François Ascher (1946-2009) est un économiste et sociologue français, spécialiste des phénomènes métropolitains et de la planification urbaine. Il a notamment inventé le concept de « métapole » et exploré celui d'« hypermodernité », donnant dans les deux cas une place centrale à la mobilité.
Fait assez rare en France, François Ascher a mené une carrière professionnelle alliant la haute administration publique au Ministère de l'Équipement, à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale et au ministère de la Recherche (2000-2003) à une carrière académique à l’Institut français d’urbanisme (Université de Paris Est). Cette position particulière l’a amené à être actif à la fois dans la production de connaissances et dans le projet urbain au sens large (par exemple comme maître d’ouvrage dans les villes nouvelles), ce qui fait de lui un passeur de savoirs. Il sera par exemple un fervent défenseur d’un urbanisme d’entrée de ville de qualité. François Ascher a d’ailleurs souvent plaidé pour le renforcement des liens entre la recherche scientifique, l’expertise et les propositions d'action.
Dans les travaux de François Ascher, la mobilité occupe une place centrale, en particulier dans la dynamique du phénomène urbain, qu’il nomme métapolis, et celle de l’hypermodernité qui caractérise selon lui les sociétés contemporaines.
Pour François Ascher, les villes, ces grandes concentrations humaines ont de tout temps été les principaux lieux d’échanges, mais aussi les espaces privilégiés de la rencontre inattendue et créatrice avec l’inconnu. Elles favorisent comme nulle part ailleurs le hasard des rencontres. C’est pour cette raison que les villes constituent un milieu propice à l’innovation. François Ascher montre que les villes ne sont pas mises en danger par la communication à distance ou les transports rapides : leur capacité à générer des rencontres créatrices inattendues, ou leur sérendipité, fait que même si on peut s’affranchir de la distance, la ville reste le cœur des sociétés contemporaines. Cela étant, elle se transforme et devient progressivement une métapole.
Dans son ouvrage Métapolis ou l’avenir des villes (1995), il démontre que les systèmes de communication à distance et les transports rapides transforment en profondeur la forme territoriale prise par le phénomène urbain. C’est pour décrire cette forme nouvelle qu’il propose le terme de métapole. Pour Ascher, la « métapole » est à la fois compacte et distendue, agglomérée et discontinue, s’étendant toujours plus, absorbant des zones de plus en plus éloignées, conjuguant formes et paysages éclectiques. Elle se caractérise par des densités très contrastées et compose un réseau en « hubs and spokes » de villes grandes et moyennes, de bourgs et villages ruraux, toutes ces parties étant indissociables d’un tout. La nouveauté de cette conception réside dans le fait qu’elle considère le territoire comme un potentiel dynamique, autant que comme un contenu. Les travaux de François Ascher décrivent des territoires urbains fonctionnant en réseau, leur réticularité étant rendue possible par les transports et les télécommunications. La métapole se définit dès lors comme :
« L'ensemble des espaces dont tout ou partie des habitants, des activités économiques ou des territoires sont intégrés dans le fonctionnement quotidien (ordinaire). Une métapole constitue généralement un seul bassin d'emploi, d'habitat et d'activités. Les espaces qui composent une métapole sont profondément hétérogènes et pas nécessairement contigus. Une métapole comprend au moins quelques centaines de milliers d'habitants. C'est d'autre part une ville qui ne s'inscrit plus seulement dans un système national mais de plus en plus dans des réseaux internationaux » (Ascher, 1995, p.34).
La métapole se différencie de la notion de réseau de villes par les rapports hiérarchiques qui existent entre les pôles urbains qui la composent. La métapole se distingue également de la métropole par les discontinuités spatiales qui la caractérisent. La proposition de François Ascher présente l’avantage de dépasser à la fois une approche opposant l’urbain au rural et les travaux qui considèrent que nous vivons la fin des villes, soit une vision du monde urbain dans lequel les territoires sont largement indifférenciés et les villes réduites à une fonction de témoins patrimoniaux du passé. Elle donne aux systèmes de transports et aux télécommunications un rôle structurant sur le devenir des villes par l’intermédiaire de la mobilité : l’utilisation par les acteurs des potentiels qu’ils offrent produit la métapole. Dans la pensée d’Ascher, cette utilisation va dans le sens d’une recherche de rationalisation et de vitesse et assez directement, la forme de la métapole est une fonction de la vitesse permise par les réseaux techniques et territoriaux. En ce sens, la métapole est le produit de la rencontre entre un potentiel d’accueil d’un territoire et des acteurs individuels et collectifs qui s’approprient ce potentiel d’accueil et le façonnent en fonction de leurs projets.
Cette notion désigne pour certains philosophes et sociologues la poursuite de la modernité sous la forme d’une radicalisation des ingrédients qui la fondent, soit individualisation, réflexivité, différenciation sociale et socialisation croissante, marchandisation et régulation (Ascher, 2007). François Ascher a développé dans cette perspective une théorie de l’« hypermodernité », en s’interrogeant sur l’individu contemporain, qu’il analyse comme étant confronté à un éventail croissant d’appartenances, de valeurs et de règles, présent simultanément dans différents univers et recherchant au travers de l’espace urbain, tous les moyens de les satisfaire.
Au fil de ses travaux, qu’il synthétise dans son ouvrage La société hypermoderne ou ces événements nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs (2005), François Ascher clarifie les rapports de l’individu à l’espace-temps urbain, et en particulier les liens entre ce qui relève des attributs des personnes, des lieux, des systèmes techniques et des valeurs. Une fois encore, la mobilité occupe une place centrale dans sa pensée. La société hypermoderne se caractérise par l’hypermobilité des individus. Plus qu’une mobilité exacerbée, l’hypermobilité est une compétence à se mouvoir de multiples façons, en personne mais aussi à distance (Allemand et al. 2004, p.81), une capacité à jouer avec le potentiel de mobilité dont dispose une personne. Elle se rapproche en ce sens de la dimension « compétences » du concept de motilité. L’hypermobilité apparaît comme une ressource essentielle à l’individu contemporain. Elle lui permet de passer d’un univers social à l’autre, d’être réflexif, de se « bricoler » un mode de vie et des valeurs de façon syncrétique.
Les travaux de François Ascher auront un écho scientifique et médiatique retentissant en France et dans certains pays européens (Belgique, Allemagne, Italie, Suisse). La réception de ses travaux a cependant été moins forte dans les pays anglophones, ce qui est probablement lié au fait que sa pensée décrit la réalité urbaine européenne.
François Ascher (1946-2009) est un économiste et sociologue français, spécialiste des phénomènes métropolitains et de la planification urbaine. Il a notamment inventé le concept de « métapole » et exploré celui d'« hypermodernité », donnant dans les deux cas une place centrale à la mobilité.
En savoir plus xUn mode de vie est une composition - dans le temps et l’espace - des activités et expériences quotidiennes qui donnent sens et forme à la vie d’une personne ou d’un groupe.
En savoir plus xPour citer cette publication :
Vincent Kaufmann (05 Juin 2013), « François Ascher », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 18 Décembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/852/francois-ascher
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