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Dorothée, vélo-cargo à gogo


Dorothée, 40 ans, travaille à Bruxelles dans le développement durable. Elle habite avec son mari et ses deux enfants dans le centre-ville et circule uniquement en vélo-cargo, un idéal de vie en proximité découvert au Danemark.

 

Dorothée, la quarantaine, montre les photos de son vélo-cargo avec un large sourire. Elle vit avec son mari et ses enfants de deux et quatre ans dans un quartier du centre de Bruxelles, un triangle où tout se fait en cinq minutes entre son domicile, son travail, l’école de l’aîné et la crèche. Le vélo est son unique moyen de transport, y compris pour les courses qu’elle charge dans le bac avant.

Dorothée n’a pas toujours eu cette vie. Il y a 10 ans, elle faisait un burn-out à Paris sous la pression d’un boulot trop prenant et d’un quotidien écrasé par les transports. Les bulles d’oxygène qu’étaient les voyages lointains ne suffisaient plus. Il a fallu changer. Elle a ralenti son rythme et raccourci les distances pour profiter de la famille et des amis. Aujourd’hui, elle se pose « la question de ce dont on a besoin et non de ce que l’on pourrait avoir ».

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Quel est votre cadre de vie ?

J’habite avec mon mari et mes deux enfants de deux et cinq ans en plein centre de Bruxelles depuis 6 ans. On a acheté et rénové un appartement de manière écologique pour avoir la plus faible empreinte environnementale possible. Je suis à cinq minutes à vélo de mon travail d’un côté, la crèche est à cinq minutes de l’autre côté et il y a l’école encore à cinq minutes de l‘autre côté. On a connus nos copains par la crèche et le boulot. On vit beaucoup dans notre quartier.

Pouvez-vous nous expliquer votre utilisation du vélo-cargo ?

Je circule le plus possible en vélo-cargo. C’est un vélo allongé sur l’avant avec un bac en bois dans lequel quatre enfants peuvent rentrer. La topographie est difficile à Bruxelles. Il n’y a pas de pistes cyclables et les tramways peuvent être super dangereux. Mais, je suis sur des petites distances que je maîtrise bien. Donc, je me sens à l’aise.

Lorsque je récupère les enfants à la sortie de l’école, il m’est arrivé de mettre une heure pour rentrer à la maison alors qu’elle est à 800 mètres (rires). Prendre un enfant, puis prendre l’autre. Et, ils commencent à ne plus vouloir monter dans le bac. Le grand est à trottinette et la petite aime avoir son vélo. Au final, le vélo-cargo sert de moins à moins pour les enfants et j’y mets mon ordinateur, le sac de l’un, le goûter, etc…

Pour les courses, je charge jusqu’à 70 kilos de marchandise dans le bac sans mes enfants. Ça correspond à un plein au supermarché pour quinze jours ou un plein au marché bio pour une dizaine de jours. Tout ça, dans un rayon de 5 km autour de chez moi, seulement à vélo.

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Et pour les vacances ?

On va en vacances en famille en France plusieurs fois par an en train. Ensuite, on définit un peu nos destinations en fonction de l’accessibilité en train. Ça peut être Amsterdam ou Cologne. Je vous passe l’aspect folklorique avec la grosse valise, la petite valise, la poussette, le lit pliable pas portable, le sac à dos, le goûter des enfants. Il y a une année où je perdais systématiquement un sac à chaque correspondance. L’arrivée était beaucoup plus simple que le départ (rires).

Comment faîtes-vous pour les destinations non-desservies par le train ?

Nous n’avons pas de voiture individuelle, mais nous faisons partie d’un système d’autopartage : Cambio. On l’utilise une fois par mois pour aller à 10 ou 20 km. Cela nous arrive aussi de louer une voiture quand on a besoin de partir en week-end ou une semaine. Et l’été, on a des parents sympas qui nous prêtent une voiture pour deux à trois semaines si on est obligés de la prendre.

Et l’avion ?

On essaie de ne plus le prendre. Je trouve que ce sont des expériences qui sont désagréables, qui sont très stressantes.

Comment en êtes-vous arrivée à ce mode de vie ?

J’ai fait un semestre d’études au Danemark. J’ai commencé à rouler à vélo parce que je n’avais pas d’argent pour me payer le bus. Puis, j’ai vu les mères de famille qui se promenaient avec ce vélo muni d’un bac. Une image mentale s’est imprimée. Je me disais « Réussir sa vie, c’est avoir une maison, des enfants et un vélo ».

Par la suite, j’ai bien gagné ma vie à Paris. En contrepartie d’un investissement important, ma consolation était de m’offrir de beaux voyages. C’était très sympa. Ça m’a quand même mené au burn-out à 30 ans. J’avais l’impression d’avoir une très forte contrainte sur les transports qui m’écrasait. En plus, fonder une famille à Paris ne nous allait pas. Je me suis dit qu’il fallait absolument changer les choses.

Mon mari a eu une opportunité à Bruxelles. Je l’ai suivi. Mon fils est né. J’ai commencé par trouver un job d’assistante temporaire, qui ne correspondait pas à mon niveau de diplôme, mais c’était à cinq minutes à pied de la maison. De fil en aiguille, je suis resté trois mois, puis six mois. Puis, le responsable du développement durable a démissionné. C’était mon rêve de faire ce métier.

Comment s’organise votre travail ?

Je vais une à quatre fois par mois à Paris, souvent sur la journée. Le train est un endroit où je travaille. J’aime bien. J’ai l’impression d’avoir ma vie à moi. Je n’ai pas mes enfants, pas mes collègues.

Je fais du télétravail aussi, un jour par semaine. On en discute avec mon patron qui est souvent d’accord. Ça se peut se décider par convenance personnelle soit parce que la compagnie électrique doit passer, soit parce que j’ai un rapport à lire au calme.

Est-ce que vous aimeriez que la part de télétravail soit plus importante ?

Non, je ne l’utilise pas plus d’un jour par semaine. J’aime bien aller au bureau, voir les gens et j’ai parfois du mal à me mettre à travailler si je suis toute seule à la maison.

En dehors du télétravail, vous utilisez le téléphone et internet ?

Non, j’ai un smartphone depuis trois mois seulement. Je ne l’utilise pas beaucoup. J’utilise un peu plus internet pour rester en contact avec la famille et les amis qui sont à l’étranger et pour organiser des trajets. Je fais mes courses sur internet aussi et je vais les chercher sur place. Ce n’est pas forcément plus rapide du fait des interfaces, mais elles vont permettre de le faire le soir, à un moment où les magasins sont fermés.

Qu’est-ce qui vous plaît dans cette manière de vivre ? Il y a des choses que vous défendez ?

On se pose la question de ce dont on a besoin et non de ce que l’on pourrait avoir. Cela nous rend beaucoup moins dépendants de nos travails respectifs. Par exemple, on s’est rendus compte à la naissance de mon deuxième enfant qu’avec le nouvel appartement et la crèche, il nous restait du revenu disponible. On avait le choix entre payer une baby-sitter pour aller chercher les enfants ou que je le fasse moi-même. C’était sans doute moins reposant, mais ça correspondait plus à ce à quoi l’on aspirait. Je suis passé à 80%. Le fait d’avoir moins de besoin nous donne plus de liberté. J’ai l’impression de maîtriser un peu plus les choses.

Pensez-vous que votre mode de vie serait possible ailleurs qu’en centre-ville ?

C’est possible si on habite à moins de 10 km de son travail et des lieux qu’on fréquente au quotidien. Ça correspond à l’autonomie des batteries d’un vélo électrique si on a besoin d’un moteur et à la distance que l’on supporte sous la pluie et dans le froid.

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Propos recueillis en mars 2016


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