John Urry (1946-2016) est un sociologue anglais. Professeur à l'université de Lancaster, il fut également le co-fondateur et le directeur du Centre de recherche sur les mobilités (Centre for Mobilities Research) de 2004 à 2015 . À partir du milieu des années 1990, il a milité pour un changement de perspective sociologique, rompant avec l’étude des structures sociales aspatiales au profit de celle des mobilités, une approche qu’il a baptisée le « nouveau paradigme des mobilités ».
L’intérêt de longue date de John Urry pour la relation entre espace et société est au cœur de son approche de la mobilité. « Les pratiques sociales, soutient Urry, forment des configurations spatiales, et ces configurations ont une influence considérable sur les pratiques sociales elles-mêmes » (1995, p. 64). Cette sensibilité à la problématique spatiale transparaît dès ses premiers travaux publiés dans les années 1970, dans lesquels il examine comment les transformations spatiales engendrent des conflits et des révolutions, puis dans son analyse des mouvements du capital et de l’emploi dans les années 1980, ainsi que dans ses écrits sur la mobilité des individus au début des années 1990. Depuis le milieu de cette même décennie, son travail sur la mobilité des personnes, des objets, des images, de l’information et de l’argent s’est construit en réponse aux débats autour du positionnement de la sociologie vis-à-vis des transformations historiques qui accompagnent l’évolution des sociétés humaines. Dans Economies of Signs and Space , coécrit avec Scott Lash, il défend la thèse selon laquelle le processus de mondialisation a sapé la capacité analytique de la sociologie en tant que discipline. Ainsi, il faudrait remplacer l’étude de la société, considérée comme un cadre aux institutions sociales par celle des flux et réseaux mondiaux. Urry a ensuite systématiquement exposé et développé cet argument tout au long des années 2000. Ses livres Sociology Beyond Societies (2000)1 et Mobilities (2007) constituent des étapes marquantes du « tournant de la mobilité ». Ces deux ouvrages de synthèse majeurs définissent un cadre analytique pour l’étude des relations sociales fondées sur ce qu’Urry appelle les mobilités physiques, virtuelles et imaginaires. Cette approche, baptisée « nouveau paradigme des mobilités », met notamment l’accent sur les « mondes socio-matériels ». Dans les sociétés contemporaines, souligne Urry, la causalité et l’efficacité des relations sociales sont de moins en moins dépendantes de la proximité, en raison des nouvelles façons d’investir les mondes technologiques qui repoussent les limites de l’action humaine et d’interagir avec eux. Ces assemblages – ou hybrides – de personnes et de machines sont interconnectés dans le temps et l’espace selon des moyens multiples et complexes, et ils n’évoluent pas de manière linéaire. Dans ses derniers travaux, Urry étudie l’incidence du changement climatique et de la pénurie d’énergie sur l’évolution de ces hybrides mobiles et sur les formes futures de vie sociale.
Il est intéressant de noter que ce sociologue qui a consacré tant de temps à l’étude de la portée sociale de la mobilité a mené tous ses travaux au sein d’une seule université, alors que d’autres figures du tournant de la mobilité, tel Bryan Turner, ont eu des carrières particulièrement mobiles.
Devons-nous en déduire que cette situation est révélatrice de la vision d’Urry sur les mobilités ? La réponse est non. Le chercheur a en effet toujours souligné le rôle des voyages dans l’épanouissement de sensibilités cosmopolites (voir Economies of Signs and Space , Sociology Beyond Societies , Mobilities et Mobile Lives ). Parallèlement, ses derniers articles incitent cependant à rechercher de nouvelles idées pour une « bonne vie » fondée sur des modes de vie et de déplacement produisant peu de carbone. À moins que de nouvelles technologies restant à inventer nous permettent de conserver nos habitudes actuelles de grands voyageurs, cela impliquerait probablement de revenir à un modèle familial et une vie professionnelle privilégiant la proximité.
L’une des influences intellectuelles majeures de la riche bibliographie de John Urry a été Le Manifeste du parti communiste , que Marx a écrit – selon l’expression d’Urry lui-même – « à l’âge extraordinaire de 30 ans ». Deux autres ouvrages ont beaucoup influencé ses travaux : Liquid Modernity de Zygmunt Bauman et L’Ère de l’information de Manuel Castells.
Urry, J. (1990) The Tourist Gaze . Sage, Londres (la troisième édition actuelle est co-signée avec Jonas Larsen).
Lash, S. et Urry, J. (1994) Economies of Signs and Space . Sage, Londres.
Urry, J. (2000) Sociology Beyond Societies . Routledge, Londres.
Sheller, M. et Urry, J. (2006) “The new mobilities paradigm”. Environment and Planning A , volume 38, pages 207 – 226
Urry, J. (2007) Mobilities . Polity, Londres.
Elliott, A. et Urry, J. (2010) Mobile Lives . Routledge, Londres.
Urry, J. (2011) Society and Climate Change . Routledge, Londres.
Urry, J. (2013) Societies Beyond Oil . Zed, Londres.
Urry, J.(
Pour le Forum Vies Mobiles, la mobilité est entendue comme la façon dont les individus franchissent les distances pour déployer dans le temps et dans l’espace les activités qui composent leurs modes de vie. Ces pratiques de déplacements sont enchâssées dans des systèmes socio-techniques produits par des industries, des techniques de transport et de communication et des discours normatifs. Cela implique des impacts sociaux, environnementaux et spatiaux considérables, ainsi que des expériences de déplacements très diverses.
En savoir plus xLe paradigme des mobilités est une façon de voir le monde attentive au rôle joué par les déplacements dans l’organisation des relations sociales. Il permet de légitimer les questionnements portant sur les dispositifs pratiques, discursifs, technologiques et organisationnels mis en œuvre par les sociétés pour gérer la distance, ainsi que les méthodes nécessaires à l’étude de ces dispositifs.
En savoir plus xLe déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.
En savoir plus xPour citer cette publication :
Javier Caletrío (09 Décembre 2013), « John Urry (sociologue) », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 08 Octobre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/1978/john-urry-sociologue
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