Pourquoi l’étude de la mobilité des hommes et des femmes est-elle essentielle pour la prévision de la demande de transport ? Réponse avec Catherine Morency.
Je vais parler aujourd’hui de la mobilité comparée des hommes et des femmes. La mobilité, c’est l’étude des comportements quotidiens de déplacements. Il y a eu beaucoup de recherches faites pour essayer de comprendre quelles sont les différences entre les hommes et les femmes sur ce point, quels sont les effets de la démographie, les effets liés à la structure des ménages sur ces comportements et c’est ce que nous allons explorer ensemble. On va s’intéresser justement à ces comportements, les comportements quotidiens tels que mesurés par les enquêtes sur la mobilité qui se font en France, au Québec, un peu partout. Je vais prendre comme étude de cas Montréal parce que c’est la région que j’étudie, sur laquelle je fais l’essentiel de mes recherches.
Dans les analyses qui sont faites sur la mobilité, il faut s’assurer qu’on tienne compte à la fois de l’âge et du sexe. On parle d’analyses démographiques sexuées, c’est le concept qu’on utilise et il doit être au cœur de toutes les analyses sur le transport. Si je rentre maintenant dans le cœur du sujet sur l’évolution de certains comportements, un des indicateurs de base, c’est le pourcentage de personnes qui ne se déplacent pas. Évidemment, ça a une grande importance quand on s’intéresse à l’utilisation des infrastructures de transport. Si on compare les hommes et les femmes, on va observer, d’une part, que l’évolution selon l’âge est assez similaire : des pourcentages de personnes mobiles qui sont beaucoup moins élevés quand ils sont jeunes mais des chiffres vont évoluer avec le temps. Quand on entre sur la vie active, évidemment, il y a une mobilité qui va être plus élevée donc on va voir des pourcentages moins élevés de gens qui ne font aucun déplacement pendant des jours, typique deux semaines, et avec l’âge, on va voir une croissance qui va atteindre des valeurs comme 80 % de personnes qui ne se déplacent pas pendant des jours moyens de deux semaines et ceci est un peu plus élevé chez les femmes que chez les hommes. Des outils statistiques permettent de voir si les différences sont effectivement significatives entre les hommes et les femmes. On constate ainsi que chez les 0-24 ans, on n’a pas de différence significative entre un homme et une femme, il y a les mêmes pourcentages de non-mobilité. En revanche, avec l’âge, il y a beaucoup moins de femmes qui vont se déplacer et on va donc avoir des taux de non-mobilité beaucoup plus élevés. Si on passe à un deuxième indicateur, le taux de mobilité qui est aussi un indicateur classique en transport, qui représente le nombre de déplacements par personne par jour, on va observer une diminution flagrante importante de ce taux avec l’âge et beaucoup plus marquée chez les femmes que chez les hommes.
Cependant ce qu’on a observé, c’est qu’avec le temps, avec la santé qui s’améliore, sur une période de vingt ans, on a une augmentation des taux de mobilité moyens dans la population en général. Les personnes âgées se déplacent moins que les actifs, mais se déplacent plus néanmoins que leurs propres parents. Cela a vraiment un effet sur le bilan de transport qu’on fait dans des régions.
La composition du type d’activité va changer, il diffère également beaucoup entre les hommes et les femmes. Les hommes ont des pourcentages de déplacements plus élevés pour des motifs liés au travail, les femmes ont des pourcentages plus élevés quand il s’agit d’aller faire les courses pour la famille ou pour conduire des proches, accompagner leurs enfants en particulier. La gestion du programme d’activités familial se reflète donc aussi à travers les motifs pour lesquels les déplacements sont entrepris. Si on s’intéresse à un autre concept de la chaîne de déplacements, c’est-à-dire le nombre de déplacements inclus dans une chaîne qui est ancrée au domicile – tous les déplacements que nous faisons à partir du domicile jusqu’au retour au domicile –, on va observer de vraies différences comportementales entre les hommes et les femmes et notamment le fait que les femmes vont faire des chaînes beaucoup plus complexes, vont combiner plus de déplacements avant de revenir au domicile : amener les enfants à la garderie, faire des courses au retour, avant de se rendre au travail, etc. C’est beaucoup moins fréquent chez les hommes et, en termes de nombre de chaînes réalisées, les personnes qui ont le plus de chaînes par jour, et qui présentent donc une complexité de déplacements plus grande, ce sont les femmes de 30 à 45 ans. Donc ce sont elles aussi qui vont gérer plusieurs des activités du programme familial. Au niveau de la complexité, en fait qui est le nombre de chaînes complexes par jour, donc le nombre de sorties du domicile que l’on fait, il va être aussi beaucoup plus élevé chez les femmes qui sont sur le marché du travail donc entre les 30 et 45 ans et il y a une différence très importante entre les hommes et les femmes.
Ce qu’on a observé dans les dernières années, c’est qu’il y a un déclin : les femmes ont tendance à adopter les comportements de type masculin avec des diminutions de la part des transports en commun. Cela s’explique par plusieurs facteurs, le premier étant que les femmes ont maintenant accès au marché de l’emploi, ce qui se traduit par une augmentation du niveau de richesse, lequel se traduit à son tour par une augmentation de la motorisation. Les femmes sont motorisées, ont des activités plus régulières, elles ont à faire des déplacements de type contraint, comme aller au travail, ce qui fait que la part du transport en commun, chez les femmes, a beaucoup diminué. Au niveau du kilométrage parcouru, on constate des chiffres beaucoup plus forts chez les hommes. Ils vont consommer plus de kilométrage dans une journée type. Les femmes vont faire moins de kilomètres pour accéder à leurs différentes activités. ça s’explique notamment par le type d’emploi qu’elles occupent, souvent moins concentré dans les centres villes, avec possibilité de se localiser plus près de son lieu de travail. En contrepartie, les déplacements moyens sont moins longs en distance et en durée mais beaucoup plus nombreux.
Qu’en est-il si on essaie d’observer l’impact de la structure des ménages ? On a également analysé le comportement des gens qui vivent seuls, les célibataires. Ce qu’on observe, c’est qu’il y a beaucoup de différences qui disparaissent totalement. Hommes et femmes se comportent presque de façon identique lorsqu’ils vivent seuls ; l’effet du ménage disparaît.
Il y a plein de tâches familiales qui n’ont pas à être considérées. En fait, les célibataires – hommes et femmes – doivent gérer seuls l’ensemble de leurs tâches et donc, on a des différences qui sont beaucoup moins élevées. Si on regarde les hommes et les femmes chez les couples d’adultes, là aussi on a des différences qui
sont beaucoup moins élevées, les femmes vont faire un peu moins de déplacements que les hommes mais grosso modo, les différences sont beaucoup moins importantes que lorsqu’on regarde les ménages de types familiaux.
Dès qu’il y a apparition des enfants dans les ménages, on va voir des différences, on va voir des taux de mobilité qui vont augmenter à la fois chez les hommes et les femmes et des différences qui vont se manifester, les femmes vont faire beaucoup plus de déplacements encore pour raccompagner les enfants.
Donc, la structure des ménages explique en partie les différences mais n’explique pas toutes les différences que l’on peut observer entre les hommes et les femmes.
En quoi cette analyse est-elle si intéressante pour le transport ? En fait, quand on fait de la prévision de la demande, quand on veut s’intéresser aux déplacements qui vont se réaliser dans un futur pour être capable d’organiser les systèmes de transport, il faut être capable de comprendre les différents mouvements qui s’opèrent dans une société, les changements qui s’opèrent au niveau de l’activité et ceci exige que l’on comprenne à la fois quelles sont les tendances chez les hommes, quelles sont les tendances chez les femmes, quelles sont les tendances qui sont liées aux changements dans la structure du ménage parce que toutes ces variables vont avoir des effets différents sur l’ampleur de la mobilité et la structure spatio-temporelle de la mobilité qu’on va devoir gérer avec nos futurs systèmes de transport.
Le déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
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Pour citer cette publication :
Catherine Morency (23 Octobre 2013), « Prévoir la demande de transport grâce à l’analyse de la mobilité comparée homme/femme », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 18 Décembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/videos/1485/prevoir-la-demande-de-transport-grace-lanalyse-de-la-mobilite-comparee-hommefemme
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