Chaque dimanche depuis près de 50 ans, la municipalité de Bogota ferme à la circulation motorisée un réseau continu de rues et d’avenues pour que les habitants puissent y circuler en sécurité à pied ou à vélo. D’origine militante et associative, cette initiative s’est progressivement institutionnalisée, pour devenir aujourd’hui une mesure centrale de la politique de la ville en matière de loisir et d’amélioration de la qualité de vie. Aujourd’hui source d’inspiration pour les plus grandes métropoles mondiales, comment s’est déployé cet événement d’une ampleur inédite ?
La Ciclovía trouve son origine dans une grande manifestation militante organisée en 1974 pour dénoncer la domination de l’automobile dans l’espace public de la capitale colombienne. Progressivement institutionnalisée, elle est aujourd’hui un pilier de la politique urbaine de loisir et d’amélioration de la qualité de vie des habitants. Véritable institution locale, elle implique une organisation et un soutien logistique important pour sécuriser les 127 kilomètres de voies dédiées chaque dimanche aux modes actifs. L’événement, d’une ampleur inédite, rencontre un succès populaire incontestable.
Jaime Ortiz Mariño, aujourd’hui architecte et consultant sur les politiques de mobilités, est à l’origine de la « Grande manifestation de la pédale » ( Gran Manifestación del Pedal ) organisée en 1974 pour dénoncer la prolifération automobile dans la ville. Inspiré par les revendications portées par la jeunesse américaine et les communautés de la contre-culture, le mouvement érige le vélo comme symbole de résistance, au cœur d’un projet social et environnemental alternatif pour la ville. Quelques années plus tard, l’événement s’institutionnalise avec la fermeture à la circulation de quatre couloirs par la municipalité, formant un réseau d’une vingtaine de kilomètres. Son extension et son caractère dominicale sont actés au début des années 1980, avec toutefois un manque de moyens et de soutien politique qui affaiblissent l’événement. C’est dans les années 1990 que la Ciclovía prend une autre ampleur, sous l’impulsion des maires Antanas Mockus et Enrique Peñalosa qui décident de multiplier son budget par dix, d’ouvrir le financement à des partenaires privés et de renforcer sa dimension récréative. À la fin des années 1990, ce sont plus de 120 kilomètres de voies qui sont réservés aux modes actifs et attirent chaque semaine plus d’1 million d’habitants.
Aujourd’hui, la Ciclovía est pilotée et organisée par le département des Loisirs et des Sports de la mairie de Bogota, et mobilise un grand nombre d’acteurs publics du domaine des politiques de santé, d’animation, de jeunesse, mais aussi des transports et de la mobilité. Le choix de la municipalité est de profiter de cet espace public dédié pour déployer des activités ludiques et sportives (gym, théâtre…), afin d’attirer des participants et créer du lien social. L’événement est aussi l’occasion de proposer des actions d’informations et de sensibilisation (culture civique, lutte contre le Covid-19, etc.). Le soutien politique, financier et administratif est très important et permet, en dédiant 1,4 millions d’euros par an à l’organisation de l’événement, de déployer la logistique nécessaire à sa bonne tenue : fermeture de la circulation par des barrières et de la signalétique, encadrement par des « gardiens » chargés de l’information et de la sécurité, déploiement des activités, etc.
Les données disponibles et les observations réalisées par des équipes de recherche permettent de cerner les effets principaux de cet événement :
Pour connaître toutes les informations sur l’historique de cette initiative, ses actions et ses résultats, téléchargez la fiche synthétique réalisée par le Forum Vies Mobiles :
Pour le Forum Vies Mobiles, la mobilité est entendue comme la façon dont les individus franchissent les distances pour déployer dans le temps et dans l’espace les activités qui composent leurs modes de vie. Ces pratiques de déplacements sont enchâssées dans des systèmes socio-techniques produits par des industries, des techniques de transport et de communication et des discours normatifs. Cela implique des impacts sociaux, environnementaux et spatiaux considérables, ainsi que des expériences de déplacements très diverses.
En savoir plus xAutres publications