21 novembre 2022
Le cas de Séville est unique : en un seul grand chantier, entre 2006 et 2010, la ville s’est munie d’un réseau de pistes cyclables efficace, sûr et confortable, accompagné de mesures incitatives et de contraintes fortes sur la voiture, entraînant un boom des trajets à vélo dans la ville. Cette réussite initiale a pourtant laissé la place à une stagnation de la mobilité cycliste au cours des années suivantes. Cet article analyse les causes politiques, sociales et infrastructurelles de ce succès et de la stagnation qui a suivi. Des leçons peuvent être tirées de l’expérience sévillane : qu’elles soient positives ou négatives, elles pourraient être utiles à toute ville souhaitant développer un système-vélo efficace.
À partir de 2011, Séville est devenue une référence mondiale en matière de politique d’incitation au cyclisme. Son réseau cyclable n’est pourtant pas un cas exceptionnel, ni en matière de chiffres, ni pour d’éventuelles particularités de son infrastructure. De ces points de vue, n’importe quelle ville néerlandaise, danoise ou allemande la surpasse. Ce qui fait de Séville une ville différente, c’est le cours laps de temps qu’il lui a fallu pour que le vélo, jusqu’alors quasi absent de ses rues, devienne un mode de transport du quotidien : tout s’est fait en cinq ans, entre 2006 et 2010.
Cette période exceptionnelle, où la part du vélo est passée de presque rien à 6% des déplacements, a été suivie par une période de stagnation, voire de déclin de la pratique cycliste à Séville. Cet article rend compte des principaux traits du boom de l’utilisation du vélo entre 2007 et 2011, des causes de la stagnation et du déclin ultérieurs, ainsi que des principaux défis actuels pour les politiques de promotion du vélo dans la ville.
La quatrième ville du pays est constituée d’un centre compact (la ville de Séville en elle-même), entouré d’une vaste couronne métropolitaine formée d’une multitude de petites et moyennes villes. La population de Séville est restée quasiment constante de 1990 à nos jours, autour de 700 000 habitants. Disparité frappante, la population périurbaine est de son côté en constante augmentation sur cette période, atteignant des chiffres équivalents au centre de Séville. Sa densité de population est par contre considérablement plus faible que dans la zone centrale (plus de dix fois moins), ce qui a constitué un obstacle à la création d’un réseau de transports publics efficace et intégré. De plus, la périphérie urbaine est massivement composée de villes de banlieue économiquement dépendantes du centre-ville, ce qui, couplé à des transports publics de mauvaise qualité, génère une forte dépendance à la voiture ainsi que d’importants problèmes de congestion. Cet article renvoie principalement au centre-ville, mais nous évoquerons brièvement la périphérie et le rôle que la bicyclette pourrait y jouer.
Depuis 1990, Séville connaît un fort mouvement en faveur du cyclisme, représenté par l’association A Contramano. La figure 1 en est un exemple : la une du journal local El Correo de Andalucía , en date du 31 mai 1993, montre une manifestation organisée par A Contramano et regroupant plus de 10 000 participants pour porter le slogan « Des pistes cyclables, maintenant ! ».
Figure 1. La une d’ El Correo de Andalucía du 31 mai 1993.
En 2004, le principal parti social-démocrate du pays, le Parti socialiste des travailleurs, gagnait les élections municipales et formait une coalition avec les communistes et les écologistes pour gouverner la ville. Ces derniers, proche du mouvement en faveur du vélo, réclamaient notamment l’aménagement d’un réseau de voies cyclables. Des personnalités comme la députée-maire Paula Garvin et José Antonio García-Cebrian 1 , ou encore le maire socialiste Alfredo Sánchez-Monteseirin, ont joué un rôle crucial dans les négociations et la décision de construire un réseau cyclable étendu en 5 ans seulement.
Portés par une volonté politique forte et leur proche collaboration avec les mouvements pro-vélo, ils ont contribué à faire de cette initiative un succès. La décision politique de créer l’ensemble du réseau cyclable aussi rapidement a été déterminante, car elle a immédiatement rendu toute la ville accessible aux déplacements à vélo. Les citoyens ont alors largement adopté ce mode de déplacement, comme nous allons le voir, et la réussite de cette initiative sur le plan social a offert une victoire politique aux dirigeants qui l’ont menée.
Figure 2. Évolution des pistes cyclables à Séville (2006-2010). Source : Ville de Séville
L’ensemble a été conçu et construit entre 2006 à 2010, pour un budget de 32 millions d’euros. En 2010, 120 km de pistes cyclables couvraient toutes les zones habitées de la ville, avec un réseau bidirectionnel, continu, homogène et confortable d’infrastructures cyclables. Dans le centre-ville, de fortes restrictions à la circulation des non-résidents avaient été instaurées. Là où les vieilles rues étroites empêchaient la création de voies cyclables, des politiques de pondération de la circulation ont été mises en œuvre, notamment par la création de nouvelles zones piétonnes. Un système de vélo-partage public couvrant l’intégralité de la ville, avec 2 500 vélos et 250 stations, a été également implémenté en 2007 et rapidement adopté par plusieurs milliers d’utilisateurs.
Figure 3. Une piste cyclable à Séville durant l’heure de pointe. Photographie de l’auteur.
Chaque jour, des milliers de cyclistes circulent dans les zones les plus bondées de la ville. La figure 3 donne l’image d’une piste cyclable typique à Séville : construite au même niveau que la chaussée, afin d’améliorer le sentiment de sécurité des cyclistes, et placée sur d’anciennes places de parking pour ne pas empiéter sur l’espace piéton. La ligne d’arbres, située là où le trottoir se terminait précédemment, aide à définir naturellement l’espace pour les piétons et les cyclistes.
Grâce à cette politique, la pratique du vélo s’est fortement développée dans la ville, atteignant une part modale estimée à environ 6% du total des déplacements 2 . La figure 4 montre les estimations du nombre total de déplacements dans le réseau des pistes cyclables lors d’une journée de travail typique entre 2006 et 2021. Il est intéressant de constater que le pic de déplacements à vélo en 2011 coïncide avec la mise en place de fortes restrictions sur la circulation des voitures dans le centre-ville.
Figure 4. Évolution du nombre de déplacements sur le réseau cyclable lors d’un jour de semaine ensoleillé 3
L’augmentation spectaculaire de la pratique du vélo en zone urbaine pour la période 2006-2011 peut être constatée sans ambiguïté dans la figure 4. Cette période fut suivie d’une stagnation avec des oscillations et un déclin dans les années suivantes.
L’apogée des déplacements à vélo enregistré en 2011 a été suivi d’une réduction d’environ 10 000 trajets entre 2011 et 2015 (passant de 72 000 à tout juste 62 000). Les trajets ont ensuite augmenté une nouvelle fois au cours des quatre années suivantes (entre 2016 et 2019) pour atteindre des niveaux similaires à ceux de 2011 (70 000 déplacements en comptant uniquement les vélos, sans les trottinettes), mais ils sont ensuite retombés à 55 000 trajets en 2021.
Ces reflux sont fortement corrélés à la présence d’un maire plus favorable à la voiture, issu du principal parti conservateur du pays – le Parti populaire (PP) – qui a mis fin aux politiques favorables au vélo instaurées par son prédécesseur. Les initiatives de promotion du cyclisme ont été restreintes et les mesures spécifiques comme les restrictions de la circulation automobile dans le centre-ville ont été annulées, non sans l’opposition de nombreux mouvements sociaux en faveur du vélo. La victoire électorale du PP a été principalement alimentée par des priorités politiques nationales (comme la crise économique) et n’est pas le reflet d’une opposition significative des habitants à la politique pro-cyclisme – la pratique du vélo a d’ailleurs fait preuve d’une certaine résilience, son déclin étant resté très modéré.
Le fait que, durant ces années de déclin de la pratique, la croissance du réseau ne se soit pas arrêtée (voir Figure 6, à gauche) peut sembler surprenant. Cela démontre surtout que si la mise en place d’un réseau de voies cyclables est une condition préalable à toute politique réussie visant à promouvoir le cyclisme urbain, une fois cette condition remplie, d’autres mesures telles qu’une réglementation du trafic favorisant les cyclistes et limitant la circulation automobile, des programmes éducatifs et promotionnels, ou encore des messages politiques présentant le cyclisme comme une activité bénéfique pour la ville sont cruciales. Cette volonté politique et cette communication étaient absentes du gouvernement de la ville pendant la période allant de 2011 à 2015.
En 2015 le principal parti espagnol social-démocrate (PSOE) gagne les élections locales et les taux de pratique du cyclisme augmentent une fois de plus. Depuis cette date, Séville a connu un gouvernement unipartite dirigé par le PSOE, qui a donc été responsable des politiques menées pendant et après la pandémie. L’une des caractéristiques les plus marquantes de ces dernières années (voir ill. 4) est la présence croissante de trottinettes électriques sur les pistes cyclables, qui sont autorisées à y circuler. Nous reviendrons plus tard sur ce point.
Les mesures exceptionnelles prises pour endiguer la pandémie de Covid-19 ont été imposées en Espagne de mars 2020 à juin 2021, la période la plus stricte courant du milieu du mois de mars à la fin du mois d’avril 2020. Durant cette période, la population a été confinée à domicile, sauf pour les activités essentielles. La population a ensuite été autorisée à sortir à nouveau, d’abord pour faire de l’exercice physique puis, petit à petit, pour d’autres activités non-essentielles. Cela a entraîné une très forte augmentation du nombre de cyclistes et de piétons dans la ville, comme on peut le voir sur la figure 5.
Figure 5. Un carrefour sur l’une des avenues centrales de Séville pendant la pandémie, bondée de cyclistes et de piétons, et sans voitures. Photographie de l’auteur.
De nombreuses villes dans le monde ont profité de la situation pour promouvoir la mobilité active, en ouvrant de nouvelles pistes cyclables, en créant des extensions des zones piétonnes ou en modérant le trafic routier. Ces politiques ont été inexistantes à Séville où aucune piste cyclable éphémère ou nouvelles zones piétonnes n’a été créée. Bien sûr, le réseau de pistes cyclables a continué à s’étendre, bien qu’à un rythme plus lent et conformément aux plans prévus, mais la majeure partie de cette extension a concerné les zones périphériques et n’a donc pas permis une amélioration substantielle du réseau central de la ville. La figure 6 montre la croissance de ce réseau au cours de la période 2017-2020.
Figure 6. Croissance du réseau de pistes cyclables de 2017 à fin 2020. Les nouvelles pistes cyclables sont en rouge. Le réseau a augmenté de 8 km durant cette période, de 187km en 2017 à 195 km en 2020. Source : Ville de Séville, mis en forme par l’auteur.
Pour illustrer davantage la cécité de la ville sur ces questions pendant le confinement, alors que de nombreuses villes européennes ont fait la promotion de leurs systèmes de partage de vélos publics, offrant à leurs citoyens un moyen de transport sain et alternatif à la voiture, à Séville comme dans la plupart des villes espagnoles, ces dispositifs ont été fermés. Les guidons des bicyclettes ont été accusés d’être un facteur de transmission, mais pas les barres à l’intérieur des bus !
Séville n’est pas la seule ville en Espagne à avoir développé des politiques pro-cyclisme efficaces sur la période que couvre cet article. Avant elle, Saint Sébastien (Donosti), au Pays basque, et Barcelone ont mis en place avec succès un réseau de pistes cyclables. Simultanément ou peu de temps après Séville, Vitoria, Saragosse et Cadix ont également instauré des réseaux similaires. Dans la majorité de ces villes, le gouvernement local au pouvoir était composé de partis de gauche (PSOE inclus ou d’autres) à l’exception notable de Vitoria, où les conservateurs ont mené la transformation. À Barcelone et à Valence, des voies cyclables éphémères ont été créées durant la pandémie, et dans nombre de ces villes, des systèmes de vélos partagés en libre-service ont été mis en place. Pour chacun de ces cas également, les politiques publiques ont eu un impact significatif sur la mobilité en ville, avec une augmentation substantielle du cyclisme urbain, et les associations pro-vélo fédérées en un réseau national ont participé aux initiatives locales. Séville n’est donc pas un cas isolé. Actuellement, ces villes Espagnoles qui souhaitent développer des politiques en faveur du vélo participent à un réseau, le Red de Ciudades por la Bicicleta, et le gouvernement espagnol, dirigé par une coalition entre le PSOE et Unidas Podemos, a élaboré une Stratégie nationale pour le vélo en 2021 dans le but d’améliorer la place du vélo dans la mobilité urbaine. Cette stratégie inclut la création d’infrastructures cyclables (voies cyclables, parkings à vélos et systèmes de vélo-partage) ainsi que des campagnes de communication (« Au boulot à vélo ») avec des objectifs précis dans les domaines de la promotion de la santé et du cyclo-tourisme. Il faut toutefois noter que cette stratégie transversale ne dispose pas d’un budget dédié.
L’absence de politique de promotion du vélo pendant et après la pandémie est une des explications de la récente diminution du trafic urbain cyclable clairement mise au jour par la figure 4. En dehors de cela, des causes plus profondes peuvent être discutées. En effet, le cas de Séville confirme que, si la mise en place d’un réseau cyclable confortable et sécurisé est un élément essentiel à la réussite d’une politique de promotion du cyclisme urbain, des stratégies complémentaires sont nécessaires pour intégrer pleinement ce dernier dans le plan de transport de la ville, comme faisant partie d’une politique cohérente de mobilité durable.
Tout d’abord, des politiques efficaces de restriction de la circulation automobile ainsi que des politiques de création de proximité par la re-localisation des activités sont essentielles pour promouvoir efficacement la marche et le vélo, car le « marché de la mobilité » est un marché fermé, c’est à dire que les déplacements effectués chaque jour par une personne donnée sont généralement constants et concernent des déplacements quotidiens tels que le travail, les études et les achats. Le changement passe donc par un transfert des déplacements, dans ce cas de la voiture vers le vélo. À cet égard, il paraît significatif que le pic d’activité cycliste à Séville ait eu lieu alors que des restrictions de circulation automobile étaient imposées dans le centre historique de la ville en 2011. Au cours des années suivantes, ces restrictions ont été supprimées par le nouveau maire pro-voitures et aujourd’hui, aucune restriction efficace de la circulation automobile n’est en place dans le centre-ville – malgré l’expérience de la pandémie, qui a montré des voies à suivre sur le sujet, et malgré un maire plus favorable au cyclisme.
De plus, aucune politique de parkings à vélos sécurisés n’a été élaborée, depuis les points de départ (habitations) vers les destinations (lieux de travail, écoles, centres commerciaux et transports en commun). Plusieurs milliers de places de stationnement pour les vélos avaient été créées dans les rues en même temps que le développement du réseau cyclable, et au fil des années, la ville avait adopté des politiques visant à promouvoir le stationnement sécurisé des bicyclettes dans les habitations et dans les centres des transports publics. Cela n’a toutefois pas suffit à endiguer la crainte des vols qui nuit particulièrement à la disposition à faire du vélo 4 . L’université de Séville fait office d’exception puisque, bien avant que le réseau cyclable ne soit effectif, elle avait déjà mis en place avec succès son propre programme de parkings à vélos sécurisés (voir figure 7) pour les étudiants, les professeurs et l’équipe administrative, ce qui a eu un impact positif notable sur l’usage de la bicyclette au sein de cette communauté, démontrant l’efficacité de ce type de politiques pour promouvoir le vélo.
Figure 7. Un parking a vélo sécurisé à l’université de Séville. Photographie de l’auteur.
Autre facteur déterminant que nous avons déjà mentionné, la mise en place d’un réseau complet de pistes cyclables est restée limitée à la ville même de Séville. Les villes périphériques, avec une population équivalente à celle de la ville centre, sont seulement pourvues de quelques pistes cyclables, qui ne sont pas reliées entre elles. Il n’y a par ailleurs pas suffisamment de ponts dédiés aux vélos pour traverser les boulevards périphériques, qui constituent alors des barrières. Ce manque d’infrastructures empêche la formation d’un véritable réseau cyclable et doit être résolu, car l’utilité d’un tel réseau dépend de ces deux caractéristiques : continuité et confort. À l’heure actuelle, ces infrastructures sont en cours d’amélioration, grâce aux efforts de nombreuses autorités locales qui bénéficient des fonds européens « Next Generation », mais l’absence d’un plan cohérent en limite l’impact.
L’intégration du vélo dans le système global de mobilité urbaine est également un point crucial pour permettre la synergie avec les transports métropolitains, en élargissant les zones de desserte des stations. À Séville, cette synergie est peu développée : les systèmes permettant d’embarquer son vélo à bord des transports publics ne sont mis en place que dans les trains urbains et péri-urbains, et pas durant les heures de pointe. Les alternatives « Bike and Ride », associant vélo et transports collectifs, sont également à la traîne, à l’exception de quelques parkings à vélo insuffisants à l’intérieur de certaines gares de banlieue. La ville a installé un grand parking fermé au niveau du principal hub ferroviaire, mais l’absence d’infrastructures similaires dans la couronne métropolitaine en limite l’efficacité. Le système actuel de partage de vélos installé dans la principale gare routière de la ville, sur le modèle de l’entreprise néerlandaise O. V. fiets, est plus efficace. Mais dans tous les cas, il s’agit d’initiatives isolées qui ne constituent pas un véritable système d’intermodalité entre les vélos et les transports publics.
Enfin, une tendance croissante et significative consiste à préférer les trottinettes électriques aux vélos, comme en témoignent les données pour 2019 et 2021 (figure 4). Les trottinettes électriques sont autorisées sur les pistes cyclables par l’organisme de régulation nationale. Ces véhicules sont pratiques et plus faciles à transporter que les vélos, ce qui explique peut-être leur succès dans le scénario actuel où les cyclistes rencontrent des difficultés pour garer leurs vélos chez eux et à leur point d’arrivée, ou à combiner leur usage avec celui des transports en commun. Bien entendu, les trottinettes électriques sont des véhicules motorisés dont les bénéfices sur la santé et l’empreinte écologique ne sont pas équivalents à ceux du vélo. La ville de Séville a limité l’utilisation des pistes cyclables aux trottinettes de moins de 250W, comme pour les vélos à assistance électrique, mais l’opinion de l’auteur de ces lignes est que la prolifération du trafic motorisé sur les pistes cyclables nécessite une discussion plus approfondie.
L’expérience de Séville est un bon exemple de la manière dont la mise en œuvre d’un réseau de pistes cyclables sûr et confortable entraîne une croissance significative de la pratique cycliste urbaine. Il est également la preuve que cela n’est pas suffisant pour développer tout le potentiel du vélo vers une mobilité active et durable. Des politiques complémentaires telles que les restrictions sur la circulation automobile, la mise en place de lieux de stationnements sûrs pour les vélos dans les lieux d’habitation, de travail et d’enseignement, dans les centres commerciaux et dans les gares sont également nécessaires pour maintenir et aller au-delà de l’engouement initial provoqué par le réseau de pistes cyclables, ainsi que pour intégrer les initiatives de promotion du vélo dans une politique globale de durabilité. Dans le cas contraire, on peut assister à une stagnation, voire à un déclin de la pratique du cyclisme en raison de la présence d’autres alternatives de transport, moins durables et moins saines.
L’installation rapide d’infrastructures cyclables couvrant l’ensemble de la ville a été déterminante pour le succès de la politique menée par Séville. C’était une caractéristique fondamentale du processus et probablement la plus importante. En quelques années seulement, de nombreux Sévillans ont réalisé qu’ils pouvaient facilement se déplacer à vélo entre deux points de la ville. Cela confirme qu’il est crucial de disposer d’un réseau complet et qu’il est important de le mettre en place sur une courte période.
Le problème de Séville est qu’aucune politique de mobilité cohérente axée sur la durabilité des transports n’y a été promulguée depuis 2011, y compris des mesures telles que la restriction et la modération du trafic automobile. L’absence de telles politiques, s’appuyant sur le succès de celles menées de 2007 à 2011 pour promouvoir l’usage du vélo, peut compromettre la transition vers une mobilité urbaine durable. Elle montre, une fois de plus, l’importance d’une vision holistique de la mobilité.
• Marqués, R., Hernández-Herrador, V., Calvo-Salazar, M., & García-Cebrián, J. A. (2015). How infrastructure can promote cycling in cities: Lessons from Seville. Research in Transportation Economics , 53, 31-44. • Geller, R., & Marqués, R. (2021). « 19 Implementation of Pro-bike Policies in Portland and Seville ». In Buehler, R., & Pucher, J. (Eds.). (2021). Cycling for sustainable cities , 74. MIT Press.
Remerciements : L’auteur est redevable à Manuel Calvo, Vicente Hernández et Emilio Minguito pour avoir aimablement fourni de nombreuses données pour cet article, et pour des heures de conversation utile et agréable.
1 Tous deux membres de l’association « A Contramano ».
2 Marqués, R., Hernández-Herrador, V., Calvo-Salazar, M., & García-Cebrián, J. A. (2015). Comment les infrastructures peuvent promouvoir le vélo dans les villes: les leçons de Séville. Research in Transportation Economics, 53, 31-44
3 Ces estimations sont basées sur des comptages systématiques à des points précis sur le réseau, où est mesuré le pourcentage de déplacements sur les vélos en libre-service. Puisque nous connaissons le nombre exact de vélos en libre-service loués, nous pouvons aisément estimer à partir de ces données le nombre total de déplacements effectués. Remerciements chaleureux à Manuel Calvo pour m’avoir fourni les données de ce graphique.
4 À Séville comme dans les autres villes d’Espagne, vous verrez rarement des vélos stationnés dans la rue la nuit pour la même raison.
Le déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
En savoir plus xLa mobilité active a trait à toute forme de déplacement effectué sans apport d’énergie autre qu’humaine (sans moteur) et par le seul effort physique de la personne qui se déplace. Elle se réalise à l’aide de modes eux-mêmes dits « actifs », principalement la marche et le vélo.
En savoir plus xLes mesures de confinement instaurées en 2020 dans le cadre de la crise du Covid-19, variables selon les pays, prennent la forme d’une restriction majeure de la liberté de se déplacer durant un temps donné. Présenté comme une solution à l’expansion de la pandémie, le confinement touche tant les déplacements locaux qu’interrégionaux et internationaux. En transformant la spatio-temporalité des modes de vie, il a d’une part accéléré toute une série de tendances d’évolutions préexistantes, comme la croissance du télétravail et des téléachats ou la croissance de la marche et de l’utilisation du vélo, et d’autre part provoqué une rupture nette dans les mobilités de longue distance. L’expérience ambivalente du confinement ouvre sur une transformation possible des modes de vie pour le futur.
En savoir plus xLes recherches sur la transition s'intéressent aux processus de modification radicale et structurelle, engagés sur le long terme, qui aboutissent à une plus grande durabilité de la production et de la consommation. Ces recherches impliquent différentes approches conceptuelles et de nombreux participants issus d'une grande variété de disciplines.
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