En 2018, le Forum Vies Mobiles a initié une journée de réflexion sur les aspirations au ralentissement qui ressortaient de l’enquête internationale sur les aspirations liées à la mobilité et aux modes de vie. Des idées agitées durant cet atelier ont depuis, notamment en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19, acquis une pertinence nouvelle, qu’il s’agisse de la nécessité de réguler le télétravail ou de la nécessité de penser de façon différente la distribution spatiale des activités, démontrant qu’il est temps de repenser nos rythmes de vie et la mobilité qui en découle, pour (re)trouver un équilibre entre notre vie sociale, notre vie familiale et notre vie professionnelle.
L’atelier organisé par le Forum Vies Mobiles a réuni à Paris une dizaine de chercheurs français et européens (Allemagne, France, Italie) spécialistes des questions temporelles et de rythmes de vie et issus de différentes disciplines (sociologie, urbanisme, droit, philosophie, histoire), ainsi que le réalisateur du film Tout s’accélère, ancien trader devenu instituteur. Les experts devaient se saisir du désir de ralentissement exprimé par les citoyens dans l’enquête internationale « Aspirations liées à la mobilité et aux modes de vie » commanditée par le Forum Vies Mobiles en 2015.
Le chercheur chargé de piloter cet atelier, Jean-Yves Boulin, sociologue à l’université Paris Dauphine avait souhaité organiser les échanges en plusieurs temps. Il s’agissait pour lui :
de poser un diagnostic sur le sentiment d’accélération (par rapport au rythme de vie de la société dans le passé) et de son corollaire, une impression persistante d’urgence. Ce sentiment est repéré par les chercheurs depuis plusieurs années et l’atelier devait identifier les aspects de la vie quotidienne les plus impactés, en mettre en lumière les principaux symptômes et voir quels groupes sociaux étaient les plus concernés. La diversité des pays représentés autour de la table était aussi l’occasion de voir si ces perceptions étaient partagées de manière uniforme.
d’effectuer un diagnostic similaire au regard du désir de ralentissement , donc d’analyser les rythmes de vie espérés dans le futur par rapport à ceux de la société actuelle, pour ensuite dégager des pistes d’action , orientations politiques observables et/ou imaginables pour donner corps à ce désir de ralentissement.
Le phénomène d’accélération se manifeste au cœur de la vie quotidienne (vie familiale, vie sociale, vie professionnelle, loisirs, etc.) par :
Les conséquences de cette « spirale de l’accélération » ont également fait l’objet d’un consensus :
Il a été noté que la gestion généralisée du temps avec des évaluations et des chiffres (à l’école, en entreprise, voire en famille) exerce une pression croissante sur les individus mais qu’elle est différemment vécue suivant le groupe social auquel on appartient :
Si tous les domaines de la vie quotidienne peuvent être concernés, la difficulté pour les experts est de repérer les activités qui structurent vraiment les modes de vie et de voir celles sur lesquelles il est prioritaire d’agir, notamment au regard des préoccupations des citoyens. Il en ressort selon eux que le problème se focalise singulièrement sur le travail et les déplacements.
Pour les participants à l’atelier, le travail continue d’exercer dans nos sociétés un rôle structurant dans l’organisation de la vie quotidienne et plusieurs formes de changement sont intervenues dans son champ qui contribuent au sentiment d’accélération :
Toutes ces caractéristiques du travail contemporain sont le résultat du productivisme qui a été pointé comme la source principale de la mise en œuvre des mécanismes d’accélération. Pour le travail, les mobilités, la consommation, bref pour l’ensemble des activités de la vie quotidienne qui sont marquées du sceau de l’accélération, c’est ensuite la question du comment faire pour aller vers une plus grande maîtrise de leurs temps sociaux et de leurs rythmes par les citoyens qui a occupé la dernière partie de cet atelier.
Il s’agirait de trouver un autre mode de vie en société, tout comme d’autres modalités pour travailler, se déplacer, consommer, fondées sur l’équilibre d’une part entre vie professionnelle et vie sociale et familiale, et d’autre part entre vitesse et lenteur.
Une raison de prendre les mobilités comme point d’application d’une politique des temps et du ralentissement réside dans le fait que, dans les conditions actuelles, elles constituent un des facteurs principaux de dysfonctionnement de nos emplois du temps. On pourrait privilégier :
Reste pour les experts à trouver les moyens de contrer les obstacles principaux que constituent les normes actuelles, à éviter que les initiatives envisagées au cours de cette journée ne soient paralysées par la financiarisation de l’économie, l’accent mis sur le court terme, le primat du développement de la consommation, principaux facteurs de l’accélération.
Téléchargez le rapport complet de l’atelier
Pour le Forum Vies Mobiles, la mobilité est entendue comme la façon dont les individus franchissent les distances pour déployer dans le temps et dans l’espace les activités qui composent leurs modes de vie. Ces pratiques de déplacements sont enchâssées dans des systèmes socio-techniques produits par des industries, des techniques de transport et de communication et des discours normatifs. Cela implique des impacts sociaux, environnementaux et spatiaux considérables, ainsi que des expériences de déplacements très diverses.
En savoir plus xUn mode de vie est une composition - dans le temps et l’espace - des activités et expériences quotidiennes qui donnent sens et forme à la vie d’une personne ou d’un groupe.
En savoir plus xExercice d’une activité salariée hors des locaux de l’entreprise, à domicile ou dans un lieu tiers pendant les horaires de travail habituels et nécessitant d’avoir accès à des outils de télécommunication.
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