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Enquête

Enquête nationale sur les éconduits de la voiture

Recherches terminées
Début: Octobre 2024
Fin: Mai 2025

La voiture est souvent perçue comme un symbole de liberté individuelle et d'autonomie. Pourtant, derrière cette image largement partagée, se cache une réalité bien différente : elle est source d’exclusion pour des millions de personnes pour qui la conduite est inaccessible, difficile ou source d’angoisse. Cette enquête inédite du Forum Vies Mobiles, menée avec le CREDOC, lève le voile sur ce phénomène massif mais peu visible : celui des « éconduits » de la voiture.

Acteurs de la recherche

 

Contact : Adrien Bonnet


MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE

Cette enquête a été réalisée en deux vagues en ligne en octobre 2024 et mai 2025 par le CRÉDOC pour le Forum Vies Mobiles, auprès de 3 007 répondants âgés de 15 ans et plus, puis de 1 709 détenteurs du permis de conduire, résidents de la France métropolitaine. Les échantillons ont été sélectionnés selon la méthode des quotas sur les critères suivants : âge, sexe, profession, catégorie sociale, région de résidence.

Les échantillons ont ensuite été redressés selon les critères suivants : âge croisé au diplôme, profession et catégorie socioprofessionnelle, taille d'agglomération.

La première vague de l’enquête (3 007 répondants), qui vise l’ensemble de la population, nous a permis d’établir le nombre de personnes ne pouvant structurellement pas conduire en France.

La seconde vague de l’enquête (1 709 répondants) se concentre sur les détenteurs du permis de conduire. Les enquêtés ont été interrogés sur la fréquence de leur renoncement (ou non) à conduire dans 25 situations. Les options de fréquence proposées étaient les suivantes :

  • toujours ou presque
  • souvent (au moins une fois par mois)
  • occasionnellement (moins d’une fois par mois)

QUAND LA VOITURE EXCLUT

UN TIERS DES FRANÇAIS, TOUS ÂGES CONFONDUS, STRUCTURELLEMENT EXCLUS DE LA CONDUITE

Tout le monde n’a pas accès à la conduite, loin de là. Environ 33% de la population française ne peut structurellement jamais prendre le volant :

  • 20% sont trop jeunes (moins de 17 ans).
  • 9% des plus de 17 ans n'ont pas le permis ou possèdent un permis étranger non reconnu.
  • au moins 4% souffrent d’une incapacité permanente rendant la conduite impossible – ce chiffre est vraisemblablement sous-estimé du fait que les personnes en perte d’autonomie (résidents d’EHPAD, etc.) sont moins susceptibles d’avoir répondu à l’enquête.

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CONDUIRE QUAND ON A LE PERMIS ? UN LUXE PAS TOUJOURS ACCESSIBLE

Avoir le permis ne garantit pas pour autant la liberté de conduire. Bien au contraire : seuls 18% des détenteurs du permis de conduire déclarent ne jamais être empêchés de conduire.

  • 44% renoncent toujours ou presque (23%) ou souvent (21%) à conduire dans au moins une des 25 situations testées dans l’étude. Cela représente plus de 20 millions de Français.
  • 38% y renoncent occasionnellement (moins d’une fois par mois).
  • Au total, 82% des Français détenteurs du permis de conduire renoncent ainsi au moins occasionnellement à la conduite.

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POURQUOI RENONCE-T-ON À CONDUIRE ?


Des contextes hostiles à la conduite très courants

o Conduire de nuit : un casse-tête pour 43% des conducteurs qui sont au moins occasionnellement gênés par les conditions nocturnes. C’est probablement la situation la plus handicapante dans la mesure où la gêne peut être quotidienne et que la nuit peut représenter une partie importante de la journée en hiver (il fait nuit tôt et le soleil se lève tard).

  • 7% ne conduisent jamais la nuit. Cela représente plus de 3 millions de Français·es.
  • 9% renoncent souvent à la conduite de nuit (au moins une fois par mois). Cela correspond à 4 millions de Français·es supplémentaires.

o Trafic urbain et stationnement : un environnement redouté par 1 conducteur sur 10.

  • 10% des détenteurs du permis effrayés par la ville, renoncent à prendre le volant pour en éviter le trafic et les manœuvres à réaliser (5% toujours, 5% souvent).
  • Par peur de ne pas pouvoir se garer, 11% renoncent toujours (4%) ou souvent (7%) à conduire.

o Conduite en zone rurale ou montagneuse : des zones impraticables pour 10% des conducteurs.

  • Routes étroites, virages, obscurité, animaux sauvages… autant d’éléments qui empêchent toujours (5%) ou souvent (5%) les conducteurs de prendre le volant.

o Météo difficile (neige, brouillard...) : un obstacle pour 1 conducteur sur 2.

  • 49% déclarent au moins une gêne occasionnelle.


Des freins matériels et pratiques pénalisants

o Les coûts du déplacement en voiture (coûts de l’essence et des péages) : premier motif de renoncement matériel. 13% des détenteurs du permis renoncent à conduire au moins une fois par mois pour cette raison : plus de 6 millions de Français·es. 22% au moins une fois par an.

o La panne de véhicule concerne 25% des conducteurs sur l’année (6% au moins une fois par mois).

o Fatigue, somnolence : 8% des détenteurs de permis renoncent à conduire pour cette raison au moins une fois par mois. Ce chiffre passe à 28% pour les conducteurs occasionnellement gênés.

o Des problèmes administratifs empêchent régulièrement une part non négligeable des conducteurs de prendre le volant chaque année. Au cours des 12 derniers mois : 15% des détenteurs de permis ont renoncé à un déplacement à cause d’un

  • contrôle technique non à jour (5% au moins une fois par mois)
  • 10% à cause d’un défaut d’assurance (6% au moins une fois par mois !)
  • 9% pour suspension ou expiration de permis (5% au moins une fois par mois).

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ÂGE ET GENRE : DES INÉGALITÉS FLAGRANTES


Les femmes renoncent davantage dans un contexte à risque

21% des hommes ne renoncent jamais à la conduite, contre seulement 15% des femmes.

  • Les femmes renoncent davantage à la conduite de nuit : 50% y renoncent au moins occasionnellement contre 36% des hommes.
  • Elles sont également plus prudentes face aux conditions météo : 55% renoncent au moins occasionnellement contre 45% des hommes.


Les hommes renoncent davantage pour des raisons matérielles

Permis suspendu, assurance, absence de siège auto : les hommes sont systématiquement plus nombreux à renoncer à conduire pour ces raisons.

  • Pour des problèmes d’assurance de leur véhicule, les hommes sont 13% à renoncer à conduire occasionnellement, tandis que les femmes sont 6% .
  • Le renoncement à la conduite en raison de l’absence d’un siège auto concerne 17% des hommes contre seulement 9% des femmes.
  • Les hommes sont trois fois plus nombreux à renoncer occasionnellement à conduire à cause d’une suspension de permis ( 12% contre 4% ).

L’entrée dans une zone à trafic limité comme les Zone à Faibles Émissions (ZFE) est un motif de renoncement plus fort chez les hommes, qui sont 28% à ne pas prendre le volant occasionnellement pour cette raison contre 17% des femmes.

Les jeunes en âge de conduire : la double peine

Les jeunes (18-24 ans) renoncent davantage à conduire que la moyenne :

  • 34% toujours ou presque contre 23% en moyenne.
  • 38% souvent contre 21% en moyenne.
  • Au total, ils sont 97% à renoncer au moins occasionnellement contre 82% en moyenne.

Moins expérimentés, ils renoncent plus souvent à conduire face aux nombreuses situations de conduite complexes.

  • Ils sont 60% à renoncer au moins occasionnellement à conduire en ville contre 42% en moyenne chez les détenteurs du permis de conduire (28% toujours ou souvent contre 15% en moyenne).
  • Ils sont 46% à renoncer à conduire à la campagne ou à la montagne contre 26% en moyenne chez les détenteurs du permis de conduire (17% toujours ou souvent à conduire contre 10% en moyenne).

Plus vulnérables économiquement, ils sont également plus exposés aux coûts et aux pannes que leurs aînés.

  • Ils sont 54% à renoncer au moins occasionnellement à conduire parce que la voiture qu’ils comptaient utiliser n’est pas disponible contre 35% en moyenne (26 % toujours ou presque contre 9 % en moyenne).
  • Ils sont 52% à renoncer à la conduite au moins occasionnellement à cause des coûts de déplacement contre 35% en moyenne (24 % toujours ou presque contre 13 % en moyenne).

DES RENONCEMENTS PLUS FRÉQUENTS PARMI LES HABITANTS DES GRANDES AGGLOMÉRATIONS

Les habitants des unités urbaines de plus de 100 000 habitants évitent davantage de conduire.

  • En ville : 35 % des habitants de l’unité urbaine de Paris y renoncent au moins occasionnellement, et 33 % des habitants des unités urbaines de plus de 100 000 habitants hors Paris, contre 29 % en moyenne.
  • Par peur de ne pas pouvoir se garer : 51 % des habitants de l’unité urbaine de Paris y renoncent au moins occasionnellement, et 44 % des habitants des unités urbaines de plus de 100 000 habitants hors Paris, contre 36 % en moyenne.

On peut faire l’hypothèse que le renoncement à la conduite en zone urbaine a moins d’impact sur la réalisation du déplacement car plus d’alternatives à la voiture sont disponibles que dans les autres territoires.

  • À la campagne ou à la montagne : 36 % des habitants de l’unité urbaine de Paris renoncent au moins occasionnellement, et 32 % des habitants des unités urbaines de plus de 100 000 habitants hors Paris, contre 26 % en moyenne et 20 % des habitants des communes rurales.
  • Dans certaines conditions météo : 58 % des habitants de l’unité urbaine de Paris y renoncent au moins occasionnellement, et 55 % des habitants des unités urbaines de plus de 100 000 habitants hors Paris, contre 50 % en moyenne et 41 % des habitants des communes rurales.

PLUS ON RENONCE À LA VOITURE, PLUS ON RENONCE À CERTAINES ACTIVITÉS

De manière générale, les difficultés liées aux déplacements (en voiture ou autre) ont des conséquences sur les activités de la vie quotidienne, et pas seulement sur le travail ! En moyenne, 22% des Français détenteurs du permis ont dû renoncer à réaliser des examens médicaux, 21% à effectuer des démarches administratives et 32% à rendre visite à des proches en raison de difficultés liées aux déplacements.

Mais ces difficultés sont encore plus prégnantes chez les personnes qui, dans le cadre de cette enquête, ont déclaré devoir toujours renoncer à conduire dans au moins une des situations testées. Par exemple, 52% d’entre eux ont renoncé à rendre visite à des proches en raison de difficultés de déplacement (contre 32% en moyenne) et 48% n’ont pas pu pratiquer un loisir (contre 28% en moyenne).

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REPENSER LA MOBILITÉ : UN IMPÉRATIF SOCIAL

Cette enquête met en lumière une fracture méconnue mais profonde. L’automobile, souvent présentée comme un outil universel d’émancipation, agit en réalité comme un facteur d’exclusion pour une part importante de la population. Parce que notre système de mobilité est entièrement structuré autour de la voiture, il marginalise celles et ceux qui ne peuvent pas ponctuellement, régulièrement ou structurellement y avoir recours.

Mais l’exclusion ne s’arrête pas là. L’omniprésence de la voiture dans l’espace public empêche aussi le développement et l’usage serein d’autres modes de déplacement. Combien d’enfants ne peuvent pas marcher seuls jusqu’à l’école 1 ? Combien de personnes âgées renoncent à faire leurs courses à vélo 2 ? Combien d’actifs redoutent de se rendre au travail autrement qu’en voiture, faute de sécurité ou d’infrastructure adaptée ?

Dans une France où, suite à cette enquête, la voiture ne peut plus être considérée comme synonyme de liberté, il est urgent de repenser notre système de mobilité dans son ensemble, et de développer des alternatives accessibles à tous, sur tous les territoires.

TÉLÉCHARGEMENTS

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Déplacement

Le déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.

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