositif, est que cette expérience de mobilité transfrontalière entraine des transformations des représentations et des aspirations professionnelles et personnelles des jeunes concernés. Le Forum Vies Mobiles était particulièrement intéressé par l’étude d’un programme public participant d’une injonction à la mobilité transfrontalière afin de voir si celui-ci correspondait ou non aux aspirations des lycéens et quelles conséquences il aurait sur leurs projets de vie, en particulier leur rapport à la mobilité.
Pour répondre à ces interrogations, Vincent Goulet, sociologue à l’université de Strasbourg rattaché au laboratoire SAGE (Société, Acteurs, Gouvernement en Europe), a appliqué une méthode qualitative et longitudinale d’entretiens à raison de trois entretiens par personne : un avant le premier stage à l’étranger, l’un entre les deux stages et le dernier après l’obtention du diplôme « Azubi-Bacpro ». Au total, ce sont une trentaine d’entretiens vidéo qui ont été réalisés entre octobre 2015 et juillet 2017 auprès de 11 élèves : 8 élèves du lycée professionnel Charles de Gaulle de Pulversheim, près de Mulhouse (électrotechnique) et 3 élèves du lycée polyvalent Martin Schongauer de Colmar (commerce).
Cette recherche met en avant l’ambivalence de la mobilité qui constitue une épreuve, quotidiennement renouvelée, mais participe également de l’autonomisation des individus et de l’ouverture au monde.
La recherche nous éclaire d’abord sur les motivations qui président à la mobilité transfrontalière de ces jeunes alsaciens, fortement incités par leur famille et le milieu scolaire. On se lance dans l’aventure transfrontalière avant tout dans l’espoir de trouver du travail à l’avenir et des rémunérations attractives à l’étranger. La particularité de cette région frontalière qui est sa proximité géographique avec l’Allemagne et la Suisse facilite la formulation d’un tel projet chez les jeunes.
La mobilité est vécue comme une contrainte et une épreuve, contrepartie obligée du nécessaire accès à l’emploi. La dimension contrainte de cette mobilité est d’autant plus forte qu’elle participe avant tout des stratégies familiales avant de procéder de la volonté des lycéens. La mobilité transfrontalière revêt une série de quatre obstacles à franchir : géographique avec le franchissement de la frontière, linguistique avec l’expérience de l’allemand, culturelle avec la découverte d’autres manières de travailler en particulier et enfin sociale.
L’expérience de ces jeunes lycéens et lycéennes montre que la mobilité n’est pas neutre et sans conséquences sur les corps et les esprits. Le stress des itinéraires inconnus, la peur de se perdre et la longueur des temps de transport se combinent pour faire de la mobilité quotidienne une épreuve renouvelée dans le temps. La première manifestation en est la fatigue physique des lycéens qui tient également aux conditions de travail dans lesquelles ils effectuent leur stage (horaires et exigences de travail).
Cette recherche confirme la place centrale du travail dans le projet de vie des jeunes. Pour les lycéens, ces stages à l’étranger sont l’occasion d’une double intériorisation de l’injonction à la mobilité - il faut bouger pour travailler - et de la dureté des conditions de travail – l’autonomisation et l’entrée dans l’âge adulte se conquièrent dans la confrontation à la dureté de la vie.
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Cette expérience met également à l’épreuve les relations sociales existantes et tend à renforcer les liens forts du cercle familial et des amis très proches. Elle est aussi l’occasion d’une remise en question des liens plus faibles et des relations plus occasionnelles. On lit en creux l’importance de l’ancrage familial et social des jeunes enquêtés.
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L’épreuve de la mobilité, et les difficultés qui la caractérisent, sont valorisées par les lycéens et leur entourage proche. Vécue comme un rite initiatique, l’expérience transfrontalière participe de l’autonomisation des lycéens et du renforcement de leur capacité à agir. Le fait d’avoir réussi cette expérience professionnelle à l’étranger, et de la voir valorisée socialement, augmente leur propension à formuler des projets de mobilité transfrontalière pour l’avenir.
Toutefois, tous les jeunes ne ressortent pas avec le désir de vivre et de travailler à l’étranger. Si la mobilité transfrontalière a fait entrer l’ailleurs et l’étranger dans l’horizon des possibles, elle a aussi renforcé l’attachement à la région d’origine et au cercle proche. Les avantages pratiques de l’étranger (prix, rémunération, emploi) et l’attachement à la région d’origine trouvent chez certains une synthèse dans le projet de devenir travailleur frontalier, vivant ici et travaillant là-bas. Au passage, le temps de transport quotidien et la fatigue associés à la mobilité quotidienne ne sont pas mentionnées par les jeunes dans cet arbitrage.
Enfin, si la participation au programme Azubi-Bacpro renforce incontestablement la capacité à agir et le désir d’être mobile des lycéens, la mobilité transfrontalière se déploie d’autant plus quand elle s’appuie sur un héritage familial et ce de deux manières principales : d’une part, par des pratiques de mobilité transfrontalière antérieures (à l’occasion de courses ou de sorties à l’étranger) ; d’autre part, grâce au réseau familial des familles d’origine étrangère, mobilisé à l’occasion du stage ou lors de la recherche d’emploi à l’étranger.
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Au total, les objectifs principaux du programme Azubi-Bacpro semblent atteints puisque les jeunes nourrissent le projet d’un avenir professionnel à l’étranger. Ils ont nettement amélioré leur maîtrise de la langue allemande et leur capacité à se mouvoir. Difficile de dire à ce stade si les objectifs de plus long terme seront atteints, en particulier le fait de trouver un emploi.
http://www.ac-strasbourg.fr/academie/actualites-academiques/actualite/article/azubi-bacpro
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