Autopartage
La pratique de l’autopartage repose sur un nouveau rapport au véhicule : on passe de la possession du bien à l’utilisation du service.
L’autopartage permet des économies aux usagers, engendre une réduction de l’utilisation de la voiture au profit d’autres modes de transport, et libère des places de stationnement1. L’utilisation de la voiture individuelle est alors considérée comme un mode de déplacement parmi d’autres (Transports en Commun, vélo, marche à pied, covoiturage, etc.).
- L’autopartage commercial est la forme la plus connue d’autopartage, qui consiste à « mettre à la disposition d’abonnés des véhicules disponibles 24h/24 gérés par des entreprises privées (les plus connues sont Zipcar aux Etats-Unis, et le réseau Citiz en France), pour la durée souhaitée et pour des déplacements courts et occasionnels »2.
- L’autopartage-location entre particuliers s’effectue par le biais de sites internet, spécialisés (Buzzcar, Drivy, UneVoitureALouer, etc.) ou non (LeBonCoin), qui mettent en relation des propriétaires qui utilisent peu leur voiture et des personnes qui n’en ont pas.
Ces deux types d’autopartage se pratiquent essentiellement dans des grandes agglomérations, qui offrent une densité minimale de population3 et un réseau de transports en commun garantissant l’accès aux véhicules.
- L’autopartage « informel » entre particuliers est le partage au quotidien et sur une longue durée d’un véhicule privé, entre amis, voisins, ou proches. En moyenne, une voiture se partage entre 3 et 4 personnes (certains groupes d’autopartage pouvant aller jusqu’à 10 personnes4). Il se pratique dans des villes ou villages de toutes tailles, y compris dans des espaces de faibles densités. Il est vécu comme un choix de vie différent, allant parfois de pair avec une intensification de la vie relationnelle, une pratique du territoire marqué par la recherche de proximité et une éducation des enfants aux altermobilités.
Plusieurs conditions sont nécessaires à la réussite de cette forme d’autopartage : la confiance entre les autopartageurs (notamment sur des questions financières), la bonne entente sur « la vision de la voiture »5, ainsi que « sur les conditions de fonctionnement et de partage des frais »6.
B. CORDIER, en 2009, estimait que l’autopartage entre particuliers était pratiqué par 35 à 70 000 conducteurs en France, se partageant 10 à 20 000 véhicules.
Pourquoi se mettre à l’autopartage entre particuliers?
Au départ, il a fallu un facteur déclenchant : la panne d’un véhicule et la question du rachat d’un autre, ainsi que la connaissance d’un autre ménage possédant un véhicule peu utilisé. Parallèlement à ce facteur déclenchant, l’étude MOUR7 a montré que les autopartageurs avaient d’autres caractéristiques en commun:
- d’une part, tous les autopartageurs interrogés étaient sensibles aux questions environnementales, de manière plus ou moins affirmée, et avaient des modes de vie similaires. Pour tous, la pratique de l’autopartage s’est d’ailleurs peu à peu muée en véritable « acte militant », qui répond à une « envie de vivre autrement, de faire des choix de vie différents ».
- d’autre part, tous avaient en commun une même vision de la voiture : ils ne l’apprécient pas en tant que telle, mais la considèrent comme un simple « outil pour se déplacer ». Cette perception de la voiture est primordiale : l’autopartage ne pourra pas fonctionner si l’un des partageurs tient plus à sa voiture que l’autre, et craint en permanence pour son véhicule.
Leviers d’action pour le développement de l’autopartage entre particuliers
Comment favoriser la pratique de l’autopartage dans les espaces de faible densité (ruraux ou périurbains), où 75 à 80% des déplacements sont réalisés en voiture et de manière essentiellement autosoliste pour des déplacements pendulaires ? Quatre éléments facilitent l’autopartage8 :
- une distance géographique faible entre les autopartageurs : la voiture doit pouvoir être récupérée rapidement par les autopartageurs, à pied ou à vélo.
- des besoins en voiture limités ou compatibles. Quand ce n’est pas le cas et que la voiture est nécessaire à l’ensemble de leurs déplacements, certains ménages pratiquent un autopartage impliquant trois véhicules, utilisés alternativement par les quatre autopartageurs.
- des emplois du temps compatibles : faire de l’autopartage implique un surplus d’organisation pour les autopartageurs, qui doivent établir un planning fixe d’utilisation de la voiture ou essayer de connaître l’emploi du temps de l’autre ménage pour pouvoir fixer leurs activités ou rendez-vous. Les autopartageurs doivent communiquer quasi-quotidiennement, par mail, téléphone, messages laissés dans la voiture, etc.
- pouvoir trouver des solutions alternatives, en réorganisant les activités pour éviter le déplacement ; en s’arrangeant entre autopartageurs pour trouver une autre voiture ou covoiturer ; en faisant appel au réseau social (famille, amis, collègues, voisins) ; en utilisant un autre mode de transport (marche ou vélo, services de Transport à la Demande ou transport collectifs lorsqu’ils existent) ou un autre véhicule. La pratique de l’autopartage demande des compétences de mobilité suffisantes pour trouver des alternatives lorsque la voiture est indisponible. L’existence d’un réseau d’entraide s’avère essentiel dans les espaces peu denses offrant peu d’alternatives à la voiture.
Précisions
Aspect juridique de l’autopartage
L’autopartage « commercial » et de « location entre particuliers » est considéré comme un service de « location de véhicule sans chauffeur »8, et n’entre donc pas en concurrence avec les sociétés de taxi ; un flou juridique subsiste néanmoins entre l’autopartage et la location de véhicules classique.
L’autopartage « informel » entre particuliers est généralement pratiqué sans que soit créée une structure juridique spécifique, en particulier lorsque le véhicule partagé appartient à l’un des ménages autopartageurs. Néanmoins, B. CORDIER (2013) recommande la signature d’un contrat de droit privé qui précise le fonctionnement de l’autopartage, le rôle et les obligations de chacun, le partage des frais, etc.
Quelques chiffres sur l’autopartage commercial et de location entre particuliers
La société américaine ZipCar9 a été fondée en 2000 : en janvier 2014, elle est implantée dans 28 états américains et canadiens, ainsi qu’en Espagne et dans 5 villes britanniques ; elle vise également les universités, et est présente sur 12 campus.
Le réseau Cityz, créé en France en 2004 (sous le nom de France-Autopartage),10 regroupe en 2014 « 16 services indépendants d’autopartage, présents dans plus de 80 villes françaises avec 700 voitures partagées. »
Enfin, en Europe, l’autopartage s’est développé essentiellement en Suisse (Mobility Carsharing, la plus importante compagnie d’autopartage commercial, compte 1 380 antennes dans tout le pays, avec 2 600 véhicules11), Autriche et Allemagne (d’après le CERTU12, en 2007 les nombreux petits opérateurs allemands d’autopartage qui agissent à l’échelle d’agglomérations comptabilisaient 100 000 utilisateurs dans 250 villes).
Selon une étude réalisée par CarSonar13, la France comptait en 2013 plus de 23 000 véhicules loués en autopartage entre particuliers. Cette pratique est également présente à l’étranger, sous le nom de peer-to-peer carsharing : la première compagnie d’autopartage-location entre particuliers est RentMyCar, créée en Allemagne en 2001 ; ont suivi de nombreuses autres, en Allemagne (Autonetzer14, la plus importante compagnie d’autopartage, propose 4 500 véhicules, loués par 35 000 utilisateurs actifs), en Grande-Bretagne (qui propose de nombreuses compagnies telles WhipCar, Getaroung, Go-op, etc.), etc.
Un exemple d’autopartage entre particuliers
Florence B. vit dans un village rural qui offre de nombreux commerces, et peut se rendre à pied ou à vélo à son travail. Elle possède un vieux véhicule qui reste stationné devant la maison : elle l’utilise seulement pour les activités des enfants ou pour les rendez-vous médicaux. C’est une « roue de secours », qui lui coûte cher et qui s’abîme en ne roulant pas. Lorsque la voiture d’Emmanuelle C., une amie et collègue qui vit à 1 km de chez elle, tombe en panne, elle lui propose de partager, « le temps qu’elle en achète une autre » ; finalement, le partage de voiture se poursuit, et elles finissent par signer un contrat de droit privé. Les deux maris sont davantage attachés à leur voiture et ne participent pas à l’autopartage. Cet exemple rassemble tous les éléments d’un autopartage « facile à vivre » : faible distance géographique entre les autopartageuses, besoins limités de la voiture au quotidien, emplois du temps facilement compatibles, existence d’un réseau d’entraide.
Bibliographie
6-t (2013), Enquête nationale sur l’autopartage, l’autopartage comme déclencheur d’une mobilité alternative à la voiture particulière, Rapport final de recherche
ADEME (2012). Pour le développement de l’autopartage en France
ADREANI A. (2011). Autopartage, contexte et état des lieux des pratiques, PNR Loire-Anjou-Touraine
CarSonar (2013). Découverts du marché français d’autopartage et location de voitures entre particuliers
CERTU (2006). Etude sur les obstacles juridiques au développement des nouveaux services de transport
CERTU (2008). L’autopartage en France et en Europe. Etat des lieux et perspective.
CORDIER B. (Octobre 2009). L’autopartage dans la sphère privée, Étude réalisée par ADETEC pour l’ADEME et le MEEDDM dans le cadre du PREDIT
CORDIER B. (2013), Guide pratique de l’autopartage entre particuliers, ADETEC
HUYGHE M. et alii (2013). Quelles mobilités en milieu rural à faible densité ? Rapport final du projet MOUR
QUETELARD B. (2010). Se rendre au travail ou faire des courses motive toujours un déplacement quotidien sur deux. Le recours à la voiture se stabilise, in CGDD (2010). La mobilité des Français, in La Revue du CGDD
SCHMIDER J.B. (2013) Quels modèles économiques et juridiques pour l’autopartage ?, Présentation PREDIM, 31 mai 2013
http://autopartageentreparticuliers.blogspot.fr/