Quelle politique de transport développer dans une ville étalée et ségrégée comme Los Angeles ? Quelle place donner à la voiture ? Que privilégier : le réseau de métro ou de bus ? Au service de quels objectifs ? Economiques (compétitivité, emploi), environnementaux (réduction de la pollution et de la consommation de ressources fossiles) ou sociaux (lutte contre les inégalités sociales et raciales) ?
Los Angeles, deuxième ville des Etats-Unis après New-York avec 3 792 621 habitants en 2010, est devenue le symbole de la ville étalée à l’américaine, où se côtoient le luxe et la misère et où l’automobile règne en maître. Les autoroutes urbaines à six voies embouteillées, les lotissements à perte de vue et les quartiers ségrégés sont quelques-uns des poncifs sur Los Angeles que le cinéma et la littérature ont contribués à diffuser à l’échelle mondiale.
En réalité, Los Angeles correspond à un modèle urbain à la fois dense et étalé (« dense sprawl », selon Eric Eidlin 1 ). Alors que Los Angeles était jusqu’à présent considérée comme une ville polynucléaire, les autorités municipales s’efforcent depuis une trentaine d’années de créer une centralité au sein du Downtown. La politique de transport, au travers de la mise en place d’un réseau de métro et de lignes de bus rapides, accompagne cette politique de densification et de renforcement du centre.
Cette politique de transport, mise en œuvre par la Los Angeles County Metropolitan Transportation Authority (METRO), fait l’objet d’une controverse car elle s’accompagne d’une hausse des tarifs et d’un désinvestissement dans le réseau de bus classique, largement utilisé par les populations pauvres et de couleur. Au milieu des années 1990, une association d’utilisateurs du bus (la Bus Riders Union), soutenue par des chercheurs de UCLA (University of California, Los Angeles), a attaqué la METRO en justice en arguant que la politique menée par l’institution était discriminatoire et nuisible d’un point de vue environnemental. Ce combat, analysé par Tim Cresswell dans On the move (2006) 2 , n’a pas conduit les institutions locales à réorienter significativement leur politique de transport, même s’il a eu des effets comme le maintien de certaines lignes et l’amélioration du parc de bus (bus roulant au gaz naturel, moins polluants que le diesel).
Vingt ans plus tard, la situation a évolué et le rapport de force a basculé en faveur de la METRO, la BRU ayant été marginalisée. Pour autant, le débat reste ouvert : quelle politique de transport développer dans une ville étalée comme Los Angeles ? Quelle place donner à la voiture ? Que privilégier : le réseau de métro ou de bus ? Au service de quels objectifs ? Economiques (compétitivité, emploi), environnementaux (réduction de la pollution et de la consommation de ressources fossiles) ou sociaux (lutte contre les inégalités sociales et raciales) ?
1 Eric Eidlin (2010), “What Density Doesn't Tell Us About Sprawl”, ACCESS #37, pp. 2-9. Disponible en ligne : http://www.uctc.net/access/37/access37_sprawl.shtml
2 Tim Cresswell (2006), On the move. Mobility in the Western World , Routledge, London
Depuis l’adoption de la Mesure R3 en 2008, la ville de Los Angeles et l’opérateur de transports, la METRO, se sont enfin dotées de moyens de conduire une politique de transports ambitieuse. L’extension du réseau du métro est un outil de modernisation de la ville, de justice sociale mais surtout d’intervention sur la morphologie urbaine.
Il semble nécessaire de rappeler combien Los Angeles n’est pas une ville « classique ». Elle s’est développée hors du schéma traditionnel centre/périphérie, ce qui fait d’elle la ville postmoderne par excellence. Cette absence de centre-ville bouscule notre conception de la ville. Aussi, pour comprendre la pertinence d’un réseau de métro à Los Angeles, il faut se poser la question du contexte spatial. Il s’agit bien de comprendre comment les transports s'inscrivent dans un espace urbain, comment les transports structurent ou (re)modèlent cet espace et le font évoluer. Notre réflexion sur la ville en général s’appuie sur un éventail de concepts, une boite à outils comme la densité, le maillage, la cohérence, la fonctionnalité, la durabilité, le développement, etc. Or, tout cet appareil réflexif se heurte, dans le cas de Los Angeles, à un contexte original. Non seulement, à Los Angeles, on est face à un espace particulier; mais encore la notion de l'espace et le rapport à l'espace y sont singuliers. Los Angeles se pose comme un modèle urbain.
Un réseau de métro « à la pointe » serait un moyen pour la ville de Los Angeles de s’affirmer comme une métropole mondiale. Aujourd’hui, Los Angeles s’apparente à une métropole avec le réseau de transports d’une ville comme…Lyon : beaucoup de voitures, beaucoup de bus, peu de métro. Pire, alors que l’aéroport de Los Angeles est le 6e du monde, il n’est même pas desservi par le métro. Or le métro est un mode de transports associé aux grandes agglomérations. L’absence d’un réseau de métro efficace est perçu comme la preuve du retard de Los Angeles sur sa grande rivale, New-York. Un réseau de transports est, au même titre qu’une skyline, la vitrine d’une ville et l’affirmation d’une politique publique d’aménagement. Martin Wachs, professeur au département d’Urban Planning de UCLA aime à dire :
« Just as the Eiffel tower comes to mind as the symbol of Paris, and the Statue of Liberty symbolizes New York, the internationally recognized symbol of Los Angeles is the freeway. »4
Los Angeles n’est donc pas célèbre pour ses transports en commun, encore moins pour son métro. Aussi, le projet d’extension du métro porté par la municipalité et la METRO est un projet prometteur, porteur d’une image valorisante pour Los Angeles. Il lui offre l’opportunité de dépasser l’image d’une ville dédiée à la voiture. Comme l’écrit Stephanie Pincetl, également professeur à UCAL5, « Los Angeles is seen as the antithesis of a sustainable city. »
Dans une logique de concurrence entre métropoles, le métro devient ainsi une arme déterminante pour séduire de nouveaux investisseurs et habitants, soucieux de développement durable.
Par ailleurs, l’extension du métro à Los Angeles a pour objectif de réduire les inégalités sociales dues aux mobilités. Le titre du livre de Peter Marcuse est en lui-même significatif : « Spatial Justice: Derivative but Causal of Social Injustice»6. La justice sociale à la fois engendre et est le fruit d’une justice spatiale. L’extension du métro est au service de cette vision d’une ville plus juste. Car, contrairement à ce que veut nous faire croire la BRU, l’introduction d’un réseau de métro à Los Angeles est bien un outil de cohésion métropolitaine. Selon Stephanie Princetl1:
« Transit fares [in Los Angeles] are among the least expensive in the world at $1.50 for an unlimited distance. »
Le prolongement des lignes de métro permettrait de relier les quartiers entre eux par une meilleur desserte, favoriserait la mobilité de tous et offrirait aux citoyens un réseau de transports respectueux de l’environnement pour un prix du ticket très inférieur à celui des autres métropoles mondiales. Ce nouveau moyen de transport pourrait contribuer à réduire les fractures socio-spatiales qui aujourd’hui marquent la carte de Los Angeles, le degré de mobilité des habitants étant très étroitement lié à la voiture. Par ailleurs, l’accès à des transports durables, comme le métro, est un droit pour tous les Angelins et un moyen de lutter contre l’utilisation de la voiture comme seul moyen de déplacement. Un réseau de métro permettrait aux Angelins d’échapper aux embouteillages qui font la mauvaise réputation de Los Angeles. Contrairement au bus, le métro ne se déploie pas sur la même voierie que l’automobile ; il bénéficie d’une infrastructure en propre et propose un transport en commun qui n’est pas en concurrence directe avec la voiture. Les usagers du métro sont ainsi autant de personnes qui n’utiliseraient plus les voies encombrées de Los Angeles (en bus ou en voiture) et auraient plus de chance d’arriver à l’heure…
Au-delà des capacités de transports, l’extension du réseau de métro est aussi un avantage pour les jeunes. Comme l’écrit David Lowenstein1:
« One of the major obstacles for students seeking internships and jobs in Los Angeles is the availability and accessibility of public transportation to and from the job location. »
La construction de la nouvelle ligne de métro, l’Expo Line, qui relie le campus de University of Southern California (USC) et Union Station, est un atout majeur pour les étudiants qui souhaitent rejoindre leur lieu d’étude rapidement. En effet, bien souvent les étudiants n’ont pas de voiture sur leur campus, ni de station de transport en commun à proximité. Ainsi, l’extension du métro à Los Angeles est facteur de cohésion du territoire et de justice sociale.
Un des arguments contre la construction d’un nouveau métro à Los Angeles est son coût élevé. Pourtant, il semblerait qu’au regard du bus, le métro soit moins onéreux en termes de coûts opérationnels :
« A primary reason why light rail costs tend to be lower is that LRT9vehicles provide more passenger space and, in addition, can be coupled in trains, usually between 2 and 4 cars in length. This typically means that only a single train operator is required instead of many bus drivers – a significant cost advantage over the need for a driver for every bus. »10
Le métro est peut-être plus cher à construire que le bus, mais il est moins cher à entretenir. De plus, un métro peut transporter davantage d’individus par jour qu’un bus. Prenons par exemple la ligne de bus n°60 et la Blue line qui ont à peu de choses près, le même trajet. Selon Light Rail Now!, alors que la ligne 60 transporte 26 694 passagers par jour, la Blue Line en transporte 56 22511. Par ailleurs, pour une rame de métro de 3 à 4 voitures, chaque voiture comporte 76 places assises et offre une capacité totale de 354 passagers, alors qu’un bus ne comporte que 41 places assises et peut accueillir 50 personnes au maximum12. Ainsi, le métro offre une capacité de transport bien supérieure à celle du bus.
Néanmoins, il ne s’agit pas de réduire l’extension du réseau de métro à une lutte systématique contre la voiture. Une alliance serait au contraire bienvenue. Si ces deux modes de transport entretiennent un rapport très différent à l’espace, leur articulation serait porteuse d’une nouvelle vision du territoire Angelin. Un des arguments des opposants au métro est qu’il n’existe pas de centre à Los Angeles, ce qui complique la desserte et le choix du tracé. Il s’agit d’accepter que le contexte Angelin nous amène à repenser nos conceptions de l’aménagement de l’espace urbain : l’extension du métro ne doit pas être pensée selon une logique centre/périphérie mais bien plus en complémentarité avec la voiture. Aussi, une autre manière de penser le réseau de transports doit être à l’œuvre et par là, à terme, la ville.
Le principal effet du métro à Los Angeles porterait sur la morphologie de la ville. Cet enjeu est le plus important et le plus intéressant. Autour de ses points d’accroche sur le territoire, un réseau de métro permettrait de densifier l’espace urbain Angelin avec une élévation du bâti. Structurant un espace Angelin détendu, sans cohérence et peu centralisé, le métro permettrait de créer une sorte de « squelette » de la ville. En offrant des infrastructures pérennes, le métro marque un durcissement du réseau de transports et exerce une pression de densification à ses abords. La ville devra désormais s’adapter à son tracé. Car, loin de n’être qu’un outil de mobilité, le métro doit conduire, accompagner les mutations morphologiques de la ville de Los Angeles. C’est une des raisons de sa création et une condition de son acceptation.
En s’en tenant à l’existant, qu’elle veut développer, la BRU met apparemment de son côté le pragmatisme ; et la METRO ferait preuve d’idéalisme et d’une ambition excessive. Mais, en adoptant cette position, la BRU ne s’attaque en rien aux problèmes croissants du transport à Los Angeles : embouteillages et pollution. Son projet ne modifie pas la structure de la ville à l’origine de ces difficultés. Alors que la BRU s’arrête au constat d’une ville non dense, étalée et où construire un métro aurait un coût important pour une efficacité relative, la METRO, de son côté, met en avant un projet susceptible de modifier en profondeur tant l’espace Angelin que le rapport des Angelins à cet espace. De fait, l’aménagement par les transports ne doit pas simplement s’en tenir à l’existant, il a aussi pour objectif de faire évoluer en les améliorant la ville et son organisation.
La BRU nous dit que la morphologie urbaine de Los Angeles ne s’y prête pas : trop grand, trop vaste, pas assez dense, etc. Mais l’enjeu d’une politique des transports n’est pas simplement de déplacer les individus, il est aussi d’influencer les pratiques mobilitaires et leur environnement : foncier, économique, écologique, social, etc. Autour des stations de métro, les pouvoirs publics devront accompagner l’élévation et la diversification du bâti et de l’habitat. L’Institute of Environment and Sustainability de UCLA a imaginé une vision de Los Angeles en 2021 :
« Vision 2021 LA, A Model Environmental Sustainability Agenda for Los Angeles’ Next Mayor and City Council »13.
Il y suggère d’augmenter par ordonnance le nombre de logements situés à moins d’un demi-mile d’une station de métro ou de bus en site propre et parallèlement, de diminuer le nombre de place de parking pour les voitures.
Aussi, le métro doit être pensé comme un paradigme pour remodeler notre approche de la ville. Le métro est comme un fil directeur qui recadre le développement de l’espace urbain. La manière dont on structure son réseau est une manière de penser la ville. A Los Angeles, il pourrait équilibrer une pratique mobilitaire unimodale où la voiture est reine et dont le bus ne serait qu’un prolongement.
3 La Mesure R est une taxe votée en 2008 pour trente ans afin de financer les projets de transports à Los Angeles.
4 WACHS, M. “Learning from Los Angeles: transport, urban form, and air quality”, University of California Transportation Center, 1993 - 31 pages
5 PRINCETL, S. “Los Angeles, The Improbably Sustainable City”, site internet de l’Association of American Geographers, 8 mars 2013, 43 pages, disponible à l’adresse suivante: http://www.aag.org/cs/news_detail?pressrelease.id=2046
6 MARCUSE, P., Spatial Justice: Derivative but Causal of Social Injustice, Columbia University, 2009
7 Opus cité.
8 LOWENSTEIN, D., “Interns could benefit from growing Metro”, in Daily Trojan, 9 novembre 2011, disponible à l’adressesuivante:http://dailytrojan.com/2011/11/09/interns-could-benefit-from-growing-metro/
9 Light Rail Transit
10 Light Rail Now!, “Los Angeles's Blue Line: Comparison of LRT vs. Bus”, Avril 2007, disponible à l’adressesuivante: http://www.lightrailnow.org/facts/fa_lrt04.htm
11 Opus cité, chiffres 2001.
12 Opus cité, chiffres 2001.
13 Institute of Environment and Sustainability, UCLA, « Vision 2021 LA, A Model Environmental Sustainability Agenda for Los Angeles – Next Mayor and City Council », décembre 2012, document disponible à l’adresse suivante : http://www.environment.ucla.edu/media_IOE/files/UCLA_Vision_2021_LA-hc-kz5.pdf
La Bus Riders Union (BRU) a lancé en 2008 une campagne politique intitulée Transit Riders for Public Transportation. Elle a pour revendication principale la redistribution des subventions fédérales octroyées pour les systèmes autoroutiers et les systèmes de transports en commun, d’un rapport actuel de 80% et de 20%. Elle promeut aussi la modification de l’attribution de ces financements concernant le volet « transports en commun », majoritairement orientés vers le développement des infrastructures lourdes à l’image du métro. Pour la Bus Riders Union un système maillé d’autobus est plus souhaitable à Los Angeles qu’un réseau de métro, pour des raisons tant financières que pratiques. En arguant que l’autobus est plus adapté à la morphologie urbaine de Los Angeles, la BRU montre qu’il devrait obtenir davantage de financements : il a, pour elle, une réelle utilité sociale, en coûtant peu et en favorisant une mobilité fluide et multiple.
L’un des premiers arguments opposables à la politique de la METRO est celui du coût, et plus particulièrement dans un contexte de crise budgétaire. Le rail est plus onéreux que le bus à la construction : concernant le réseau de métro, la BRU estime qu’un mile de construction hors-sol de métro coûte environ 150 millions de dollars, et 350 millions de dollars en sous-terrain. A l’inverse, elle montre que l’Orange line, bus à haut niveau de service, a couté à la construction près de 24 millions de dollars par mile, contre 70 à 80 millions pour la light rail (tramway).A budget identique, il est donc possible de construire et d’entretenir plus de lignes de bus que de métro14.
Tant en termes de fréquentation que de diversité des destinations, un système de bus est préférable au métro. Le type de véhicule adéquat et sa taille sont fonction du nombre d’usagers qui font un même voyage au même moment. C’est seulement quand ce seuil est haut que les investissements dans les infrastructures lourdes tels les métros sont justifiables. Un petit van collectif est efficace pour un petit groupe d’individus. A l’inverse, les villes compactes donnent sens à l’existence d’un métro. Los Angeles est une ville entre ces deux extrêmes : moyennement dense, mais très étalée.
Plus encore, les flux de personnes dans l’ensemble du comté montrent une dispersion importante. Il n’y a pas, à l’image de Paris, un flux massif de l’Est vers l’Ouest le matin, et un flux inverse le soir. A Los Angeles, soir et matin, les individus, qu’ils soient motorisés ou en transports en commun, vont dans toutes les directions. Les trajets Nord-Sud équivalent aux trajets Sud-Nord, et il en est de même sur l’axe Est-Ouest.
Cette dispersion des flux résulte d’une part de l’éclatement des emplois sur la métropole, et d’autre part, de l’éclatement des lieux d’habitation. Or, un système dense et maillé de bus correspond beaucoup plus à ce type de déplacements : il n’est pas envisageable, ne serait-ce que financièrement, de mettre en place des lignes de métro supplémentaires répondant à ces flux multiples. Enfin, les métros sont construits principalement sur les anciennes voies du tramway, et ne sont plus adaptés aujourd’hui aux besoins de desserte, à l’image de la blue line.
Considérant cette multiplicité des flux, le système d’autobus a un autre avantage : il est flexible (s’il n’est pas en site propre). Ainsi, et contrairement au métro, il permet une adaptation constante du système de transports aux besoins de déplacement, par la simple modification du tracé des lignes. Sur les lignes les plus fréquentées, il est possible d’augmenter les fréquences, voire de mettre en place des systèmes de bus en site propre, à l’image de l’Orange line. Certaines infrastructures préexistantes paraissent destinées à les recevoir : les autoroutes. De fait, et assez naturellement, c’est autour d’elles que se sont déployées les zones d’emploi, et dans une moindre mesure, les zones d’habitation. Dans cette logique, la BRU souhaite pouvoir réserver d’abord une, puis deux voies aux autobus rapides :
“There is no way to build enough rails, in such a dispersed area, to serve people adequately without bankrupt and so. You would never be able to do it. […] Use the right tool for the job […] They continued to build these rail lines, they put millions and millions of dollars onto the rail lines, and then, because of all the dispersal of… you know, they had to go everywhere so… unless the rail line takes you exactly from where you need to go to where you need to go, it doesn’t really work for you in a space like this, right?”15
La question du système de transport Angelin n’est pas dénuée d’enjeux sociaux : Tim Cresswell parle bien de spatial mismatch, dans une réflexion plus large sur la justice spatiale16.Un sondage de la MTA de 2002 montre que le revenu annuel moyen des usagers du bus est de 12,000$. Les latinos composent 58% des usagers, les africains américains 20%, les asiatiques 8% et les blancs 12%17. Un sondage de Metrolink, datant de 2000, montre que les usagers du rail ont un revenu annuel moyen de 61,100$. Un second sondage datant de 2004 montre que 48% de ces usagers sont blancs.
Il existe une séparation sociale et raciale des transports : l’autobus est utilisé par les pauvres issus de minorités raciales. Ce constat est à lier avec les coûts des transports : en termes d’infrastructures et de coûts opérationnels, le coût réel d’un trajet en bus est de 1.93$, contre 12.90$ pour un trajet en métro18. Or, la tarification des transports est quasiment identique entre bus et métro. Dès lors, les usagers du bus payent le coût des infrastructures de métro. C’est certes une forme de solidarité, mais au regard des profils socio-économiques des usagers de chacun des modes, ne pourrait-on pas penser que les pauvres payent un moyen de transport qu’ils n’utilisent pas ?
La clef de voûte des réflexions de la BRU est l’objectif assumé à demi-mots d’une disparition totale de l’automobile à Los Angeles, contre un développement massif du système d’autobus, correspondant parfaitement à la morphologie urbaine Angeline, moyennement dense et étalée, aux circulations éclatées et multiples. Enfin, les chiffres témoignent d’une faible utilisation du réseau ferré, rapportée à l’usage de l’autobus. Un réseau métropolitain, oui. Mais des métros vides ?
La question environnementale est relativement résiduelle dans le débat entre la METRO et la BRU. Il convient de souligner néanmoins qu’une partie des métros actuellement en service roule au diésel. De plus, les calculs d’émissions de gaz à effet de serre n’incluent généralement pas les coûts carbones induits par la construction des infrastructures de transport. Il faut savoir que les autobus actuellement en circulation roulent quasiment tous au gaz naturel. Pour finir, il semble nécessaire de regarder au-delà de la consommation énergétique du système de transport : en souhaitant supprimer l’automobile de Los Angeles, la BRU entend effectuer un report modal massif de la voiture individuelle vers l’autobus, bien moins polluant à quantité de personnes transportées égale.
Face à cette question, la METRO valorise la densification autour des axes principaux de transport comme élément limitant l’usage de l’automobile. Quand bien même les habitants de Los Angeles opteraient pour de l’habitat dense, une ville dense et polycentrique ne risque-t-elle pas de reléguer les pauvres là où les transports ne vont pas, en créant des phénomènes de gentrification, à l’image de certaines villes européennes ?
14SNYDER, R., “The Bus Riders Union Transit Model: Why a Bus-Centered System will best serve U.S. Cities”, The Labor/Community Strategy Center, avril 2009.
Pour citer cette publication :
Lucile Waquet et Jean Leveugle (07 Avril 2014), « Quel transport métropolitain pour Los Angeles ? », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 27 Décembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/controverses/2276/quel-transport-metropolitain-pour-los-angeles
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