À quoi et à qui servent les voitures de fonction ?

Contact : Matthieu Bloch

Contexte

Les entreprises et autres organisations employeuses possèdent ou louent 5,3% du parc automobile français en circulation soit, environ 900.000 véhicules de service (à l’usage strictement professionnel et partagé entre les salariés) et 1,2 million de voitures de fonction ¹ (attachées à un travailleur et lui permettant de réaliser non seulement ses déplacements professionnels, mais aussi ses trajets domicile-travail, voire ses déplacements personnels, courses ou vacances).

Puisqu’une partie de l’usage de véhicule de fonction est liée à des déplacements professionnels, une partie de la valeur correspondant à la mise à disposition du véhicule ne fait l’objet d’aucune charge sociale ou d’impôt. Le reste (les trajets domicile – travail et les trajets personnels) est considéré comme des avantages en nature. Le taux de cet avantage en nature (aujourd’hui entre 30 et 50%) fait l’objet de débats entre associations et lobbys tant la manne financière est énorme.

Chaque année les entreprises dépensent entre 12 et 14 milliards d’€ en France pour mettre à disposition de leurs collaborateurs un véhicule de fonction, c’est 50% de plus que ce qu’elles versent aux AOM pour financer les transports en commun via le versement mobilité (9,3 milliards en 2023) pour 3 fois moins de salariés concernés.

Face à la crise écologique et budgétaire (2024-2025), les véhicules de fonction font l’objet de plusieurs propositions de loi : sanction financière des entreprises en cas de non-verdissement de sa flotte automobile, extension du malus au poids aux hybrides rechargeables, hausse du taux de l’avantage en nature pour les véhicules thermiques ².

Objectifs

Ce projet de recherche a pour objectif de quantifier et de qualifier les bénéficiaires des véhicules de fonctions ainsi que les usages qu’ils en font. L’étude visera, entre autres, à identifier les situations dans lesquels le véhicule de fonction est statutaire, utilitaire ou une hybridation de deux. Une comparaison avec les politiques publiques et les usages dans d’autres pays européens sera menée. Ce travail descriptif et comparatif devra permettre de connaître les caractéristiques qui font du véhicule de fonction un outil de travail indispensable ou non. En creux, nous chercherons aussi à connaître le caractère mutualisable (transformation du véhicule de fonction en véhicule de service, autopartage le week-end …) ou substituable (vélo, vélo-cargo, transport en commun…) du véhicule de fonction.

Méthodologie

Le projet de recherche démarrera par une revue de littérature pluridisiciplinaire (sociologie, économie, géographie, études de transports, littérature grise et institutionnelle). Le projet entend exploiter ensuite deux enquêtes statistiques (Enquête mobilité des personnes 2018-2019, SRCV voire ENTD 2008) permettant de caractériser les usagers et les usages du véhicule de fonction en France et en Europe. À la lumière des résultats précédents, il s'agira alors de réaliser une série d'entretiens (N = 20), traduisant la variété des situations analysées, pour décrire au plus près la typologie des usages des voitures de fonction.

Premiers résultats

L’exploitation des données de l’EMD 2019 donnent des résultats qui peuvent d’ores est déjà intéresser les chercheurs et les décideurs :

• Seulement 29,6% des km parcourus en voiture de fonction relèvent de déplacements strictement professionnels.
• 25% des véhicules de fonction sont mis à disposition des salariés du 9e décile. A titre de comparaison les 50% des ménages les plus pauvres en possèdent autant.
• 75% des bénéficiaires des véhicules de fonction sont des hommes.
• 43% des véhicules de fonction sont mis à disposition de ménages résidents dans des grandes unités urbaines (<200 000 habitants). Dans ces aires urbaines 44% des véhicules de fonction sont mis à disposition de cadres et professions intellectuelles supérieures (CPIS). En conséquence, près de 20% des véhicules de fonctions sont mis à disposition de CPIS qui résident dans des grandes aires urbaines.

Bibliographie indicative

Yoann Demoli et Pierre Lannoy, 2019, Sociologie de l’Automobile

Jean-Pierre Orfeuil, 2022, Les aides à la mobilité vers le travail : un système à revoir à l’aune de la transition

Arnaud Passalacqua et Antoine Lévêque, 2024, Encadrer les déplacements carbonés liés au travail, une politique publique à imaginer

Transport et Environnement, 2024, Les niches fiscales et sociales sur les voitures de fonction à carburant fossile coûtent 4 milliards d’euros d’argent public par an

IPSOS pour Arval Mobility Observatory, 2024, Baromètre des flottes et de la mobilité 2024

Mobility

For the Mobile Lives Forum, mobility is understood as the process of how individuals travel across distances in order to deploy through time and space the activities that make up their lifestyles. These travel practices are embedded in socio-technical systems, produced by transport and communication industries and techniques, and by normative discourses on these practices, with considerable social, environmental and spatial impacts.

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