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Peut-on déterminer le nombre de travailleurs en habitat mobile ?

Notes de recherches
Début: Décembre 2019
Fin: Décembre 2021

Peu importe sa forme, l’habitat mobile est par essence invisible dans les statistiques. Pourtant, il participe d’un mode de vie devenu essentiel pour nombre de travailleurs dans certains secteurs professionnels. Partant du principe que pour connaître ces travailleurs et être en mesure de les prendre en considération dans les politiques publiques, il faut les compter, Arnaud Le Marchand combine traces statistiques, observation des places de vie et entretiens dans cette exploration du monde des travailleurs en habitat mobile. Illustration : Ferjeux van der Stigghel

Acteurs de la recherche

 

LES CHANGEMENTS DANS LA MOBILITÉ DU TRAVAIL ET L’HABITAT

« On ne va pas déménager pour un travail, maintenant qui a un boulot à vie ? » (Jean-Charles, ouvrier itinérant, Rouen, 2019).

L’épidémie de Covid a mis en avant le recours au travail à domicile, comme distance prise avec les locaux d’un employeur, pouvant permettre d’habiter loin du lieu de l’emploi. Mais dès avant cette crise, on pouvait faire l’hypothèse que l’insécurité de l’emploi et l’incertitude sur les vies professionnelles incitaient moins à déménager pour trouver un travail, et parfois à préférer un déplacement temporaire, qui peut impliquer le recours à l’habitat mobile. L’habitat mobile se présente sous différentes formes, par exemple yourtes, recours à l’hôtellerie de passage ou au camping sur le long terme, camions aménagés, bateaux, etc. Nous l’abordons ici non sous l’angle des objets, mais sous celui des personnes y ayant recours. Il s’agit de considérer que le recours à l’habitat mobile peut être une phase dans une multi-résidentialité, parfois choisie, combinable à une résidence sédentaire, et non un mode de vie permanent. Le phénomène étudié correspond plutôt à un flux de personnes passant par l'habitat mobile ou léger, pour un temps plus ou moins long, dont la localisation est régulière ou aléatoire, et évoluant au sein d’un réseau professionnel et de places de vie. Les retraités camping-caristes, les contestataires néonomades suivant les festivals techno ou la contre-culture New Age, quoique souvent très proches, voire indiscernables des travailleurs itinérants, ne sont pas inclus dans cette étude.

Essayer de mesurer le nombre de ces salariés ou auto-entrepreneurs vivant en habitat mobile en France, à l’année entière ou pour une partie importante, est une clé de compréhension de la dynamique de ces pratiques de mobilité. La tâche est malaisée, les résultats nécessairement flous, mais ils ne sont pas dépourvus de significations sociales pour autant, ce flou étant lui-même une des caractéristiques de ce phénomène.

Nous procéderons dans cet article en alliant plusieurs méthodologies : la recherche de traces dans les statistiques de l’Insee et dans les statistiques des CCASS (Centre communal d’action sociale et de la santé), des entretiens avec des personnes vivant en habitat mobile et des sondages par le biais des réseaux sociaux. Il s’agit de cerner l’importance de la population potentiellement concernée, à savoir des travailleurs en déplacements sur de longues périodes de l’année, de croiser cette observation avec ce que l’on peut inférer des pratiques de domiciliation, puis d’affiner par enquêtes de terrain et par sondages. Les localisations des enquêtes sont mouvantes, il faut suivre des chantiers, des activités saisonnières, des installations temporaires qui esquissent néanmoins un réseau de places de travail et de lieux de vie où se déploie la zone de ces travailleurs en itinérance. Il faut envisager ces zones comme constitutives d’un réseau, pour partie fait de nœuds fixes (terrains de campings, sites industriels, champs de culture intensive), pour partie ne préexistant pas aux localisations, comme dans les réseaux d’actions de certaines professions itinérantes de chantiers en chantiers (Rosseline-Bareille 2019).

ÉVALUATIONS NUMÉRIQUES AVEC DONNÉES MANQUANTES

Il faut d’abord admettre une fluidité et une volatilité intrinsèques au phénomène qui rendent son appréhension statistique en partie impossible. Le travail mobile ne fait pas l’objet d’un enregistrement statistique, l’Urssaf n’archivant pas les déclarations de missions grands déplacements, car elles ne servent pas de base fiscale. En outre, il y a une porosité entre ce type de travail et d’emploi, et d’autres dispositifs, domestiques ou manufacturiers, artisanaux, dont le télétravail. Par exemple, on peut avoir des personnes qui travaillent pour partie à leur domicile et pour partie en déplacements, comment les classer ? Par défaut, ils seront comptabilisés dans les statistiques comme exerçant leur activité à l’adresse de l’employeur. Sur la question des travailleurs en habitats mobiles, la recherche doit donc faire avec les données manquantes, le manque de fiabilité de certains chiffres, et exploiter toutes les traces possibles. Cette collecte de fragments nécessite par la suite un recours à l’ethnographie de façon à éviter les contre-sens dans la compréhension de cet espace social.

LES TRACES DE L’HABITAT MOBILE DANS LES RECENSEMENTS

Un problème de définition statistique

Les mouvements des travailleurs en habitat mobile laissent peu de traces dans les recensements. La population potentiellement concernée par l'habitat mobile, pour des raisons professionnelles, peut toutefois être mesurée à travers les données produites à partir des séries de l’Insee sur les déplacements entre domicile et travail, notamment dans les tableaux constitués à partir des recensements de 2010, 2015 et 2017, les séries NAV 1.

La nomenclature classe les personnes en fonction de l’écart entre leur lieu de résidence et leur lieu de travail, et du mode de transport pour les relier. Trois catégories nous intéressent a priori : les personnes habitant en France métropolitaine et travaillant dans un département, dans une région, ou dans un pays autre que leur lieu de résidence.

Le total est important : il est passé de 4 838 079 à 5 165 795 entre 2010 et 2015. Soit une hausse de 6,7 %, cette hausse étant plus importante pour les femmes (14,24 %) que pour les hommes (à peine 2 %). Il est redescendu à 4 961 835 en 2017, mais les sous-groupes les plus susceptibles d’adopter l’habitat mobile de façon permanente ou intermittente ont, eux, continué d’augmenter, comme nous le verrons plus bas.

Parmi ce segment, nous retenons l’effectif des personnes déclarant se rendre sur un lieu de travail dans une commune en dehors de leur département de résidence à pied ou sans même se déplacer, car cette définition suppose qu’elles logent temporairement sur place. Elles étaient plus de 73 000 en 2010, et plus de 75 000 en 2015. En 2017, on constate qu’elles étaient 82 496, auxquelles pourraient s’ajouter les 42 263 s’y rendant à vélo.

Cette situation peut résulter d’un artefact statistique cachant un travail à domicile avec de rares déplacements (Zaninetti 2017), ou par l’inscription, par défaut, de l’adresse de l’employeur comme celle du lieu de travail (Crague 2003) – ces cas n’entrent pas dans notre étude. Mais cette contradiction entre les distances peut aussi s’expliquer par le recours à une forme d’habitat de passage, hôtellerie, ou habitat mobile proche du lieu de travail. De même, 1 834 682 personnes déclaraient travailler dans un autre département que leur lieu de domicile et utiliser les transports en commun pour se rendre au travail en 2015, et 1 738 059 en 2017. On y trouve des habitués du train, ayant le sentiment d’habiter le wagon, devenu un « second chez soi » (Messonnier 2001, p. 141), c’est-à-dire des navetteurs ferroviaires pour lesquels le temps de transport est un élément de leur vie mais qui ne sont pas en habitat mobile. En revanche, dans ce groupe sont aussi comptées des personnes logeant dans un camping de la Manche et travaillant au chantier EPR, mais utilisant les bus pour aller sur le site, ou encore des saisonniers du tourisme campant sur une aire et se rendant avec des navettes sur le lieu de leur activité.

Par ailleurs, pour l’Insee, le lieu de travail est le lieu d’exercice de la profession ; or, cette définition conventionnelle est restrictive pour des emplois requérant de façon usuelle des déplacements. En effet, dans le recueil des définitions des concepts utilisés par l’Insee pour le recensement, à l’entrée « Lieu de travail », on trouve le texte suivant : « Certaines personnes exerçant des professions bien déterminées telles que “chauffeur-routier”, “chauffeur de taxi”, “VRP”, “commerçant ambulant” ou “marin pêcheur” les amenant à se déplacer plus ou moins fréquemment pour leur travail sont, par convention, considérées comme travaillant dans leur commune de résidence. » (Insee définitions, métadonnées https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1832). En conséquence, il arrive donc que ces travailleurs non seulement ne soient pas comptés comme mobiles, mais encore qu’ils soient compris comme des télétravailleurs (Aguilera, Lethiais, Rallet, Proulhac. 2016).

Ces chiffres excluent donc certaines des catégories historiques ayant recours pour des raisons professionnelles à l’habitat mobile, au moins de façon intermittente. Ils sont, par convention, hors calcul et finalement rendus invisibles dans les statistiques, mais il faudrait les ajouter si l’on pouvait les dénombrer.

Cadres et professions intermédiaires

Parmi les personnes classées par l’Insee comme travaillant loin de leur lieu de résidence, hors de leur département, la catégorie socio-professionnelle avec la hausse la plus forte, entre 2010 et 2015, se trouve chez les cadres (+9 %), pourtant a priori peu concernés par l’habitat mobile 2. Leur nombre a encore augmenté de 4,47 % jusqu’à 2017, pour atteindre 90 7131, dont seulement 34 % de femmes. Les professions intermédiaires de la santé et de l’éducation, qui incluent les infirmiers et les travailleurs sociaux, ont connu également une croissance forte sur la période du nombre de personnes en grands déplacements, passé de 390 877 en 2010 à 422 049 en 2015 (+8 %), puis à 435 753 en 2017 (+3 %). L’apparition d’agences d’intérim spécialisées dans le travail social ou dans le travail hospitalier (Arborio 2012) est l’un des changements institutionnels expliquant cette évolution. Lors d'une enquête sur un rassemblement de personnes vivant en camion aménagés (octobre 2017), j'ai pu rencontrer une infirmière et deux éducatrices spécialisées vivant à l'année en camion. J'ai interrogé une autre jeune travailleuse sociale, vivant en camion également, qui expliquait ce choix autant par rejet de l'habitat sédentaire que par les contraintes liées à la recherche d'emploi :

« Ce mode de vie représente pour moi un idéal dans le sens où cela correspond à mon mode de (non) consommation, d'autonomie et de liberté. Nous sommes indépendants, autonomes en électricité (panneau solaire) et en eau, nous utilisons des produits naturels et bio (donc pas de pollution) et sommes aux toilettes sèches. Pour ma part, je suis travailleuse sociale, de formation initiale conseillère en Économie sociale et familiale. Il ne faut pas se le cacher, la dure réalité de l'accès à l'emploi se retrouve dans de nombreux secteurs. Je viens juste de décrocher un CDD dans mon domaine alors que je suis diplômée depuis deux ans et en recherche active d'emploi. Mon mode de vie m'a permis de faire des boulots alimentaires en attendant de pouvoir prétendre à un poste dans mon domaine. C'est donc pour moi une facilité d'accès à l'emploi car il nous est aujourd'hui demandé d'être polyvalents et mobiles ! C'est d'ailleurs grâce à ça que je peux prétendre au poste qui m'est proposé aujourd'hui. » (entretien 2018)

De nouveaux métiers participant des professions intermédiaires, comme les techniciens de maintenance éolienne, dont la pratique est souvent itinérante, apparaissent. L'examen de 359 petites annonces, offrant des emplois de techniciens de maintenance éolienne, parues sur le site internet Indeed entre le 28 décembre 2019 et le 25 octobre 2020, donne plusieurs résultats. 67 % d'entre elles indiquaient une forte mobilité spatiale du travailleur et une absence de lieu fixe de travail. Plus de 29,8 % de ces annonces indiquaient explicitement une assez grande échelle spatiale de ces lieux de travail. De façon plus précise, 20 faisaient référence à l'itinérance, 20 utilisaient le terme « découchés » (sic), 25 évoquaient des déplacements dans le France entière, 5 plusieurs départements, parfois non contigus (Orne et Yonne), 15 des grands déplacements (au-delà de 150 Km) ou pour une durée supérieure à une semaine, 7 des déplacements saisonniers ou non programmés, 10 indiquaient l'international ou la Belgique, 5 parlaient de voyager. Certains de ces techniciens utilisent l’habitat mobile de façon fréquente.

Ouvriers et saisonniers

Le logement des saisonniers agricoles a fait l'objet de plusieurs rapports depuis les années 2005. Le recours à l'habitat mobile (caravanes, camions aménagés, tentes), sur les terrains de l'employeur, sur les campings ou sur d'autres parcelles, y est attesté, avec semble-t-il des disparités territoriales : il est signalé parfois comme « massif » (Fors 2005), dans le Maine-et-Loire par exemple, et comme plus réduit dans d'autres départements. Plusieurs études ont montré à l'échelle européenne l'importance de l'habitat mobile dans l'hébergement des travailleurs agricoles détachés européens ou africains (Canepari, Mesini, Mourlane 2016). En 2015, 21 066 salariés agricoles français déclaraient travailler dans un autre département, une autre région ou un autre pays que leur commune de résidence, ce qui représentait déjà une hausse de 7,8 % par rapport à 2010, et 21 744 en 2017, soit + 3 % en 2 ans.

Reflet de cette évolution, le groupe Facebook, Saisonniers en habitat mobile, dont l'essentiel des posts est consacré aux annonces d'emploi ou aux recherches d'information sur les emplois, ainsi qu’aux problèmes de stationnement des camions aménagés, annonçait plus de 13 000 membres en mai 2019, soit l’équivalent de 61,7 % des saisonniers en grands déplacements. En mars 2021, ce nombre était passé à 18 859. Si les saisonniers agricoles sont majoritaires, tous les inscrits ne travaillent cependant pas dans ce secteur : l’existence de ce groupe témoigne du processus de constitution d’une identité alliant travail et mode d’habitat et dépassant certaines limites sectorielles (voir à ce sujet la partie sur notre enquête sur les réseaux sociaux plus loin). D’autre part, comme pour les ouvriers de l’industrie, être un saisonnier agricole en habitat mobile n’empêche pas toujours d’avoir à faire des navettes, et certains saisonniers logeant dans des campings, ou d’autres lieux éloignés du site de production (entretien saisonniers février 2021), peuvent avoir été comptabilisés dans d’autres cases du recensement transport que celles rassemblant les salariés travaillant dans une autre commune que celle de leur résidence et se rendant au travail sans déplacements ou à pied.

Les ouvriers qualifiés et non qualifiés sont plus nombreux en déplacement. En 2010, ils étaient 882 106 à travailler dans un autre département, une autre région ou un autre pays. En 2015, leur nombre avait légèrement baissé à 871 815, ce qui peut être un effet du ralentissement de l’économie française, avant de remonter à 885 642 en 2017. Ces fluctuations s’accompagnent d’une augmentation de la part de ces ouvriers en déplacement hors département, de 16,73 à 17,86, puis 18,43 % pour les ouvriers qualifiés, de 13,91 à 14,84 puis 15,19 %, pour les ouvriers non qualifiés, et de 22,7 à 23,31, puis 23,64 % pour les techniciens. Il y a bien allongement de la distance entre logement et emploi, qui se traduit très probablement par une hausse de la mobilité, sans déménagement.

Professionnels du transport et de la marine

Mais qu’en est-il des travailleurs du transport ? Le nombre de routiers, dont certains dorment dans leurs cabines une partie de la semaine, voire davantage (2,5 % dans le sondage sur les saisonniers en habitat mobile), diminue. 21 000 emplois auraient été perdus depuis 1999. Mais cette stagnation des routiers « français », à 289 000 équivalents temps-plein, n’empêche pas que les routiers européens qui travaillent en France sont bien des habitants de passage, dont on doit tenir compte, avec des lieux de rassemblement et de campements différents de ceux des routiers français. L’évolution du transport routier n’échappe donc pas à celle de l’habitat mobile lié au travail en France, et encore moins à l’échelle Européenne.

Restent les marins français, qui sont environ 15 000, et les 1 500 bateliers. Si les marins ont en général une adresse à terre, leur métier implique de vivre une grande partie de l’année à bord des navires. Les bateliers artisanaux (petits propriétaires de leurs barges et péniches) n’ont souvent pas d’autre adresse que leur outil de production, mais ils peuvent avoir des salariés ayant une adresse fixe. Au passage, les chiffres du transport de marchandise avancent une progression de 33 % de l’emploi en équivalent temps plein dans le transport fluvial. Les personnes impliquées dans la batellerie artisanale, qui sont directement concernées par l’habitat mobile, ne ressentent pas cette croissance (entretien Chambre de la batellerie artisanale, décembre 2018), même s’il y a des nouveaux venus, par exemple des matelots roumains ou polonais, qui alternent entre les fleuves français et leurs régions d’origine. Dans la batellerie dite industrielle, la croissance est plus sensible, au point que l’on craint la pénurie de main-d’œuvre. Mais sur ce mode d’exploitation, les SDF purs sont exceptionnels : les salariés de ces compagnies industrielles travaillent en alternance, 7 jours à bord, 7 jours à terre, ou 4 semaines à bord, 4 semaines à terre (entretien DRH batellerie industrielle, 2017). Comme ils ont une adresse, ils ne sont donc pas comptabilisés parmi les travailleurs en habitat mobile, même si de fait, ils passent la moitié de leur vie dans ces conditions.

ENQUÊTES DE DOMICILIATION ET ENQUÊTES DE TERRAINS

Les enquêtes de domiciliation

L’évolution des demandes de domiciliation

Parmi ces salariés en déplacement, combien sont-ils à être en habitat mobile ou de passage, de façon permanente ? Nous avons entrepris de compiler les enquêtes de domiciliation administratives pour recueillir la part des personnes requérant cette solution pour ce motif, puis, à partir des enquêtes de terrain, d’évaluer la part de ceux qui n’ont pas recours à cette possibilité administrative et qui échappent donc aux enquêtes. En additionnant ces deux groupes, nous pourrons ainsi déduire une évaluation du nombre total de travailleurs concernés.

Les enquêtes sur la domiciliation administrative, dans les départements et les régions, sont menées par la DGCS (Direction générale de la cohésion sociale). Pour rappel « la domiciliation administrative permet aux personnes sans domicile stable, en habitat mobile ou précaire, d’avoir une adresse administrative pour faire valoir leurs droits civils, civiques et sociaux 3 ». Ce groupe de personnes sans domicile stable contient des publics spécifiques : gens du voyage, demandeurs d’asile, personnes incarcérées et ex-détenus. Ce dernier groupe peut paraître paradoxal, mais la prison n’est pas considérée comme un abri stable par l’administration 4. Ces enquêtes vont donc permettre de mesurer une demande émanant des publics en habitat mobile les plus pauvres, si ce n’est les plus désaffiliés. La DGCS avançait le nombre de 214 564 personnes concernées pour l’année 2012. Toutes ne sont pas concernées par notre étude, la part des travailleurs en habitat mobile dans ces enquêtes restant à définir.

L’offre de domiciliation administrative est répartie de façon non homogène sur le territoire et surtout concentrée dans les agglomérations importantes. Elle a été gérée par des associations agréées à la suite de la loi DALO de 2007 et, depuis la loi ALUR de 2014, elle est gérée par les CCAS (Centre communal d’action sociale et de la santé). Il ressort de la synthèse réalisée par la DGCS, et publiée en mars 2017, que « pour l’ensemble des départements, il est constaté une augmentation du nombre de demandes de domiciliation 5 ». Néanmoins, il est difficile d’interpréter cette hausse, ou plus exactement de différencier la part de cette évolution qui vient d’une augmentation de la production des agents et des organismes chargés de la domiciliation, et la part qui s’explique par une augmentation des personnes en habitat mobile, en habitat précaire, ou à la rue. Ces données mesurent simultanément le phénomène en lui-même et la production des agents administratifs et des salariés des associations chargées de sa gestion (Briand, Chapoulle, Paretz 1979). Cependant, nous allons les considérer comme des traces susceptibles de nous donner une idée des évolutions en cours, sans grande précision. Pour le département de l’Aisne par exemple, la hausse des demandes de domiciliation s’élève à 25 % par an depuis 2012, l’augmentation des demandes émanant de personnes françaises ou citoyennes de l’UE y étant plus forte que celle des demandes provenant des demandeurs d’asile 6. Pour autant, dans ce département, comme dans d’autres, la hausse de la domiciliation administrative ne reflète pas entièrement la progression de l’habitat non ordinaire. J’ai ainsi pu enquêter sur l’installation d’une base-vie permanente pour des travellers (saisonniers participant de la culture punk, hippy ou techno) dans ce département 7. À partir de 2014, une ancienne station-service, au bord d’une route forestière désaffectée depuis 12 ans, a été squattée. Elle a été transformée en salle de concert et en lieux de vie pour des résidents « permanents », dont l’un au moins avait un CDI, et pour l’accueil de jeunes en camions aménagés, dont des travailleurs saisonniers de passage. Ils ont pu être jusqu’à une trentaine, hébergés sur ce site. Or en 2014, la Mairie sur le territoire de laquelle se situe cette ancienne station requalifiée en équipements culturels et d’hébergement a autorisé les habitants à utiliser l’adresse du bâtiment pour le courrier et les démarches administratives, si bien que ces personnes qui relèvent, en tant que squatters, de la catégorie « sans domicile stable » n’apparaissent pas dans les statistiques de la domiciliation administrative. La station et la base-vie ont été rasées le 25 septembre 2017, à la suite d’une demande de la compagnie pétrolière propriétaire des lieux, sans qu’aucune solution de relogement ne soit proposée pour les habitants. Le nouveau maire considère, dans une interview donnée au journal L’Union le 21 septembre 2017, que le squat n’est pas lié au mal-logement, mais à la contre-culture 8. Pour lui, elle relève donc de la zone entendue comme espace en-dehors de la vie normale, alors que des saisonniers travaillant dans des entreprises locales y étaient présents. Les pouvoirs publics refoulent souvent la dimension d’adaptation à l’intermittence du travail de ces pratiques.

Le cas du département de l’Aisne n’est pas isolé, puisque l’on a constaté 26 % de hausse des demandes en 2013 dans le département de la Seine-Saint-Denis, tandis que l’hébergement d’urgence dans des hôtels croissait lui de 64 % durant la même année 9. Au total, entre 2012 et 2014, la demande de domiciliation administrative a cru de 70 % pour ce département. Le département du Gard 10 annonce lui un triplement entre 2011 et 2014, mais sans donner d’autres explications. Ce chiffre est intéressant, parce que ce département est par ailleurs concerné par la cabanisation et le développement d’habitats légers aux statuts plus ou moins informels. Un rapport du Laboratoire de recherche sur l’intervention sociale 11 (LERIS) émanant d’une enquête menée dans le Languedoc-Roussillon, et particulièrement dans le Gard, peut nous fournir une explication : les personnes résidant de façon illicite sur des parcelles privées, ou au camping à l’année, évitent de se domicilier, malgré les inconvénients pratiques, de façon à ne pas attirer l’attention de l’administration.

La synthèse relève encore que « de manière assez partagée dans les schémas 12, les principaux motifs de domiciliation sont l’hébergement chez un tiers, l’habitat mobile et l’habitat précaire » 13. D’autre part, la majorité des demandeurs sont des hommes autour de 25 ans, même si la proportion de femmes et de familles augmente (la proportion n’est pas précisée). Enfin, ces demandeurs sont majoritairement français, et la part des étrangers hors Union Européenne est en général la plus faible, indique la synthèse (p. 6). Cette compilation regroupe donc l’habitat mobile et d’autres types d’habitats (comme des cabanes ou autres abris de fortune). Elle donne une image, sans doute assez floue, mais qui confirme plusieurs impressions de terrain autour de la progression de l’habitat mobile. À l’inverse, on constate que cette progression peut aussi s’accompagner de retour à l’habitat sédentaire : les radiations de la domiciliation ont également augmenté. Leur principale cause est l’entrée dans un logement stable et la non-présentation, dont on peut inférer un départ du territoire de la commune. Cette synthèse s’appuie sur celles réalisées au niveau régional. Le faible taux de réponses aux demandes d’informations des associations et des refus de domiciliation provenant de la saturation des services incite à penser que l’augmentation constatée aurait pu être plus importante.

Quelle est la part des salariés parmi les personnes domiciliées par les CCAS ?

La question du nombre de salariés est rarement évoquée. Le schéma de la Seine-Maritime signale que le CCAS du Havre 14 domicilie des salariés. Le schéma du département de la Gironde 15 note de façon laconique (p. 8) : « En effet, la domiciliation des saisonniers dans des localités proposant de l’emploi à des périodes spécifiques ne concorde pas au volume pouvant être attendu. » Ce décalage peut s’expliquer par la présence de bases-vies auto-organisées 16, comme l’exemple donné plus haut dans l’Aisne, dont une partie des habitants permanents ou de passage peuvent utiliser l’adresse. Enfin, dans le bilan fait par l’UNCASS, la représentante des CCASS de la Charente-Maritime évoque, elle aussi, saisonniers et jeunes travellers (de façons séparées, ce qui est discutable) 17. Dans un bilan national, publié en mars 2015, l’UNCCAS, dans le chapitre sur les pièces justificatives d’un lien avec la commune demandées pour accepter la domiciliation, avance le chiffre de 41 % de domiciliation justifiées par une fiche de paye. Ce chiffre varie de 64 % dans les communes de plus de 10 000 habitants à 30% dans les communes plus petites 18.

Si l’on suit ces enquêtes, on a, pour 214 000 personnes domiciliées, un tiers d’entre elles en habitat mobile, soit 70 000. En sachant que ce chiffre est sous-estimé, dans une proportion que nous ignorons.

Par ailleurs, selon les Cahiers du mal-logement de la fondation Abbé Pierre, il y avait, en 2002, 156 282 Gens du voyage titulaires du livret de circulation 19. Tous n’ont pas recours à la domiciliation : ils peuvent avoir gardé leur commune de rattachement ou avoir une autre adresse, celle d’un terrain par exemple. 80 000 d’entre eux seraient « totalement » itinérants. Il y a en général peu de salariés parmi eux : l’ancienne loi de 1969 et les habitudes du groupe les incitent à être auto-entrepreneurs, assimilés au statut forain, les salariés étant plus souvent susceptibles d’être classés en nomades (voir Le Marchand 2018), ce qui était un frein à l’entrée dans l’entreprise. Le salariat existe néanmoins, il est probablement croissant (notamment chez les femmes), mais pour le moment non estimé.

Les enquêtes de terrain

Le groupe Facebook Camtars aménagés, sur lequel se croisent des saisonniers, des intermittents du spectacle, des intérimaires vivant en camion et des utilisateurs occasionnels, pour des fins professionnelles ou récréatives, regroupe plus de 69 000 membres en mars 2021 (contre 63 000 en juillet 2019). La production de ce chiffre est intéressante au sens où, selon ses administrateurs, sa croissance rapide est le fruit des algorithmes qui le proposent à des personnes utilisant ce réseau social. Si cette population est difficilement recensable, elle est donc peut-être calculable. Il a été possible d’enquêter sur un « rassemblement » de véhicules aménagés, organisés par les administrateurs de ce groupe, en octobre 2017. Sur 25 personnes interrogées, 13 utilisaient leur véhicule occasionnellement (de quelques week-ends à près de la moitié de l’année), et 12 y vivaient en permanence. Sur ces 12 personnes, seules 4 utilisaient la domiciliation administrative, les autres ayant l’adresse de parents ou d’amis chez lesquels ils étaient hébergés à titre gracieux.

Lors d’une deuxième enquête en 2019, à l’occasion du festival Les Vers Solidaires Saint-Gobain (16, 17, 18 août 2019), ce constat s’est trouvé confirmé. Le festival a été fondé par l’association locale Gaia, il y a plus de quinze ans. Ses organisateurs ont également fondé une scop qui fabrique, loue et vend des toilettes sèches qu’ils installent dans les festivals du Nord – un branchement réussi sur l'économie de la culture saisonnière d’avant le Covid. Je me suis inscrit comme bénévole, sur les parkings et les campings, ce qui s'est avéré un bon choix pour entrer en contact avec les festivaliers venant et vivant en camions aménagés.

J'ai pu rencontrer deux couples, deux femmes et un homme et une femme, vivant à l'année en camion. Ils venaient de la même commune proche, dans l'Oise, mais si l'un des couples y vivait, installé dans son camion 6 mois par an, l'autre (les deux jeunes femmes) avait bougé toute l'année. Pour le premier camion, c'est la jeune femme qui est à l'initiative de ce choix : elle est infirmière, intérimaire, aime travailler dans le social au sein de structures tournées vers les sdf. Son compagnon est chauffeur poids lourds longue distance, c'est un vrai itinérant. Ils ne sont pas domiciliés ensemble, mais chez des parents. Cela commence à poser des problèmes à la mère du jeune homme, parce qu'elle n'a pas droit à certaines aides à cause des revenus de son fils qui déclare vivre avec elle. Ils pensent changer de régime de domiciliation cette année, mais hésitent, car ils savent que les CCAS sont parfois tracassiers et ne domicilient que pour une période donnée.

Les deux jeunes femmes sont en année de césure et s'apprêtent l’une à reprendre un travail d'éducatrice, l’autre à prendre un premier poste dans l’enseignement. Leur choix est motivé par l'envie de voyager, de vivre dehors, d'expérimenter aussi une forme de sobriété heureuse, pour employer une expression de plus en plus courante. Elles citent notamment la déconnexion d'internet et des téléphones portables comme un des avantages de la vie mobile. Elles ont vécu des allocations chômage de l'éducatrice, mais ont aussi travaillé aux vendanges, dans le Bordelais. Elles sont domiciliées chez des tiers.

Les deux jeunes femmes en voyage initiatique vont me présenter leurs voisins sur le parking. Il s’agit d’un couple dans un grand camion, ancien bibliobus réaménagé de 24 mètres carrés. Ils ne voyagent pas beaucoup avec, mais y vivent à l'année. Eux sont plus atypiques : lui est animateur sportif de kayak à un haut niveau, ce qui est classique, les kayakistes et les surfeurs étant de longue date des adeptes du logement en camion, mais la jeune femme, qui a fait Sciences-Po Lille, est chargée de recrutement de développeurs informatiques pour une entreprise lilloise. Elle a un bon salaire. Ils vivent sur une base nautique municipale dans les Hauts-de-France, où est employé le jeune homme. Ils partiront peut-être en année de césure (elle a utilisé l'expression) avant l'arrivée des enfants. On les appelle des « manouches bourgeois », ce dont elles ne se plaint pas (je lui signale que l'expression « gitans bourgeois » pour les grands industriels forains est attestée depuis le début du XXe siècle). L’habitat mobile peut donc concerner aussi des jeunes cadres, indépendamment de contraintes professionnelles, qui l’intègrent alors dans un parcours immobilier plutôt que professionnel.

Changements de milieu le lendemain. Je rencontre deux quadras en transition, qui viennent avec un camion au festival et souhaiteraient faire le grand saut, mais rencontrent encore des difficultés et ne se sentent pas prêts. Je ne saurai pas ce que fait la femme ; lui est ambulancier intérimaire – un itinérant en quelque sorte. Il connaissait et fréquentait la station Ubu à Chavignon, l'ancienne station-service transformée en base-vie et lieux de concert, que j'ai visitée deux fois et dont les occupants ont été expulsés l'an dernier. Il pense que l'expérience a tourné court parce que c'était devenu un chaos sans organisation. Pour lui, sans auto-contrôle individuel, tout cela ne peut marcher, même s’il est aussi hostile aux terrains publics gérés par les autorités. Une amie à eux est là et envisage aussi de partir sur les routes, ou d'ouvrir un terrain d'accueil, car elle est conseillère municipale. Elle remarque : « Dans mon travail, je vois beaucoup de gens expulsés en ce moment, mais ils n'ont pas le permis de conduire, le camion ce n'est pas possible pour eux. » Elle est assistante de direction et va partir en formation ; elle se situe donc à une bifurcation. L'ambulancier me dira de noter comme question supplémentaire à mon sondage : « Êtes-vous d'accord pour dire que c'est l'État français qui vous pousse à vivre en camion ? » Ils ne me donneront qu'un code postal en guise d’adresse, dans l'Aisne, qui correspond à plus de vingt communes.

Enfin, je rencontre un couple de retraités ouvriers originaires du département. Ils ont connaissance des terrains mis à disposition pour les particuliers par des sites spécialisés de camping-caristes, tel France Passion. Cette recherche d'informations est gérée par la femme du couple. Un ami à eux est là, plus jeune. Il a vécu en camion jusqu'à la loi Loppsi de 2011, qui l'a effrayé, ce qu’il ne me dira qu'à la fin de l'entretien 20. Il s'intéresse, d'assez loin, aux mobilisations actuelles sur les contrôles techniques. Il dit avoir vu des camions dont les aménagements n'étaient pas sûrs du tout et risquaient d'arriver dans la cabine au moindre coup de frein. Les personnes issues du monde ouvriers sont plus sensibilisées aux problèmes de sécurité. Le mari par exemple a vu des installations de gaz dangereuses ou défectueuses sur des chantiers. Ce sont les seuls à citer les Gens du Voyage comme exemple de personnes en habitat mobile dans leurs communes.

Chez ces gens, tous hébergés chez un tiers ou domiciliés de façon normale (comme c’est le cas pour le couple de retraités), la mobilité et la légèreté de l'habitat sont parfois associées à des enracinements locaux forts, avec des alliés politiques locaux, c’est-à-dire des parents ou des connaissances, élus municipaux, qui peuvent faciliter les démarches. Comme il n’est que dans un cas lié directement à une activité professionnelle nécessairement itinérante (le chauffeur routier), il est peut-être difficile d’en tirer des conclusions sur un lien direct entre travail et habitat mobile.

Les résultats de ces enquêtes de terrain rencontrent les enquêtes qui ont révélé la multiplicité des formes d’hébergement chez un tiers (Béguin, Lévy-Vroelant 2012). Cet hébergement peut d’ailleurs s’accompagner de l’absence physique de la personne hébergée, qui utilise un habitat nomade. Or, l’hébergement chez un tiers progresse (Marpsat, Peretti 2009), lui aussi, ce qui en fait un indicateur indirect de la diffusion de l’habitat mobile.

Ces personnes échappent aux statistiques de la domiciliation administrative étudiées plus haut, qui ne donnent donc qu'une vision partielle de l'habitat mobile. Compte-tenu du très faible nombre de personnes interrogées inscrites de cette façon, il est possible que les personnes domiciliées représentent moins de 50 % des personnes en véhicules aménagés. Cela donnerait, pour 70 000 personnes en habitat mobile domiciliées au CCASS selon notre évaluation plus haut, un effectif au moins double ou triple, soit entre 140 000 et 210 000 personnes.

Autre proxy possible, les dispositifs postaux. Un couple utilisait un service de poste restante, une autre personne l’adresse d’un terrain. Certains m’ont signalé aussi les services d’une entreprise privée : Le Courrier du Voyageur. Cette entreprise offrait d’abord un service pour les expatriés, puis a ouvert un service pour les personnes en habitat mobile. Cela peut d’ailleurs donner lieu à des perceptions un peu amères par certaines des personnes concernées : l’un des usagers me dira qu’utiliser ce service à l’origine destiné à des expatriés, c’est comme devenir migrant. Malheureusement, cette entreprise ne peut fournir de statistiques sur le nombre de ses clients pour motif de résidence mobile, parce que de son point de vue, le service offert est le même que pour les autres clients. Son chiffre d'affaire a crû de 124 % entre 2012 et 2017, agrégeant expatriés et habitants des zones en France.

SE GARER SUR ET A PROXIMITÉ DES CHANTIERS

Quels logements pour les travailleurs mobiles ?

Quelle est la proportion, parmi les salariés utilisant l'habitat mobile, des « sdf », et de ceux pour qui il n'est qu'une option ou une pratique non continue ? Comment ces salariés se répartissent-ils entre places formelles (hôtels, campings…) et emplacements informels (parkings…) ?

En 1995, une étude de médecine du travail (Donio-shaw, Huez, Sandret 1995) sur les « intermittents du nucléaires », vivant au camping d’un chantier à l’autre, estimaient à 10 % la part vivant en caravane durant les chantiers et 5 % la part d’entre eux totalement sdf (sans « pied à terre »). Or en 2013, dans une autre étude (Barbat et alii 2013), la proportion de travailleurs sous-traitants du nucléaire utilisant les caravanes ou les camping-cars a augmenté jusqu’à 12,8 %, auxquels s’ajoute 1,9 % dans une tente (non signalé en 1995). Mais surtout la proportion des travailleurs ayant dormi, non à l’hôtel, mais dans un gîte ou un mobile-home, donc au camping, catégorie inexistante en 1995, concerne 28 % de l’échantillon, alors que ceux logés en hôtel sont passés de 31 à 41,5 % en 2013.

Dans l’enquête réalisée sur les cordistes, chargés des travaux et interventions en hauteur sans échafaudages, si moins de 5 % seulement de l’échantillon en 2016-2017 vivaient exclusivement en habitat mobile, lors des chantiers impliquant un déplacement, 50 % des salariés interrogés avaient recours à ce type d’hébergement de façon provisoire : 25 % en véhicules aménagés, 25 % au camping (Vignal, Soulé, Rogowski 2017, p. 14).

Les proportions sont similaires dans l’enquête réalisée par des scaphandriers, c’est à dire des plongeurs sous-marins professionnels, sur leurs conditions de travail en 2018 : 26, 83 % d’entre eux déclaraient dormir dans leur voiture sur le chantier, 39,47 % dans des hôtels économiques (ou super-économiques), le reste se ventilant entre divers « moyens hébergements habituels », dont des caravanes (entretien scaphandrier Fécamp, mars 2021). L’enquête, sa méthodologie et ses résultats ont été publiés sur le blog du collectifs Scaph 21, et commentée dans la presse professionnelle.

Des motifs avant tout économiques

À ce stade de l’investigation, une visite sur un chantier en septembre 2017 va servir de test. Il s’agit d’un chantier de construction d’un silo portuaire pour le stockage du sucre. Plusieurs caravanes sont garées, sur le chantier, littéralement au pied du silo. Les salariés sont donc sur place. Les travailleurs qui logent dans ces équipements, privés, sont des électriciens qui installent un système de manutention et d’évacuation des poussières à l’intérieur de la tour. Première information : ils sont tous en CDI. Le logement en caravane ne concerne pas seulement les salariés précaires. Durant la discussion sur leurs conditions de travail et de logement, trois d’entre eux, ainsi que le chef de chantier, vont livrer leurs visions de l’évolution dans leur secteur d’activité. Ce sont des hommes jeunes : le chef de chantier est aux alentours de la quarantaine. Il travaille en déplacement depuis vingt ans, d’abord dans le BTP, puis dans ce secteur de construction et d’aménagement des silos. Ils expliquent le recours à la caravane d’abord par le coût. Leurs primes de déplacement sont d’environ 60 euros par jour. Or le prix de la chambre d’hôtel « bon marché » la plus proche est de 55 euros par jour. S’ils font quelques kilomètres, ils peuvent trouver des chambres à 45 euros. Comme ils doivent, en outre, payer leurs repas, la solution de la caravane est la plus avantageuse s’ils veulent que les inconvénients du déplacement – l’éloignement de leurs familles – soit compensés par un gain monétaire.

Ils expliquent aussi la nécessité de se déplacer par le besoin de trouver de nouveaux marchés au-delà du bassin d’implantation de leur entreprise, à savoir la Moselle et ses silos fluviaux. Les mauvaises moissons des années précédentes ayant retardé les investissements dans les équipements de stockage des grains, ils se sont donc reconvertis dans le sucre, et vont de port en port. Ils circulaient auparavant exclusivement dans le quart nord-est et doivent aller à Dunkerque à la fin de ce chantier. Le salarié le plus âgé explique qu’à ses débuts, il était logé à l’hôtel. Seulement, les primes de déplacement n’ont pas évolué, alors que le prix des chambres d’hôtels dites « super économiques » a monté. Pour mémoire, il est vrai que les hôtels F1 (anciennement Formule 1) offraient des hébergements à 99 francs il y a vingt ans, contre 35 euros actuellement. Ce prix, fixé par un algorithme, semble avoir été, dès la création de cette chaîne par le groupe Accor qui a anticipé les déplacements professionnels vers les zones commerciales, indexé sur le montant de l’indemnité légale de déplacement (Mangin, 2010). Cette indemnité pour le logement et le petit déjeuner s’élève, en 2017, à 48,90 euros par jour pour les départements hors région parisienne (où elle est majorée). À cette base, qui est exonérée d’impôts, peuvent s’ajouter des suppléments négociés par branches. Or, les conventions collectives de la métallurgie prévoient des montants de primes de déplacement moins élevés que dans le BTP, où notre informateur a commencé sa carrière, même si dans ce dernier secteur les primes n’ont pas progressé non plus.

Enfin, ces salariés perçoivent une saturation de l’hôtellerie bon marché, de plus en plus souvent utilisée pour l’hébergement d’urgence, ce qui réduit l’offre disponible pour les salariés en déplacement. Ces chambres d’hôtels sont en effet utilisées comme variable d’ajustement : le nombre de nuitées d’hôtel pour l’hébergement d’urgence est passé de 9 802 en 2007 à 41 044 en 2016, selon le rapport publié par le Sénat 22 sur les tensions dans ce secteur. En mars 2017, le groupe Accor a vendu 62 hôtels F1 au SAMU social, avant de lancer une nouvelle offre de chambres dortoirs, ce qui conclut cette évolution. La perception d’un conflit d’usage de ces équipements collectifs privés est bien présente et les ouvriers en déplacement relient leur mode d’habitat mobile à un rationnement de l’offre hôtelière (réel ou simplement perçu) en leur défaveur. Il leur semble donc prévisible de voir le recours aux caravanes se poursuivre. Dans ces conditions, le chef de chantier considère que la caravane sur le chantier « c’est royal », car même le camping est plus cher. L’un des ouvriers loge même sur le chantier avec sa compagne et ses enfants. Les personnes concernées disposent d’une adresse et d’un logement stable, mais, de facto, habitent une grande partie de l’année en caravanes.

Ce choix de l’habitat mobile, qui découle de logiques industrielles, n’est donc pas sans lien avec l’économie de l’hôtellerie dite super économique. Le déplacement s’explique comme une tentative de pallier une baisse d’activité sur le territoire de résidence, et le choix de la caravane est en partie déterminé par un rationnement de l’offre hôtelière super économique. Ces ouvriers n’utilisaient pas la domiciliation administrative, mais ils pensaient que cela pouvait être une solution en cas de déplacements de longue durée et pour des lieux trop éloignés de leurs résidences pour permettre des navettes fréquentes.

Il y a des régularités spatiales : ces silos sont proches de silos céréaliers qui seront détruits trois ans plus tard, et sur le même espace va s’installer un site de production de pales et de turbines éoliennes offshore, drainant une proportion importante de travailleurs détachés.

Le camping : une solution en expansion difficile à mesurer

Il faut enfin évoquer l’imbrication travail et tourisme dans certaines statistiques. Pour l'année 2016, on a enregistré 112 000 000 de nuitées de passage dans les campings, or les organismes professionnels (Favre, 2017, p 4) estiment à 9 % la part de la fréquentation hors saison, soit de novembre à mars. Cette période est moins liée au tourisme, ou à l’agriculture : on y croise des salariés en migrations temporaires pour d’autres secteurs, des personnes en formation, etc. Dans les campings dit résidentiels, qui offrent plus de 200 000 emplacements à l'année, certains habitants sont aussi des ouvriers en déplacement prolongé, par exemple dans les campings liés au chantier de Flamanville, dont celui de la commune où est installée l'EPR, mais aussi celui des Pieux, de Siouville, de Saint-Germain-le-Gaillard et de Surtainville.

Étudiant les camping-caristes, Rodolphe Dodier estime très surévaluée la présence de retraités parmi cette population (Dodier 2018, p. 7), dont les autorités sous estiment la connexion avec les marchés du travail. Il note par ailleurs que l'augmentation sensible des immatriculations (plus de 22 000 en 2017/2018, plus de 23 000 en 2018/2019) ne compte pas les camions auto-aménagés et reste donc en dessous des réalités.

UNE ENQUÊTE SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX POUR SAISIR LE PROFIL DES SAISONNIERS EN HABITAT MOBILE

Les communautés virtuelles sur Facebook offrent une possibilité d’enquêter par sondage. Nous avons tenté l’expérience sur le groupe Saisonniers en habitat mobile, principalement. Mais d’autres groupes, comme Camtars peinard, très peu spécialisé, ou au contraire très définis comme ceux des cordistes ou des scaphandriers, ont fourni des informations (et des personnes répondant au questionnaire). Quoique le taux de réponse soit faible – 1,5 % des messages envoyés aux membres, en plus de l’annonce sur le site, ont donné lieu à une réponse –, quelques tendances se dessinent. Au total 111 réponses ont été faites sur le lien Google Form, 42 par contributions directes, 3 par entretien téléphonique.

L’âge moyen des personnes avoisine 30 ans, il y a quelques quadra, quinquas et sexagénaires encore en activité. Si l’habitat mobile concerne donc principalement des jeunes et des retraités, ce n’est pas exclusif. Certains entrent dans ce type de vie après la quarantaine, même si dans l’échantillon, l’âge moyen d’entrée est de 24 ans. Il est à noter que l’arrivée de saisonniers agricoles de plus de trente ans a été observée par l’administration, comme un changement récent (Depeyrot, Magnan, Michel, Laurent, 2019). Ceci nuance la vision de l’habitat mobile comme mode de vie de la jeunesse ou de la retraite. Entre ces deux seuils, on adopte ce style à d’autres âges de la vie, pour des raisons similaires. Si la grande majorité a commencé en même temps le travail saisonnier ou intermittent et la vie néo nomade, 23 % ont d’abord été saisonniers, tandis que 10 % ont été nomades avant d’être saisonniers. Les secteurs de l’agriculture et du tourisme représentent un peu moins des deux tiers des saisonniers ayant répondu au sondage, mais l’industrie, le travail social, le transport et le BTP y sont aussi représentés, ainsi que les arts du cirque et de la rue. Cette observation confirme le lien entre mobilité de l’habitat et intermittence du travail, puisque l’emploi sans lieu fixe de travail, accompagne l’entrée dans la vie nomade. Mais on peut devenir nomade parce que l’on est sans emploi et sans revenu, ou pour d’autres raisons, d’où la progression de l’habitat mobile même quand l’emploi intérimaire diminue, dans les périodes de contraction économique, que l’on avait déjà constatée en étudiant les laveries (Le Marchand 2016).

En 2015, une enquêtrice interne, car elle était en habitat mobile, et étudiante éducatrice, membre d’un des groupes Facebook sous le pseudo de Mârii Kâ, a réalisé un sondage similaire sur les réseaux sociaux, duquel il résultait une ancienneté moyenne dans l’habitat mobile d’environ trois ans. En 2021, dans l’échantillon rassemblé, elle est de plus de six ans. Les effectifs en jeu sont encore un peu limités (c’est un résultat provisoire) pour considérer ces chiffres comme ayant un fort degré de fiabilité, mais la tendance à l’allongement de la tranche de vie en habitat mobile est une hypothèse qui pourrait expliquer aussi l’augmentation du nombre de personnes concernées. On resterait plus longtemps qu’avant dans ce style de travail et d’habitat. Ce n’est pas seulement les flux d’entrées qui expliquent la dynamique de ces groupes, mais aussi la longueur de cette tranche de vie.

D’autre part, une question souvent posée est celle de la proportion des personnes inscrites sur ces groupes Facebook qui sont réellement saisonniers néonomades. 16 % des personnes ayant répondu n’étaient pas complétement dans ce cas : 9 étaient sorties de ce mode de vie après l’avoir connu quelques années, 10 étaient saisonniers mais pas en habitat mobile, 3 étaient néo-nomades mais pas saisonniers (ils étaient en CDI), et 3 autres étaient amis ou parents d’autres membres du groupe. Là encore, ce résultat est fragile, mais il suggère que les membres non néo-nomades de cette communauté virtuelle ne sont pas pour autant extérieurs au milieu, mais constituent plutôt un réseau entourant les saisonniers en habitat mobile. Cette entrée par les réseaux sociaux permet donc d’envisager une dynamique de groupe, à l’intersection de plusieurs mondes professionnels.

CONCLUSION

Si ces observations restent encore largement à consolider, la tendance à l’augmentation est avérée. Elle s’explique par de nouveaux arrivants et par des passages plus longs dans ce type d’habitats. Peut-on estimer une population de salariés en habitat mobile ? Si l’on suit les données issues des CCAS, le chiffre officiel de 70 000 ne peut être qu’une fraction de la population totale, compte tenu du peu de recours à cette forme de domiciliation. Mais en toute rigueur, il est impossible de donner une proportion, de savoir si ce chiffre représente par exemple la moitié ou un dixième de l’effectif total.

Que donne alors une tentative d’évaluation, de la population susceptible d’avoir recours à l’habitat mobile sous l’angle de l’enquête transport ?

Comme noté précédemment, en 2017, 82 496 personnes déclaraient travailler hors de leur département de résidence et se rendre sur le site à pied, et 42 263 salariés en vélo, soit au total 127 459.

S’il peut y avoir des erreurs dans ces comptes (adresse de l’employeur par défaut), certains salariés peuvent être en habitat mobile et faire des navettes depuis un terrain de camping, en transports en commun ou en voiture, et doivent être ajoutés au total.

Les ouvriers, qualifiés et non qualifiés, travaillant hors de leurs départements sont 885 642. Si l’on suit les enquêtes liées aux accidents du travail, ou autoproduites, ayant renseigné les pratiques d’habitat mobile, elles allaient de 50 % (cordistes), à 15 % (maintenance nucléaire). La moyenne entre le taux bas et le taux haut donne un chiffre de 287 833, auquel il faut ajouter des salariés classés en professions intermédiaires (infirmières, technicien de maintenance éolienne), voire des cadres, qui ont également recours à ce type de logements.

Dans ces conditions, le chiffre de 300 000 personnes, au moins, utilisant cet habitat de façon permanente ou transitoire pour des raisons professionnelles ne semble pas un chiffre surévalué. Ces pratiques créent des lieux de vie temporaires, mais qui peuvent avoir des existences saisonnières. Il est en outre possible que certains de ces lieux s’inscrivent dans une histoire discontinue, mais longue, des migrations temporaires, aussi bien dans les mondes industriels qu’agricoles ou touristiques. La forme contemporaine pourrait être celle de la zone économique spéciale (ZES). Ce phénomène aurait des contours spatiaux, en partie mouvants, au gré des chantiers et des saisons. Si les zones économiques spéciales en Europe ont d’abord été analysées comme des espaces d’exception fiscale, avec des limites institutionnelles plus ou moins définies pour attirer des investissements internationaux, elles émergent aussi des pratiques et des changements en cours dans le monde du travail. C’est pourquoi, elles peuvent être définies par les règles de rémunération, de recrutement et les groupes sociaux qui y sont présents. Nathan Lillie a comparé le navire marchand, qui est un lieu de travail et de vie, à une zone économique spéciale (Lillie 2010) et cite à ce propos l’exemple du site nucléaire en Finlande, confié au consortium Areva/Siemens. Le camping de Flamanville, près du chantier EPR français, rassemble ainsi des salariés portugais et ukrainiens, comme on pourrait le voir à bord d'un navire marchand. Sous cet angle, la zone économique spéciale peut prendre la forme d’un espace d'habitats mobiles et légers, plus ou moins tolérés, au nom d'impératifs économiques, où l'on retrouve les « populations flottantes ». La crise du Covid, avec les confinements et les rationnements, a eu de nombreuses conséquences sur les personnes qui vivent dans ces zones, souvent peu protégées et ne bénéficiant pas du chômage partiel (Le Marchand 2020). Mais cette pandémie a aussi révélé l’importance de leurs contributions à la vie économique et sociale, y compris par le manque créé par leur absence.

ENTRETIENS ET BIBLIOGRAPHIE

Entretiens

Ils ont été réalisés à :

Urcel (juillet 2015 et juillet 2017)

Le Havre chantier silos sucriers (septembre 2017)

Département Creuse (Rassemblement camions aménagés) (octobre 2017)

Galati (Roumanie) (mai 2018)

Paris, CNBA (décembre 2018)

Saint Gobain festival Vers solidaires (aout 2019)

Entretiens téléphoniques et internet avec saisonniers :

Novembre 2017

Février 2021

Bibliographie

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Notes

1   https://www.insee.fr/fr/statistiques/2053590?sommaire=2399265

2  Peu mais pas jamais : j’ai notamment interrogé une ingénieure vivant en camping-car à l’année, et une chargée de recrutement (voir plus loin).

3  Guide Méthodologique d’élaboration d’un schéma départemental de la domiciliation » Juillet 2016 et DGCS

4  Ce que l’on peut aussi interpréter comme le maintien d’anciens regroupements de la statistique et de la démographie des personnes en habitat non ordinaire : de passage et en habitat collectif fermé. Le « bloc » des recensements de la fin du XIX siècle était une catégorie officielle qui les regroupait.

5  Etude des schémas départementaux de la domiciliation des personnes sans domicile stable DGCS, mars 2017.

6  Schéma départemental de domiciliation des personnes sans domicile stable. Département de l’Aisne DDCS, 2016, p. 10.

7  Entretien Urcel juillet 2015 et aout 2017.

8  Marie-Pierre Duval. La Station Ubu d’Urcel évacuée. L’Union de l’Aisne 21/09/2017.

9  Schéma départemental de domiciliation des personnes sans domicile stable. Département de la Seine-Saint-Denis, p. 6, 2015-2017.

10  Schéma départemental de domiciliation des personnes sans domicile stable. Département du Gard DDCS du Gard, 2016-2017.

11  Leris mai 2016. Recherche action sur l’habitat léger et mobile. De la complexité des formes de cabanisation aux réponses opérationnelles mobilisables par les acteurs

12  Le schéma de domiciliation est une disposition de la loi ALUR, annexe aux Plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées.

13  Ibid., p 7.

14  Schéma départemental de domiciliation des personnes sans domicile stable. Département de la Seine-Maritime. 2016 (p. 8).

15  Schéma départemental de domiciliation département de la Gironde. 2017.

16  Entretien Halem septembre 2017.

17  FAP Les difficultés d’habitat et de logement des « Gens du Voyage », cahier du mal logement Janvier 2006. UNCCAS 2015, Domiciliation. Premier pas vers l’inclusion (p. 12), 2015.

18  Marie Mallet, Maela Castel et Juliette Boureau, L’élection de domiciliation pratiquée par les CCAS, Enquêtes et observations sociales, no 8, mars 2015.

19   https://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-publications/etat-du-mal-logement/les-cahiers-du-logement

20  L’article 32 ter de la loi loppsi prévoyait des sanctions accrues contre le stationnement illégal des personnes en habitat mobile. Cette disposition donnera lieu à une mobilisation et au dépôt d’un recours auprès du Conseil constitutionnel par des associations de défense des Tziganes et des mal-logés. L’article a finalement été invalidé et retiré.

21   https://www.plongee-infos.com/scaphandrier-une-profession-davenir-la-realite-chiffres-a-lappui/

22  Disponible sur ce lien http://www.senat.fr/rap/r16-193/r16-1938.html

Déplacement

Le déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.

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Mode de vie

Un mode de vie est une composition - dans le temps et l’espace - des activités et expériences quotidiennes qui donnent sens et forme à la vie d’une personne ou d’un groupe.

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Télétravail

Exercice d’une activité salariée hors des locaux de l’entreprise, à domicile ou dans un lieu tiers pendant les horaires de travail habituels et nécessitant d’avoir accès à des outils de télécommunication.

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Transition

Les recherches sur la transition s'intéressent aux processus de modification radicale et structurelle, engagés sur le long terme, qui aboutissent à une plus grande durabilité de la production et de la consommation. Ces recherches impliquent différentes approches conceptuelles et de nombreux participants issus d'une grande variété de disciplines.

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Mobilisation

La mobilisation est l’action par laquelle les individus sont appelés à se mettre en mouvement pour se rassembler dans l’espace public en vue d’une entreprise concertée, que ce soit pour exprimer et défendre une cause commune ou pour participer à un événement. En ce sens, il s’agit d’un phénomène social relevant du champ de la mobilité. Cet article a été rédigé par Sylvie Landriève, Dominic Villeneuve, Vincent Kaufmann et Christophe Gay.

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