La mobilisation est l’action par laquelle les individus sont appelés à se mettre en mouvement pour se rassembler dans l’espace public en vue d’une entreprise concertée, que ce soit pour exprimer et défendre une cause commune ou pour participer à un événement. En ce sens, il s’agit d’un phénomène social relevant du champ de la mobilité. Cet article a été rédigé par Sylvie Landriève, Dominic Villeneuve, Vincent Kaufmann et Christophe Gay.
La mobilisation est l’action par laquelle les individus sont appelés à se mettre en mouvement pour se rassembler dans l’espace public en vue d’une entreprise concertée, que ce soit pour exprimer et défendre une cause commune ou pour participer à un événement.
La mise en mouvement suscitée par la mobilisation débouche sur un déplacement jusqu’au lieu de rassemblement retenu, soit pour l’occuper de façon statique et plus ou moins temporaire (occupation d’espaces publics symboliques comme le parc Zuccotti par le mouvement Occupy Wall Street dès 2011 ou la place Taksim à Istanbul en 2013), soit comme point de départ de marches groupées (commémorations, manifestations, défilés,…), le long de parcours autorisés ou non.
La mobilisation prend souvent la forme d’une marche effectuée sur un rythme lent, symbole de la contestation non violente. Elle peut se dérouler à pied (cas le plus fréquent, comme la marche des Beurs en 1983), à vélo (comme la critical mass), à mobylette (marche des Beurs de 1984), en roller, en taxi ou en camion (pour des opérations escargots notamment). En perturbant la circulation dans l’espace public, l’occupation, dont c’est la vocation, paraît souvent plus hostile que les marches.
Quels sont les « mobiles », les raisons d’agir qui suscitent la mise en mouvement ? La mobilisation peut avoir des motifs assez différents. Elle peut viser à alerter, à faire connaître une cause pour la mettre à l’agenda politique, qu'il s’agisse de sujets sociaux (revendications salariales,…), sociétaux (éducation,…), de la défense de valeurs (laïcité, liberté de la presse,…), de faire pression sur le gouvernement pour l’abandon d’une loi ou pour un retrait militaire (du Vietnam, ou, plus récemment, d’Irak, aux États-Unis, au Royaume-Uni) ou, de plus en plus depuis une cinquantaine d’années, de la défense des droits des minorités (Civil rights aux États-Unis, Gay Pride dans un nombre croissant de grandes villes du monde) et de l’environnement. Dans ce cas, la mobilisation n’est pas une fin en soi. La force motrice de la mobilisation est alors le regroupement de personnes qui pensent qu’ensemble, elles peuvent changer les choses.
Mais elle peut aussi simplement viser à participer collectivement à une commémoration (enterrement de personnalité comme Victor Hugo) ou à une célébration (victoires sportives comme la coupe du monde de football en 1998 sur les Champs-Élysées). Elle peut aussi relever du mode festif, à l’instar des rave party, des flash mob ou des techno parades. Il n’est pas rare que plusieurs des registres évoqués soient présents lors d’une même mobilisation (exemple de la musique et des chants dans la manifestation politique, des déguisements dans les Gay Pride).
Elle peut avoir un caractère exceptionnel (défilé du bicentenaire de la Révolution française en mai 1989 par exemple) ou rituel (défilés annuels du 1er mai, marches associées aux journées nationales des droits de la femme, de la presse,…).
Elle peut résulter :
Une mobilisation peut être spontanée (exemple des manifestations d’octobre 2015 à Beyrouth pour le ramassage des ordures) ou au contraire être organisée, planifiée à l’avance (date, heure, lieux), souvent pour des raison d’autorisation et/ou de sécurité. C’est le cas des marches internationales pour le Climat ou de celles contre le SIDA,
Elle peut être réactive, à l’instar de la manifestation ayant fait suite aux attentats de Charlie Hebdo à Paris en janvier 2015, ou pro-active.
Une mobilisation concerne au moins trois grands types d’acteurs :
Avec le développement des mass media, le nombre de spectateurs s’est considérablement élargi ; il est courant d’être spectateur d’une mobilisation non plus seulement physiquement mais aussi par l’intermédiaire de la télévision, de sites d’information en ligne ou des réseaux sociaux (Periscope sur Twitter, Facebook live, des médias spécifiques aux réseaux sociaux comme Brut). La réussite d’une mobilisation se mesure à son écho médiatique. Les média attirent l’attention du public sur certains faits, en fournissant informations et interprétations des évènements (Nedelmann 1987 : 182).
Le numérique permet d’augmenter les possibilités d’organiser des manifestations et d’amplifier leur écho. Avec le développement des réseaux sociaux, les canaux par lesquels une mobilisation peut se déployer se sont élargis et ont gagné en efficacité. Par l’intermédiaire de ces réseaux, il est en effet possible de toucher très rapidement des dizaines de milliers de personnes pour transmettre un lieu de rendez-vous.
La dimension cognitive de la mobilisation. Il s’agit du processus par lequel les acteurs définissent leurs intérêts en lien avec les autres acteurs. La reconnaissance et la définition de ces intérêts sont le résultat d’efforts communs afin de structurer la prise de conscience de problèmes spécifiques et leur donner un sens politique et culturel dans un processus d’interaction ( ibid. : 186). Les médias traditionnels et les réseaux sociaux interviennent de façon importante dans cette dimension de la mobilisation en devenant agents de la mobilisation. En effet, la gestion de l’information permet de « moduler » la représentation de la réalité.
La dimension affective de la mobilisation. Il s’agit de l’aspect « émotif » de la mobilisation qui permet de créer un sentiment de solidarité entre les acteurs. Comme le rappelle Lolive (1997 : 129), il s’agit là d’un aspect important constituant le « ciment de la mobilisation ». L’émoi ou l’indignation sont des émotions très intenses, qui peuvent mener les individus à se mobiliser pour des idées abstraites, éveillant des sentiments de solidarité entre des individus qui ne se connaissent pas. Livet et Thévenot (2003) affirment par exemple que le sentiment d’injustice prépare l’individu à l’action et peut déclencher la mobilisation.
Il s’agit de la mobilisation organisée par les acteurs institutionnels, en particulier les partis politiques, les États ou des associations (ONG, etc.) qui fournissent aux citoyens des opportunités de participation politique grâce à leur organisation. Par exemple, les partis politiques font de la mobilisation verticale en organisant et en finançant des meetings ou des manifestations invitant les gens à prendre part à la politique ou en faisant circuler des pétitions dans lesquelles les citoyens s’expriment avec leur signature (Rosenstone et Hansen 2003 : 26‑27). Cela peut même consister à transporter gratuitement des citoyens jusqu’à un lieu de vote ou à mettre à leur disposition un service de gardiennage afin de les libérer pour qu’ils puissent aller voter. C’est alors l’implication des élites politiques qui fournit aux citoyens une occasion de participer et de s’informer à propos de problèmes politiques (idem).
Il s’agit d’une forme de mobilisation autonome et/ou spontanée. Ce type de mobilisation passe par les réseaux affinitaires, les amis, les collègues, les voisins, les contacts des réseaux sociaux ou les membres de la famille.
Les nouveaux outils de communication mobile et Internet opèrent une transformation de la mobilisation (Anduiza, Cantijoch, & Gallego, 2009 ; Postmes & Brunsting, 2002). Outre l’effet de « caisse de résonance », il apparaît que le numérique est un outil de plus en plus convoité par les acteurs de la mobilisation, et qu’il permet l’émergence de nouvelles formes de mobilisation, comme celles qui ont marqué le printemps arabe au début des années 2010, ou plus généralement d’une forme de « vibration » réactive sur la toile pouvant se traduire par des mobilisations dans l’espace public (Boullier 2015). En résumé, le numérique est un accélérateur de mobilisation : il permet de mobiliser plus vite, plus de gens et de façon plus instantanée.
Les auteurs affirment qu’en général l’utilisation d’Internet pour se mobiliser ne s’éloigne pas de celle d’outils traditionnels, notamment des pétitions sous format papier. Si c’était vrai en 2008, il n’en demeure pas moins que les évolutions rapides des nouvelles technologies de communication mobiles, de l’accès à Internet et des réseaux sociaux tendent à introduire de nouvelles pratiques comme la mobilisation indirecte entre individus qui ne se connaissent pas, opérées par les manifestants (grâce à Twitter ou Facebook) lors du printemps arabe ou la webdiffusion en direct des manifestations lors d’un rassemblement du mouvement Occupy Wall Street (Costanza-Chock, 2012, p. 382).
On parle également de « mobilisation éclair » pour désigner un groupe de personnes qui s’assemblent dans un lieu/espace public, pour faire quelque chose d’inhabituel pendant une période brève, avant de se disperser rapidement. La plupart du temps, les participants ne se connaissent pas au préalable, ne communiquent pas entre eux avant ou après l’événement et se coordonnent via les réseaux sociaux.
Selon une étude du mouvement d’occupation des universités britanniques par les étudiants contre l’augmentation des frais de scolarité, ces nouveaux moyens techniques présentent des avantages particuliers comme leur grande vitesse de diffusion des messages, le soutien moral qu’elles peuvent permettre ainsi que la facilité de réseautage entre multiples organisations (Ward, Gibson, & Lusoli, 2003, p. 187).
La campagne présidentielle de Barak Obama en 2008 est un exemple très intéressant de l’utilisation d’Internet comme moyen de mobilisation. Selon Cogburn et Espinoza-Vasquez (2011), d’autres campagnes avaient déjà utilisé certains de ces moyens technologiques, mais celle d’Obama en 2008 l'a fait à un niveau sans précédent. Les outils du Web 2.0 ont joué un rôle décisif dans la victoire du candidat démocrate, grâce, entre autres, à la mobilisation des quatre millions d’électeurs qu’ils ont permise. Courriels, vidéos ainsi qu’une application iPhone dédiée ont mobilisé les citoyens en leur diffusant directement des messages personnalisés les invitant à participer à des activités politiques à proximité. Une mobilisation indirecte a même été possible grâce à ces mêmes outils, notamment lors de batailles clés des élections primaires de certains États (les swing states ) : les contacts stockés dans le téléphone des sympathisants étaient analysés afin d’identifier ceux des personnes qui habitaient dans le swing state visé, l’application suggérant au dit citoyen d’appeler ses amis ainsi triés pour leur parler du candidat Obama (Cogburn et Espinoza-Vasquez 2011 : 203).
Nous pourrions même aller jusqu’à considérer qu’Internet est désormais devenu un espace public de la mobilisation en lui-même, grâce, notamment, à la multiplication des possibilités de signer des pétitions en ligne et de voir instantanément le nombre de personnes mobilisées sur une question.
Les effets d’une mobilisation et la nature de ces effets sur le système politique sont susceptibles de varier selon l’échelle. Si, historiquement, la mobilisation est souvent nationale, avec de grands défilés (cas de la mobilisation militaire par exemple), plus récemment, se sont considérablement développées les mobilisations locales et internationales.
A l’échelle locale, elles ont le potentiel de transformer la façon de gouverner, menant ainsi à une nouvelle forme de gouvernance plus coopérative. Selon Balme et Faure (2002 : 124): « les mobilisations politiques locales entament le monopole de l’Etat dans l’action publique et contribuent au développement d’une forme de ‘gouvernance polycentrique’, c’est-à-dire un mode d’exercice de l’autorité politique moins régalien, moins hiérarchique et moins centralisé que par le passé, mais au contraire plus décentralisé, et plus marqué par la coopération entre les différents niveaux de gouvernement et entre acteurs privés ».
De plus en plus de mobilisations internationales s’organisent, à l’instar des « marches pour le climat », à l’adresse des institutions mondiales (G8, OMC, …).
La mobilisation fait l’objet d’une littérature scientifique abondante sur son versant politique. Les mobilisations spatiales à caractère identitaire (Sébastien 2016) ou festif (Auray 2010) sont en revanche beaucoup moins étudiées au point de constituer encore, actuellement, des terrains assez inexplorés de la recherche sur la mobilité.
La mobilisation est l’action par laquelle les individus sont appelés à se mettre en mouvement pour se rassembler dans l’espace public en vue d’une entreprise concertée, que ce soit pour exprimer et défendre une cause commune ou pour participer à un événement. En ce sens, il s’agit d’un phénomène social relevant du champ de la mobilité. Cet article a été rédigé par Sylvie Landriève, Dominic Villeneuve, Vincent Kaufmann et Christophe Gay.
En savoir plus xLe déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
En savoir plus xPour citer cette publication :
Vincent Kaufmann et Christophe Gay (09 Mai 2017), « Mobilisation », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 23 Novembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/3609/mobilisation
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