Quels sont les besoins spécifiques à la mobilité autonome enfantine ?
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Présentation longue
Chaque année, le Forum Vies Mobiles pilote des ateliers étudiants avec un réseau d’écoles et d’universités. Originaux et engagés, ces ateliers explorent des thématiques importantes mais peu traitées dans la perspective du tournant écologique et social des mobilités. Des étudiantes du Master 2 Aménagement et Urbanisme de l’université Paris 1 se sont intéressées à la question de la mobilité autonome des enfants dans l’espace public, un mode de déplacement quasiment impensé par les décideurs et praticiens de l’aménagement. Quels sont les besoins spécifiques à cette mobilité ? Comment les enfants se représentent cette forme de déplacement ? A quelles formes aspirent-t-ils ? Comment favoriser cette autonomie ? Les étudiantes ont répondu à ces questions en rédigeant une revue de littérature approfondie et en interrogeant directement les enfants au sein de trois écoles situées dans des contextes socio-urbains variés.
Ce que le Forum retient :
- La mobilité autonome des enfants est bénéfique pour leur santé mentale et physique mais est peu répandue y compris sur des trajets courts.
- Cette mobilité dépend en premier lieu des représentations des parents. L’anonymisation de nos sociétés et l’omniprésence de l’automobile sur nos routes ont renforcé la peur qu’ont les parents et conduit à un déclin de la mobilité autonome des enfants.
- Ce déclin est limité dans certaines configurations socio-spatiales, par exemple pour des déplacements domicile - école dans certains quartiers populaires ayant une école en cœur de quartier et une disposition de ses bâtiments « en plan libre » (c’est-à-dire non alignés à la voirie et permettant de mettre à distance les enfants des grands axes de circulation routière).
- Les enfants ont des besoins et des aspirations spécifiques : envie de vitesse et de prise de risque, besoin de co-surveillance …
- Pour favoriser cette mobilité autonome, au-delà de l’aménagement de l’espace public, des initiatives sociales doivent aussi être considérées.
L’état de l’art
Dans un premier temps, l’atelier a élaboré une revue de littérature pointant, notamment, l’absence de recherches scientifiques concernant la mobilité autonome des enfants en France dans les zones peu denses. En résumé, depuis la fin du XIXe siècle, la place de l’enfant oscille entre autonomie et dépendance. Si l’enfant est aujourd’hui considéré comme un « sujet à part entière » (Dolto, 1985), l’adulte s’impose comme garant de sa protection et le contraint dans ses déplacements. Avec le développement de l’automobile les espaces publics deviennent des sources de peurs parentales (Rivière, 2021) et apparaissent alors comme des environnements hostiles pour les enfants ce qui justifie alors de les en exclure (De Jesus et al., 2010 ; Kawachi et al., 1999 ; Mullan, 2003). Ces évolutions associées à une crainte de l’inconnu dans l’espace public (Ambroise-Rendu, 2003) se traduisent par une tendance à la sédentarisation des enfants et une dépendance croissante des enfants envers les adultes notamment dans leur mobilité (Depeau, 2013). Pourtant, les déplacements autonomes sont structurants dans le développement physique et cognitif des enfants (Kaufman et Flam, 2002 ; Espinassous, 2019).La méthodologie et les terrains d’étude :
L’enquête de terrain de cette étude a été réalisée au sein de trois établissements partenaires :- L’école primaire des Cosmonautes localisée dans un quartier de logements sociaux en plan libre à Saint-Denis (93). Saint-Denis est une commune populaire densément peuplée.
- L’école primaire Jules Ferry située dans un quartier de faubourg relativement aisé à Limoges. Limoges est une ville moyenne et préfecture du département de la Haute Vienne (87).
- L’école primaire Michel Guignard localisée dans le village des Cars. Les Cars est une commune rurale et vieillissante, peuplée de 620 habitants en 2020 et située en Haute Vienne également.
Activité « Carnet de Bord »
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Activité « Carte postale »
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Visionnage d’extraits vidéos
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Activité « Chemin idéal »
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Les résultats :
Les facteurs socio-spatiaux de la mobilité autonome
Le nombre de trajets accompagnés par les parents varient de manière très importante selon les terrains d’étude : 13% des écoliers des Cosmonautes ayant répondu aux questionnaires réalisés lors de l’étude vont à l’école accompagnés de leurs parents, contre 65% à Limoges et 59% aux Cars.
Les freins à la mobilité autonome
Les principales craintes exprimées par les parents comme par les enfants relèvent d’un contact avec autrui. Ainsi, la peur de « l’enlèvement », tout comme celle de l’accident avec une voiture reviennent très régulièrement dans les questionnaires comme lors des discussions. Or ces peurs entravent les mobilités autonomes des enfants. En revanche, le fait de se perdre ou de chuter constitue à l’inverse des peurs secondaires.
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Les représentations des enfants
Au travers des productions graphiques des enfants, les étudiantes ont observé que l’imaginaire des enfants était structuré par l’automobile et que celle-ci est perçue comme une source de dangers. Les bandes blanches discontinues, les panneaux de signalisation, les feux tricolores sont omniprésents. Aussi, l’espace réservé aux mobilités des enfants, dans leur chemin idéal prend toujours une place extrêmement réduite, sous la forme d’une petite piste cyclable par exemple. Pour le Forum, les enfants semblent avoir normalisé la place que leur réserve l’adulte dans la ville.
Les aspirations des enfants
Les étudiants ont relevé une certaine inappétence pour la marche à pied de la part des enfants qui semblent aspirer à des modes de déplacements associant vitesse et prise de risque. Cette aspiration entre en contradiction avec la préférence qu’ont les parents pour la marche perçue comme moins dangereuse. Cette inappétence peut être nuancée par le fait que la marche est une pratique routinière contrairement aux skateboards, rollers, trottinettes et même vélos. Si l’on constate que l'usage de la voiture est plus prégnant en milieu rural, on s’aperçoit que dans l’imaginaire des enfants notamment des Cars la campagne reste l’endroit idéal pour se promener à pied. En effet, en analysant les dessins des chemins idéaux on observe que les enfants représentent souvent la campagne comme un grand espace de nature où la voiture est minoritaire voire complètement absente. Tandis que dans les espaces urbains le piéton est cantonné à des trottoirs étroits.Les préconisations des étudiantes
Si les bienfaits de la mobilité autonome des enfants tant sur le plan de la santé physique et mentale qu’en termes de transition vers des mobilités plus durables semblent faire consensus, les étudiantes estiment que cet enjeu reste peu pris en compte par les politiques publiques. Pour prendre en compte cet enjeu, il apparaît nécessaire de considérer que la place de l’enfant n’est pas seulement dans l’aire de jeux, qu’il n’est pas qu’un être statique mais aussi un individu pouvant se déplacer seul dans la ville. Il convient ensuite d’identifier des aspirations et des besoins qui lui sont propres. Ce ne sont pas les mêmes que d’autres usagers identifiés comme vulnérables (PMR, personnes âgées …). Ils peuvent même être contradictoires (présence d’obstacles ludiques sur le chemin de l’école par exemple). Les politiques publiques relatives à cet enjeu ne relèvent pas toutes de l’aménagement d’un espace public mais aussi d’initiatives sociales, par exemple en favorisant l’interconnaissance (entre enfants et commerçants par exemple), en organisant une surveillance à la sortie des écoles, en soulignant les bienfaits de la mobilité autonome auprès des parents … Ces aménagements et initiatives existent déjà et peuvent être retrouvés dans le cahier de références des étudiantes. Enfin, pour construire ces politiques publiques les étudiantes plaident pour une vision non-binaire de l’autonomie des enfants. L'enfant en fonction de son âge et de sa maturité construit progressivement son autonomie en restant d’abord auprès de ses parents, en s’éloignant petit à petit, en réalisant des trajets avec d’autres enfants, puis en étant capable de faire des trajets seul. En reconnaissant cet apprentissage progressif de la mobilité, on peut émettre l’hypothèse que les parents seraient rassurés et que les enfants prendraient confiance en leur aptitude à réaliser des déplacements en autonomie.Téléchargements
Télécharger la synthèse de l’atelier Téléchargez le rapport completBibliographie indicative
De Jesus Maria, Puleo Elaine, Shelton Rachel C., Emmons Karen M. (2010), “Associations between perceived social environment and neighborhood safety: Health implications,” Health & Place, Volume 16, Issue 5, pp. 1007-1013 Dolto Françoise, (1985), Séminaire de psychanalyse d’enfants (avec la collaboration de Jean-François de Sauverzac), Le Seuil, Paris, 240 p. Depeau Sandrine, (2013), « Mobilité des enfants et des jeunes sous conditions d’immobilité ? » e-Migrinter, Article 11, pp. 103-115. Draghici C. Carmen et Garnier Pascale, (2020), « Pratiques de la recherche avec les jeunes enfants : enjeux politiques et épistémologiques », Recherches en éducation Espinassous Louis, (2019), Pour une éducation buissonnière, retrouver le rythme naturel de l’enfant, Editions Hesse, Paris, 192 p. Hillman Mayer, John Adams, Whitelegg John, (1990), One False Move... A Study of children’s independant mobility, Policy Studies Institute, Londres, 195 p. Kawachi Ichiro, Kennedy Bruce P., Wilkinson Richard. (1999), “Crime: social disorganization and relative deprivation,” Social Science & Medicine, Volume 48, Issue 6, pp. 719-731 Kyttä Marketta, (1997), “Children’s independent mobility in urban, small town and rural environments”, in Camstra, R. (ed.) Growing up in a Changing Urban Landscape, Assen, Van Gorcum, pp. 41-52 Kaufmann Jean-Claude, Flamm Michael, (2002), Famille, temps et mobilité. Etat de l’art et tour d’horizon des innovations, Paris, Rapport de recherche CNAF et Ville en mouvement, 71 p. Leray Frédéric, Séchet Raymonde, (2016), « Les mobilités sous contraintes des mères seules avec enfant(s) : analyse dans le cadre de la Bretagne (France) », dans Philippe Gerber, Samuel Carpentier (dir.), Mobilités et modes de vie: vers une recomposition de l’habiter, Presses universitaires de Rennes, pp.69- 88 Mullan Elaine, (2003) “Do you think that your local area is a good place for young people to grow up? The effects of traffic and car parking on young people's views,” Health & Place, Volume 9, Issue 4, Pages 351-360 Rivière Clément, (2012), « Les enfants : Révélateurs de nos rapports aux espaces publics », MétropolitiquesChapô
Alors que l’on n’a jamais autant voulu faire bouger nos enfants et que les emplois du temps des parents sont surchargés, la mobilité autonome enfantine dans l’espace public reste un impensé en France. Ne cantonnant pas les enfants à des aires de jeux clôturées, cet atelier défriche les spécificités de leur déplacement en autonomie pour proposer des politiques publiques pertinentes.
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