Le confinement des Français imposé à partir du 17 mars 2020 pour lutter contre la propagation rapide du Covid-19 est passé par une restriction de leurs libertés inédite en temps de paix, et au premier chef, celle de se déplacer. Au Forum Vies Mobiles nous avons souhaité en évaluer les impacts sociaux, présents et futurs, sur les modes de vie des Français. Il en ressort de fortes disparités dans les pratiques, selon les âges notamment, mais aussi une découverte de modes de vie différents, qui n’est pas sans faire naître certaines aspirations à une modération des déplacements après le confinement.
L’enquête a été conduite en ligne du 3 au 8 avril 2020, auprès d’un échantillon de 1 500 personnes représentatif de la population de France métropolitaine âgée de 18 à 75 ans – dont 1 052 personnes ayant participé à l’Enquête Nationale Mobilité et modes de Vie 2020, menée un an plus tôt par le Forum Vies Mobiles auprès de 13 201 personnes. Cela a permis de comparer l’évolution de leurs pratiques de mobilité habituelle avant et pendant le confinement.
Afin de garantir la représentativité de l’échantillon, des quotas ont été établis sur la population globale interrogée suivant les critères suivants : sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle, région de résidence, taille de l’unité urbaine de résidence, niveau du diplôme le plus élevé, mobilité associée à la profession et fréquence des déplacements professionnels. Les données ont été redressées au niveau de l’échantillon global des 1 500 personnes interrogées puis au niveau du sous-échantillon des 1 052 personnes qui avaient déjà participé à l’ENMMV de 2019. Le redressement de l’échantillon global est relativement modéré. Pour 82 % de l’échantillon, les coefficients de pondération sont compris entre 0,5 et 2 (ce qui signifie que le poids d’une personne n’est ni multiplié ni divisé par plus de 2). Le redressement du sous-échantillon des anciens participants à l’ENMMV a été un peu plus fort. 68 % se situent dans cet intervalle de 0,5 à 2. 16 % sont à un niveau inférieur et 16% à un niveau supérieur.
Avec près de 3 Français sur 4 strictement confinés chez eux pendant près de deux mois, la crise du Covid-19 sera une étape marquante dans la vie des Français.
L’enquête révèle que, après 3 semaines, le confinement est plus ou moins difficile à supporter en fonction de sa situation familiale, de son âge ou encore de son cadre de vie.
Sans surprise, ce sont les habitants des grandes agglomérations et en particulier les habitants de la métropole parisienne qui souffrent le plus de la situation. Ils sont plus nombreux à vivre seuls (28 % contre 11 % en moyenne en France) et dans de petits appartements (28 % vivent dans un deux pièces ou un studio contre 5 % en moyenne en France) et beaucoup plus nombreux à avoir aimé pouvoir s’installer ailleurs que chez eux pendant le confinement (39 % contre 12 % en moyenne en France). Ils sont également plus nombreux à être dérangés par la restriction du périmètre de déplacement à respecter (53 % contre 43 % pour les agglomérations de moins de 20 000 habitants), ils apprécient plus que les autres la diminution de la pollution (53 % contre 46 % en moyenne en France) et sont plus nombreux à vouloir déménager (38 % contre 11 % en moyenne en France) après cette expérience. Conformément aux tendances démographiques 1 et aux études menées précédemment sur le sujet 2, la crise épidémique confirme ainsi le caractère problématique des cadres de vie densément peuplés et de l’agglomération parisienne en particulier, et le manque de résilience des modes de vie qu’on peut y déployer.
L’étude montre plus généralement que les contraintes qui pèsent sur la vie des Français auront aussi été l’occasion pour eux de faire l’expérience d’une réorganisation drastique de leurs modes de vie. Ainsi, en proportion étonnamment élevée, les Français sont soulagés par le ralentissement que la situation engendre (44 %), et sont contents de pouvoir consacrer plus de temps à eux-mêmes et à leurs proches (68 %). Le temps récupéré sur les déplacements quotidiens qu’on ne fait plus (et dont on ne veut plus) ou du travail qu’on exerce moins (ce qui est vécu comme un soulagement pour beaucoup), permet d’en consacrer davantage à ses loisirs, mais aussi de se (ré)approprier les activités domestiques du quotidien (cuisine, bricolage,…) et de moins consommer.
Autre fait marquant : la réaction des populations les plus jeunes. On attend souvent des jeunes qu’ils soient plus mobiles, plus flexibles, plus urbains et qu’ils aient des rythmes de vie plus intenses. On suppose non seulement que c’est nécessaire et dans leur intérêt, mais aussi qu’ils sont volontaires pour répondre à cette norme de la vie occidentale. L’enquête montre, au contraire, que ce sont les jeunes qui sont les plus désireux de moins se déplacer, de ralentir, d’occuper leur temps différemment, de se rapprocher des leurs et de vivre dans un cadre de vie en contact avec la nature.
Le confinement aura également été l’occasion d’expérimenter le télétravail à temps complet, pour une part conséquente des actifs (33 %), alors qu’ils n’étaient que 7 % à le pratiquer avant la crise. Malgré le fait que cette expérience n’est pas toujours réalisée dans les meilleures conditions (espace de travail non adapté, enfants au domicile, etc.), la moitié des personnes concernées vit positivement l’expérience (53 %), que ce soit du fait de la réduction des déplacements domicile-travail ou du fait de la possibilité d’organiser différemment son rythme de vie. Ces résultats suggèrent que le télétravail pourrait connaître un essor important dans les mois et années qui suivront la crise du Covid-19. Cela d’autant plus que, on le sait, l’adoption du télétravail peut permettre de s’installer dans de nouveaux cadres de vie, car il rend plus acceptables des trajets domicile-travail plus longs, parce que moins fréquents, et permet donc de s’installer plus loin de son travail 3.
Enfin, le confinement est l’occasion de remettre plus spécifiquement en cause la place de la mobilité dans nos modes de vie. Que ce soit pour eux-mêmes ou pour répondre aux enjeux climatiques, les Français aimeraient pouvoir réduire leurs déplacements. Après trois semaines de confinement, 38 % des Français disent avoir pris conscience qu’ils pouvaient se déplacer davantage en modes actifs. La marche et le vélo semblent par ailleurs être des solutions majeures pour éviter la surfréquentation des transports en commun lors de la sortie du confinement.
Vivant aujourd’hui une réduction de leur mobilité inimaginable il y a encore quelques semaines, une majorité des Français (53 %) se dit tout de même favorable à la mise en place de mesures de rationnement visant à limiter les déplacements afin de lutter contre la crise climatique mais à condition que cette règle soit équitable et ne permette pas aux plus aisés d’y déroger.
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1 Rapport sur la cohésion des territoires, ANCT, 2018
2 Enquête sur l’aspiration à quitter l’Île-de-France, Forum Vies Mobiles, 2018 ; Enquête Nationale Mobilité et Modes de Vie 2020, Forum Vies Mobiles, 2020 ; Post-Car Ile-de-France, Forum Vies Mobiles, 2019
3 Enquête Nationale Mobilité et Modes de Vie 2020, Forum Vies Mobiles, Forum Vies Mobiles, 2020
Les mesures de confinement instaurées en 2020 dans le cadre de la crise du Covid-19, variables selon les pays, prennent la forme d’une restriction majeure de la liberté de se déplacer durant un temps donné. Présenté comme une solution à l’expansion de la pandémie, le confinement touche tant les déplacements locaux qu’interrégionaux et internationaux. En transformant la spatio-temporalité des modes de vie, il a d’une part accéléré toute une série de tendances d’évolutions préexistantes, comme la croissance du télétravail et des téléachats ou la croissance de la marche et de l’utilisation du vélo, et d’autre part provoqué une rupture nette dans les mobilités de longue distance. L’expérience ambivalente du confinement ouvre sur une transformation possible des modes de vie pour le futur.
En savoir plus xLe déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
En savoir plus xExercice d’une activité salariée hors des locaux de l’entreprise, à domicile ou dans un lieu tiers pendant les horaires de travail habituels et nécessitant d’avoir accès à des outils de télécommunication.
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