Cadre de vie et mobilités de loisirs : une remise en question de la ville compacte ?

Retrouvez bientôt sur notre site les vidéos de la conférence organisée par le Forum Vies Mobiles le 17 janvier 2017 : MOBILITÉ VERTUEUSE : LES ATOUTS DE LA VILLE DENSE REMIS EN CAUSE ? avec Vincent Kaufmann et Jean-Pierre Orfeuil.
<br /><br />
Introduction, par Vincent Kaufmann
L’étalement urbain est régulièrement stigmatisé au titre des dépenses énergétiques, du gaspillage de ressources et des émissions de gaz à effet de serre qu’il entraîne du fait des importantes distances parcourues en voiture quotidiennement par les habitants pour rejoindre leur lieu de travail. Pourtant, le caractère vertueux de la ville dense et compacte du point de vue de la mobilité est remis en question par l’hypothèse qu’un contexte urbain dense génèrerait le besoin de s’en échapper le week-end ou pendant les vacances, en voiture ou en avion, rattrapant ainsi mécaniquement les externalités liées aux déplacements quotidiens des personnes vivants dans le périurbain. <br /><br /> Cette hypothèse des déplacements compensatoires, posée entre autres par J.-P. Orfeuil et D. Soleyret, est également connue dans la littérature sous le vocable « d’effet barbecue » - en référence au fait que le week-end, les périurbains ont la possibilité de faire un barbecue dans leur jardin pendant que bon nombre d’habitants des quartiers urbains centraux denses fuient leur cadre de vie en avalant des kilomètres en voiture, en avion ou en train, pour rejoindre un cadre plus proche de la nature. <br /><br /> Dans sa thèse de doctorat, S. Munafò a analysé ces mobilités de loisirs sur des terrains suisses, en croisant des analyses contextuelles, quantitatives et qualitatives. Son travail montre que les déplacements des habitants des quartiers urbains centraux ou périurbains ne sont pas très différents lorsque l’on considère l’ensemble des déplacements sur un an, soit non seulement la mobilité quotidienne, mais aussi celle du week-end et les vacances. Il constate en revanche que les mobilités de loisirs proprement compensatoires sont rares : si les déplacements de loisirs des habitants des tissus urbains les plus denses sont effectivement plus fréquents et plus lointains, ils ne sont pas nécessairement motivés par une volonté de fuir les tissus denses. Les week-ends de tourisme urbain en sont un exemple. <br /><br /> Sébastien Munafò conclut de ces observations que d’une part les ménages se localisent dans un cadre de vie qui convient à leur mode de vie, et qu’ils n’éprouvent en conséquence pas le besoin de fuir, et d’autre part que les caractéristiques propres aux cadres de vie invitent en retour à adopter certains modes de vie plutôt que d’autres. Il en va par exemple ainsi de la qualité des transports publics qui pousse à moins utiliser la voiture, ou de la proximité d’un aéroport, qui incite à effectuer des déplacements de loisirs de plus longue distance. Mais quand bien même il n’y aurait pas de relation compensatoire entre cadre de vie dense et mobilités occasionnelles, dès lors qu’on constate que la ville dense ne génère pas moins de déplacements à l’année, ne peut-on pas remettre en question l’intérêt de la ville compacte ? La réponse à cette question est cruciale dans la mesure où la surconsommation énergétique et la pollution induite comptent parmi les principaux arguments pour lutter contre l’étalement urbain. L’enjeu est de taille dans le domaine du développement territorial. <br /><br /> Pour en débattre, Sébastien Munafò défendra l’idée que la ville compacte reste un modèle incontournable, notamment pour la richesse des aménités qu’elle apporte, tandis que Marc Pearce du Forum Vies Mobiles soutiendra, au contraire, qu’il est impératif de considérer la pluralité des modes de vie et la diversité des cadres de vie qui la rendrait possible. <br /><br /><br /> Pour aller plus loin <br /><br /> ORFEUIL, J.-P., SOLEYRET, D. (2002). Quelles interactions entre les marchés de la mobilité à courte et longue distance ? Recherche Transport Sécurité n°76. Inrets.
MUNAFÒ, S. (2015). Cadres de vie, modes de vie et mobilités de loisirs : les vertus de la ville compacte remises en cause ? EPFL, Lausanne, 2015.
Faut-il préconiser la ville compacte ? Sébastien Munafò, géographe, défendra l’idée qu'il s'agit d'un modèle incontournable, notamment pour ses qualités environnementales et l'urbanité qu'elle favorise, tandis que Marc Pearce du Forum Vies Mobiles soutiendra, au contraire, qu’il est impératif de considérer la pluralité des modes de vie et la diversité des cadres de vie qui la rendrait possible.