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Paradigme des mobilités

Par Javier Caletrío (Sociologue)
02 Septembre 2016

Le paradigme des mobilités est une façon de voir le monde attentive au rôle joué par les déplacements dans l’organisation des relations sociales. Il permet de légitimer les questionnements portant sur les dispositifs pratiques, discursifs, technologiques et organisationnels mis en œuvre par les sociétés pour gérer la distance, ainsi que les méthodes nécessaires à l’étude de ces dispositifs.


Remerciement : Je suis reconnaissant au regretté John Urry pour ses commentaires de novembre 2014 sur une première version de ce texte centrée sur la notion de paradigme chez Kuhn et la question de la pertinence du statut de paradigme appliqué aux recherches sur la mobilité.

Définition longue


Gérer les distances

L’idée que la gestion des distances est une dimension majeure de la vie sociale est au fondement du paradigme des mobilités. Les sociétés ont géré les distances de diverses manières, pour se mettre à l’abri et chercher la sécurité, exercer la violence et s’en défendre, contrôler des territoires et des populations, se procurer de la nourriture, de l’eau et d’autres ressources, faire du commerce et produire, organiser des actions collectives, cultiver l’amitié et la vie de famille, acquérir du savoir, ressentir du plaisir et satisfaire des besoins spirituels. L’apprentissage de la gestion des distances est un aspect essentiel de la vie, un processus socialement organisé qui prend des formes variables selon les groupes sociaux et les périodes. Au XXe siècle, cette problématique n’a été explicitement considérée comme un objet d’études que par quelques chercheurs, plutôt isolés. Dans leur ensemble, les sciences sociales ont négligé le rôle de la distance (et des déplacements nécessaires à son franchissement) dans la vie sociale 1.

Une nouvelle synthèse

Dans les années 1990 et 2000, certains de ces travaux pionniers ont été repris, synthétisés et enrichis de nombreuses contributions nouvelles, inspirées par le nouveau contexte de « mondialisation » et cherchant à en rendre compte. Ces travaux se sont considérablement développés et constituent un ensemble désormais connu sous le nom de « nouveau paradigme des mobilités » 2 . Le terme de paradigme a été appliqué pour la première fois aux recherches sur la mobilité par Mimi Sheller et John Urry, dans leur article de 2006. Depuis, de nombreux chercheurs se sont accordés (au moins implicitement) sur l’existence d’une nouvelle façon de voir la vie sociale, caractérisée par ses propres concepts, méthodes et modèles de recherche. Ce texte traitera de la synthèse proposée par Mimi Sheller et John Urry.

Étudier les déplacements et la distance dans la vie sociale

Une première explication du paradigme des mobilités consiste à le décrire comme une approche analytique plaçant les distances et les déplacements au centre de l’étude du lieu (géographie), de la solidarité (sociologie), de la rareté (économies), de la violence (politique) et de l’écologie (études environnementales). La question de savoir qui et quoi se déplacent, et les implications que cela a sur certaines problématiques caractéristiques des sociétés contemporaines, comme l’identité, les modes de vie, la cohésion sociale, la création et la répartition des richesses, les dynamiques écologiques et territoriales et la justice environnementale pour différents groupes sociaux et générationnels, est au cœur du paradigme des mobilités. Pour aborder ces problématiques, les chercheurs commencent souvent par se pencher sur les déplacements, en tant que faits observables, et examinent les pratiques, les récits et les significations des mobilités pour comprendre comment les relations sociales se constituent.

Il existe différents points de vue sur la capacité du paradigme des mobilités à transformer les sciences sociales. Mimi Sheller et John Urry affirment que « le nouveau paradigme des mobilités vise à une refonte complète des sciences sociales 3 » alors que d’autres chercheurs préfèrent sans doute le considérer comme un simple dispositif heuristique permettant d’ouvrir de nouvelles perspectives de recherche qui révèlent des liens, des motifs et des dynamiques jusqu’ici restés cachés ou inaperçus.

Le paradigme des mobilités entretient des liens avec des domaines proches, auxquels ils empruntent des idées, comme les études sur la mondialisation, les media et les migrations, et la géographie des transports. Toutefois, il s’est distingué dès ses origines par une attention particulière portée aux déplacements interdépendants des personnes, des objets, des informations et des idées, et aux différentes échelles et infrastructure permettant ces déplacements. Il offre ainsi la possibilité de relier des champs de recherche et des disciplines apparemment disparates, dans un large éventail allant des sciences sociales et humaines aux sciences physiques. Cette ouverture intellectuelle se retrouve dans la disposition à expérimenter des méthodes propres à offrir un regard nouveau, en suivant littéralement l’objet étudié et les multiples traces et connexions laissées par ces déplacements. L’utilisation et le développement de ces « méthodes mobiles » ont donné lieu à des débats animés dans le champ de la mobilité.

Video: Monika Büscher, “Méthodes mobiles pour un monde mobile”.

Développement



La langue des « mobilités »

« Toutes les sociétés, explique John Urry, s’efforcent de gérer les distances, mais elles le font par le biais de différents ensembles de processus interdépendants (…) ces processus découlent de cinq « mobilités » interdépendantes qui produisent la vie sociale organisée à distance et qui en forment (et reforment) les contours. » Ces mobilités sont :

• Le déplacement physique des personnes pour le travail, les loisirs, la vie de famille, le plaisir, les migrations et la fuite, organisé selon des modalités d’espace-temps contrastées (des trajets quotidiens à l’exil unique dans une vie).

• Le mouvement physique des objets vers les producteurs, consommateurs, vendeurs ; ainsi que l’envoi et la réception de cadeaux et de souvenirs.

• Le voyage imaginaire effectué grâce aux images de lieux et de personnes apparaissant et se déplaçant à travers de nombreux media imprimés et visuels.

• Le voyage virtuel, souvent en temps réel, qui transcende aussi la distance géographique et sociale.

• Le voyage de communication à travers les transmissions de personne à personne, par messages, SMS, lettres, télégraphe, téléphone, fax et téléphone portable 4.

Le paradigme des mobilités « souligne l’assemblage complexe de ces différentes mobilités, qui peuvent produire et potentiellement entretenir des liens sociaux sur des distances variées et multiples 5 ».

Pour aller plus loin: Recension de l’ouvrage “Mobilities” de John Urry.

Mobilités au pluriel

L’insistance sur l’usage de « mobilités » au pluriel attire l’attention sur les conditions de possibilité, les significations, pratiques et modes de vie divers et variés associés au déplacement. Une grande partie de la réflexion conceptuelle entreprise dans le cadre du paradigme des mobilités s’attache à rendre compte des mobilités en tant que phénomène relationnel, multiple et dépendant du contexte. Ainsi, dans l’une des approches conceptuelles les plus reconnues de la mobilité, le géographe culturel Tim Cresswel nous invite à être attentifs non seulement au déplacement physique entre un point A et un point B mais également aux représentations culturellement ancrées de la mobilité (par ex. la mobilité comme liberté, comme signe de modernité, ou comme une menace et un manque d’ancrage) et aux pratiques des corps (par ex. jogging, danse, marche dans la campagne, conduite) à travers lesquelles le déplacement physique entre A et B est réalisé. De cette façon, nous acquérons une compréhension plus nuancée de la mobilité et de son rôle dans le maintien des relations sociales à des distances multiples.

Dans une autre contribution importante, Peter Adey, également géographe culturel, a souligné la nécessité d’envisager les mobilités de façon relationnelle. Cela suppose de prendre en compte qu’« un type de mobilité semble toujours en impliquer un autre. Mobilité n’est jamais au singulier, toujours au pluriel. Elle n’est jamais une, mais nécessairement multiple. En d’autres termes, la mobilité consiste toujours à être mobile avec 6. » Cela suppose également de reconnaître que « les mobilités sont généralement impliquées dans notre rapport au monde. Elles jouent la manière dont nous tissons des relations avec les autres et sur le sens que nous leur donnons. Ainsi, la mobilité peut se traduire par un lien au paysage ; elle peut être utilisée comme pour signifier un transgression; elle peut être employée comme instrument pour gouverner 7. » Pensons, par exemple, aux cultures très nationalistes qui privilégient les formes d’attachement direct aux lieux. Les personnes qui ont un rapport différent à l’habiter, comme les voyageurs ou les gitans, peuvent être vus comme transgressant l’ordre « naturel » et perçus comme une menace. Dans ce cas, la mobilité endosse une connotation négative. Fixer qui peut se déplacer, avec qui, où, à quelle fréquence et à quelle vitesse peut être un moyen efficace de contrôle d’une population. Toutes les sociétés réglementent la mobilité, souvent de façon plus stricte encore dans les régimes autoritaires. Durant la dictature de Franco en Espagne (1939-1975), les femmes avaient besoin de la signature de leur mari pour obtenir un passeport.

Le concept de motilité, élaboré par Vincent Kaufmann, a constitué une autre contribution importante à ce champ de recherches. Vincent Kaufmann définit la motilité comme «la capacité des entités (par ex. biens, informations ou personnes) à être mobiles dans l’espace géographique et social, ou comme la façon dont ces entités accèdent à et s’approprient les potentiels de mobilité socio-spatiale en fonction de leurs situations 8 ». Cette conception de la mobilité est intéressante car elle met l’accent sur le potentiel à être mobile, plutôt que sur le déplacement effectif des personnes. Elle permet de penser la mobilité en relation avec la multiplicité des projets de vie, des attentes et des aspirations, qui caractérise toute société.

Ce sont là seulement trois contributions parmi les nombreuses propositions des chercheurs visant à développer une conceptualisation de la façon dont les individus et les groupes sociaux gèrent la distance. Pris dans leur ensemble, ces concepts constituent davantage une boîte à outils pour la compréhension de la vie sociale qu’un grand système explicatif du changement social. Bien que les travaux de ces auteurs, et d’autres, puissent parfois sembler abstraits, les cadres conceptuels permettent d’expliciter le lien entre ces nouvelles idées et les savoirs existants, et la façon dont les nouvelles propositions de recherche peuvent être circonscrites afin de produire des résultats originaux.

Pour aller plus loin: recension de l’ouvrage « On the Move » de Tim Cresswell, le concept de Motilité par Vincent Kaufmann.

Video: Tim Cresswell, “La mobilité entre mouvement, signification et pratiques”

Systèmes

Les approches conceptuelles de la mobilité soulignent souvent sa nature systémique. Les nouveaux venus dans le champ des mobilités remarqueront peut-être avec intérêt que de nombreux textes sur les mobilités (mais pas tous) mettent l’accent sur la dépendance de la vie sociale aux technologies et aux infrastructures, auxquelles elle est inextricablement mêlée, comme les voitures, les téléphones, les routes, les avions et les ordinateurs. Pour les lecteurs peu familiers de certaines branches des sciences sociales (par ex. le poststructuralisme, la sociologie des sciences), cela peut sembler contre-intuitif. On tend, après tout, à envisager la « société » ou « le social » comme un ensemble de relations intersubjectives situées dans un environnement physique. Ces combinaisons de ce que l’on conçoit généralement comme le social (c’est-à-dire les interactions intersubjectives) et d’éléments matériels, sont analysées dans la perspective conceptuelle des « systèmes », principalement développée dans le champ des mobilités par John Urry qui s’est en partie appuyé sur les travaux de Bruno Latour et Manuel Castells 9.

L’importance des systèmes peut être illustrée par la façon dont la gestion des distances s’intègre discrètement à la routine du quotidien. Chez soi, on ne pense presque jamais que l’eau qui coule du robinet arrive d’un barrage situé dans des montagnes à des centaines de kilomètres, que le rendez-vous Skype entre Paris et New York est rendu possible par des câbles de communication sous-marins qui traversent l’Atlantique, ou que la modeste souris d’ordinateur est venue de Chine par un immense réseau de routes, de ports plus grands que des villes, de navires marchands colossaux et de routes maritimes transocéaniques indiquées par des satellites en orbite dans la stratosphère. À travers le prisme du paradigme des mobilités, la qualité et la texture de la vie quotidienne (y compris la compréhension et l’expérience du lointain et du proche) semblent directement ou indirectement façonnées par d’immenses systèmes technologiques qui enveloppent littéralement la terre. Cela vaut aussi pour l’identité et la subjectivité des individus, dans la mesure ou l’immersion dans, ou l’exclusion de, ces mondes technologiques, conditionnent la variété et la qualité des relations sociales, de l’information et des expériences esthétiques accessibles aux différents individus et groupes sociaux. Les individus se conçoivent et perçoivent leur relation au monde en lien avec ces réseaux mondiaux qui forment la toile de fond et l’ossature de la vie quotidienne.

Usage des sens et sensibilités esthétiques

Le corps et les sens sont ainsi au centre de l’analyse des mobilités. Pour l’étude conceptuelle de cet aspect des mobilités, le paradigme s’appuie en partie sur les études sensorielles, un champ de recherches interdisciplinaires bien établi, fondé sur l’hypothèse que l’usage que l’on fait des sens est principalement influencé par des facteurs socioculturels. Le livre fondateur de John Urry, Sociology Beyond Societies (2000), consacre un chapitre entier à la mobilité et aux sens. Ses premiers écrits sur le sujet remontent au livre The Tourist Gaze (1991) dans lequel il affirmait que la vision avait été essentielle dans le développement du tourisme moderne, l’une des formes les plus importantes des mobilités contemporaines 10. La sensibilité à l’histoire est nécessaire pour comprendre l’évolution de la sensibilité. Ce lien entre la technologie et les façons de ressentir le monde a fait l’objet d’études chez les historiens culturalistes ; les chemins de fer ont permis un nouveau ressenti du paysage, directement lié aux technologies du mouvement et reposant sur la vitesse comme source de plaisir esthétique (voir Wolfgang Schivelbusch Histoire des voyages en train et Marc Desportes Paysage en mouvement. Aujourd’hui, le développement des technologies de l’information et de la communication, des technologies bio et nano, est considéré comme l’élément clé des nouvelles expériences sensorielles. Ainsi, l’US Air Force finance des recherches sur des lentilles de contact capables de passer des vidéos et de détecter des problèmes de santé, l’objectif étant d’utiliser ces lentilles pour afficher des données en vol et contrôler le niveau de fatigue du pilote. Si cette innovation, toujours en développement, n’arrivera peut-être jamais sur le marché, elle témoigne du type de transformations pressenties pour le XXIe siècle, qui modifient nos capacités à établir des liens et à nous déplacer, en nous connectant à des environnements en réseau.

Cette conception du corps humain comme intégré dans des « systèmes de mobilité multiples et entrecroisés », qui l’augmentent à leur tour, est, selon John Urry, « un exemple d’analyse posthumaniste 11 ». Le posthumanisme désigne une époque de haute technologie, brouillant les frontières qui délimitaient clairement la notion de l’« humain » en tant qu’être autonome (c’est-à-dire les frontières entre les humains et les animaux, les organismes et les machines). Dans ces conditions d’incertitude, les humains sont conçus comme une partie d’un continuum de formes de vie hybrides, comprenant à la fois des organismes et des machines.

Pour aller plus loin sur la mobilité et les sens, voir John Urry, « Sociology beyond society », chapitre 4, et les billets de blog, « les vies mobiles et le sens de la vue I », « les vies mobiles et le sens de la vue II ».

Fragilité, perturbations et résilience

Ces transformations peuvent comporter des avantages, mais la dépendance croissante à la technologie ne va pas sans inconvénients. Aujourd’hui, presque tous les groupes sociaux du monde gèrent les distances avec des moyens organisationnels et technologiques qui associent l’ancien et le nouveau. Les lettres, les bateaux et les pigeons voyageurs existent respectivement depuis 2400, 5000 et 1150 ans, alors que l’usage généralisé du téléphone portable remonte à quelques années seulement. Le développement des nouveaux moyens de gestion de la distance peut mener à négliger ou à oublier les anciennes méthodes, dont la fiabilité et la solidité rassurantes ne redeviennent apparentes qu’en cas de panne des nouvelles technologies due, par exemple, à une anomalie météorologique. Dans de telles situations, la capacité d’action individuelle se trouve fortement réduite, soulignant à quel point l’action humaine est dépendante de ces systèmes. En lien avec ces réflexions, une part importante des recherches du paradigme des mobilités traitent des mobilités et des crises.

Vidéos : Monika Büscher, “Qu’arrive-t-il aux mobilités en situation de crise ?”, Peter Adey, « Evacuation », Mimi Sheller, « Catastrophes naturelles, mobilité et inégalités ».

Les Futurs et la « bonne vie »

En dépit du battage récurrent autour des innovations dans les systèmes de transport et de communication, les technologies s’adaptent rapidement aux pratiques quotidiennes et, on l’a vu, la gestion de la distance est surtout une question d’habitudes. Ces systèmes sociotechniques dessinent une carte de tendances (pratiques et esthétiques) rapidement intériorisée par les individus comme une seconde nature. Cela ne signifie pas pour autant, que les gens acceptent et s’adaptent passivement. Les individus réfléchissent et prennent des décisions sur la façon de gérer les distances selon des critères éthiques, sociaux, culturels et environnementaux, souvent synthétisés par une vision de la « bonne vie » propre à chaque culture. La gestion de la distance est devenue une problématique cruciale au XXIe siècle, dans un contexte de réchauffement climatique qui a remis radicalement en question la viabilité des modes de vie actuels, de plus en plus mobiles, et a montré l’urgence de la transition vers des sociétés sobres en carbone.

Critiques

Le paradigme des mobilités a fait l’objet d’importants débats dans les sciences sociales, le plus souvent bienveillants. Pourtant certains observateurs externes et certains chercheurs du champ de la mobilité eux-mêmes se sont montrés plus critiques. Une grande partie des objections ont spécifiquement concerné les textes de John Urry et Mimi Sheller qui exposaient le plus explicitement cette approche. Certaines de ces critiques concernent les points suivants :

  • La notion de paradigme : certains observateurs ont émis des doutes sur la pertinence du statut de paradigme, qui ne serait ni mérité ni approprié . En dépit des difficultés de retranscription d’un débat qui a souvent lieu, pour ainsi dire, « en off » - dans les conversations plutôt que dans les publications – il est possible d’avancer que ces doutes sont en partie liés à l’ambigüité qui caractérise l’utilisation du terme paradigme en général. Par exemple, dans son grand livre La structure des révolutions scientifiques, Thomas Kuhn utilise le terme paradigme d’au moins vingt-et-une façons différentes. Il peut ainsi désigner des postulats théoriques partagées, des normes d’évaluation partagées des explications, une avancée passée qui fait autorité et guide la pratique postérieure, une vision partagée de l’objet (ontologie) ou une vision métaphysique du monde. De plus, dans la deuxième édition du livre, il propose de substituer au terme paradigme, utilisé comme ici au sens large, l’expression « matrice disciplinaire » et de réserver l’usage de paradigme à des « modèles de recherche » dans le sens plus étroit d’une solution concrète à des problèmes difficiles à résoudre 13.

    Il faut signaler qu’il existe encore parmi ceux qui ont accepté, au moins tacitement, l’existence d’un paradigme des mobilitésdes points de vue divergents sur son interprétation et de sa justification. De fait, les chercheurs ne s’accordent pas, par exemple, sur les unités de base de l’analyse, les approches philosophiques, les auteurs principaux qui ont inspiré le paradigme, ou sa capacité à transformer les sciences sociales. Ces différents points de vue (qui sont liés à certaines des critiques ci-dessous) témoignent pour certains de la richesse et des développements prometteurs de cette branche de la recherche, alors que d’autres y voient le reflet du manque de clarté et de cohérence de l’objet d’études et du flou de ses frontières.

  • Une simplification de la sociologie traditionnelle : en 2000, John Urry a publié Sociology Beyond Societies, qui a fait date dans le développement du paradigme des mobilités. Son appel à une sociologie des mobilités se fondait sur une critique de la notion de « société » en tant qu’entité territorialement circonscrite. Certains sociologues y ont vu une simplification abusive et ont remarqué que la sociologie étudiait des processus sociaux non conçus comme physiquement délimités, ce qui rendait peu convaincant l’appel à un changement de paradigme 14.

  • L’époqualisme : en lien avec la critique précédente, le sociologue Mike Savage considère le paradigme des mobilités comme une illustration de la tendance qu’a la sociologie à annoncer régulièrement des changements radicaux 15. Cette tendance à l’« époqualisme » a été, selon lui, particulièrement marquée dans la sociologie britannique des années 1990 et 2000. Revenant sur la rapide succession de « nouvelles » conditions sociales identifiées durant cette période, comme la modernité réflexive, la mondialisation, le post-fordisme, l’individualisation ou le capitalisme désorganisé, Mike Savage écrit : « Que penser de la crédibilité des sciences sociales, lorsqu’elles semblent prêtes à adopter si volontiers une culture d’obsolescence programmée, où l’annonce de l’arrivée de conditions fondamentalement nouvelles, à peine effectuée, est chassée par la version suivante 16 ? » Sur un sujet différent, mais dans un ordre d’idées proche, Peter Merriman a appelé à la prudence face à une tendance à restreindre les débats sur les méthodes mobiles aux nouvelles technologies et à supposer implicitement que les méthodes de recherche plus traditionnelles sont dépassées, ou peu adaptées aux travaux sur la mobilité. Il existe selon lui un risque de « sur-animer » les sujets mobiles et de passer à côté de dynamiques historiques importantes 17. Cette critique peut aussi s’appliquer aux appels excessivement enthousiastes à une « sociologie vivante », envisageant l’avenir de la sociologie des mobilités, à l’ère du « big data », dans un travail effectué en mouvement 18.

  • Les limites du paradigme des mobilités : si la contribution potentielle du paradigme des mobilités à l’étude de sujets tels quel les transports et le tourisme peut être plus ou moins évidente, son influence potentielle sur d’autres champs et disciplines l’est moins. On a reproché au paradigme des mobilités de n’avoir pas mieux précisé les domaines de la vie sociale auquel il s’appliquait et, surtout, ceux sur lesquels il n’avait qu’un impact très indirect ou peu significatif 19. Ainsi, à propos de la tendance du paradigme à accorder un pouvoir explicatif trop grand aux mobilités, Gérard Delanty explique que « le cosmopolitisme ne peut être entièrement séparé de la vision normative d’une société alternative et (…) cet imaginaire est également présent sous une forme culturelle de transcendance immanente. Les identités et les modes d’appartenance culturelle, bien qu’influencés par les mobilités mondiales, ne s’y résument pas 20. »

  • La notion de fluidité : le paradigme des mobilités a parfois été compris, surtout au début des années 2000, comme l’affirmation que les conditions de la mondialisation avaient tout projeté dans un état de fluidité chaotique, rendant l’Etat obsolète. Cette interprétation erronée s’est accompagnée de l’observation que la réalité était inverse. Ainsi, Bryan Turner observe la propagation d’un « régime d’immobilité » illustré par la prolifération des murs et des enclaves qui répondent dans le monde entier à un souci croissant de sécurité 21. « Les sociologues, selon Turner, doivent reconceptualiser la mondialisation non comme un système de mobilité fluide infinie et sans contrôles, mais comme un système qui produit également des clôtures, des pièges et des confinements. » (2010, p.19). Dans le même ordre d’idées, selon Noel Salazar, « la question porte moins sur la hausse ou le déclin général de la mobilité que sur la façon dont les différentes mobilités sont formées, sont réglementées et réparties sur la planète et sur l’influence des structures sociales, politiques et économiques existantes dans la formation, la réglementation et la répartition de ces mobilités 22. »

  • Le tournant posthumaniste : Bryan Turner et Chris Rojek ont mis en garde contre le « tournant posthumaniste » des sciences sociales, en se référant spécifiquement au paradigme des mobilités :

    Urry soutient qu’une sociologie réformée devrait s’articuler autour des « mobilités » plutôt qu’autour des « sociétés ». (…) Il est facile de comprendre pourquoi la mobilité, la contingence et la vitesse sont « dans l’air du temps » pour les théoriciens du culturel et du social. Notre position est que l’identification de la mobilité comme élément le plus déterminant de la présence au monde aujourd’hui comporte des dangers évidents. (…) Peut-être est-ce un peu à contre-courant de la mode que nous insistons sur la nécessité de développer une sociologie reconstituée autour de l’acteur incarné. Répondre par une sociologie posthumaniste aux défis posés par les nouvelles technologies comporte de sérieux dangers. Notre critique de la sociologie décorative est précisément que, en plaçant le culturel et l’esthétique dans une position privilégiée, celle-ci a rabaissé l’importance des dimensions économiques, politiques et sociales de la vie. On a permis aux questions de style et de symboles d’éclipser les problèmes d’argent (l’échange), de sang et de pain. Nous affirmons que ces problèmes sont les fondements indispensables de l’être au monde à toute époque et en tous lieux 23. »

  • Une vision optimiste de la mondialisation : autre critique liée à la précédente, les recherches sur la mobilité auraient largement participé à une vision optimiste du monde, comme l’explique la citation suivante :

    Jamais la possibilité d’une mondialisation pacifique et d’une démocratisation en expansion n’avait semblé aussi prometteuse que durant l’euphorique fin du siècle dernier. Face à ces transformations politiques, le sentiment général était que les frontières politiques et culturelles étaient en train de disparaître. Cette vision des sociétés modernes est étroitement associée au travail de sociologues comme Zygmunt Bauman, Ulrich Beck, Anthony Giddens et John Urry, qui ont souvent critiqué la sociologie traditionnelle pour son supposé attachement aux états-nations comme sujets centraux. Cette vision optimiste d’un monde social en transformation était largement partagée à la fin des années 1990 24.

    Les années 1990 étaient sans aucun doute une période d’optimisme relatif quant à la politique internationale. Cela s’est en partie reflété dans les théories du changement mondial, comme l’a explicitement reconnu le théoricien de la mondialisation Arjun Appadurai 25. Pourtant, cette critique simplifie le point de vue de John Urry, qui abordait par exemple explicitement dans son livre Economies of Signs and Space (avec Scott Lash) 26 le côté sombre de la mondialisation. Néanmoins, on peut affirmer à juste titre que la guerre et la violence sont sous-représentées dans les programme de recherche de la mobilité.

  • Un désintérêt pour l’histoire : Mimi Sheller a écrit des passages passionnants sur l’histoire des mobilités, comme dans Consuming the Caribbean et Aluminium Dreams et il existe d’autres bons ouvrages historiques ou travaux qui montrent une sensibilité à l’histoire, comme ceux des spécialistes de géographie humaine Tim Cresswell, Peter Adey et Peter Merriman, ou de spécialistes d’études culturelles comme Mirian Aguiar, Charlotte Mathieson et Lynne Pearce. Pourtant, comme l’a répété avec insistance Colin Pooley, les recherches sur la mobilité n’ont pas pris l’histoire au sérieux et, en général, se sont surtout concentrées sur la nouveauté 27. Cette lacune est un obstacle à une meilleure compréhension de la façon dont les tendances de long terme façonnent les réalités émergentes 28.

  • Anglocentrisme et eurocentrisme : le paradigme des mobilités a d’abord été critiqué pour la forte influence exercée sur lui par les sociétés européennes et nord-américaines. On lui a reproché de laisser de côté des problématiques centrales dans le quotidien d’autres parties du monde, comme les violences chroniques, l’insécurité et les états faibles 29. Les chercheurs ont également signalé de possibles précurseurs du paradigme des mobilités dans d’autres aires linguistiques. Dans le monde francophone, on peut citer Michel Bassand et Fernand Braudel.

  • L’éclecticisme : le paradigme des mobilités est en partie une synthèse de concepts et de connaissances empiriques provenant d’un vaste éventail de disciplines. Si cet éclectisme a pu être considéré comme une qualité, certains commentateurs y ont vu le signe d’une tentative d’assembler artificiellement des ressources méthodologiques et théoriques incompatibles 30.

  • Sociologie critique : certains commentateurs ont expliqué avoir du mal à trouver, dans les recherches sur la mobilité, la perspective critique censée caractériser la sociologie traditionnelle 31 et qui, à leurs yeux, était peut-être davantage présente dans les textes précurseurs. Par exemple, la relation entre les mobilités, le capitalisme, l’action collective et la formation des nouvelles classes sociales est au centre des livres de John Urry The End of Organized Capitalism (1987) et Economies of Signs and Space (1994 ; tous deux avec Scott Lash). Pourtant, les ouvrages ultérieurs restaient trop implicites, du moins jusqu’à certaines publications récentes comme Societies Beyond Oil (2013) et Offshoring (2014). Il faut préciser que l’intérêt pour les questions de pouvoir et d’inégalités est au cœur des recherches sur la mobilité. Selon l’observation de Mimi Sheller : « La mobilité peut être considérée comme un droit universel, pourtant elle est en pratique liée aux exclusions sociales, raciales, sexuelles, liées au genre et au handicap de l’espace public, de la communauté nationale et de l’accès aux moyens de mobilité à toutes les échelles 32. »

  • Migration : le dialogue entre les recherches sur la mobilité et les études des migrations est encore, au mieux, très partiel 33. Les chercheurs sur les migrations se sont demandé pourquoi leur domaine avait été ignoré ou rejeté. De leur côté, les chercheurs en mobilités ont remarqué la tendance, dans les études sur les migrations, à utiliser le terme mobilité presque exclusivement pour qualifier le mouvement des individus, en ignorant ses relations avec les objets, les infrastructures et les flux d’information.

  • Mobilité, formes de capital et néolibéralisme : les recherches sur la mobilité ont vu naître un débat intéressant sur la possibilité de concevoir la mobilité comme un capital relativement autonome du capital culturel, social et économique. Cette forme de capital constituerait une ressource permettant aux individus de se frayer un chemin parmi les nombreuses contraintes spatiales rencontrées dans la vie quotidienne. Le capital mobile peut augmenter d’autres formes de capital et les autres formes de capital peuvent augmenter le capital mobile 34. Cette idée de la mobilité comme capital a été critiquée par Simon Borja, Guillaume Courty et Thierry Ramadier qui y ont vu une adhésion tacite à la vision néolibérale de la mobilité comme flexibilité et une minimisation du fait que la mobilité est le plus souvent imposée par l’ordre économique néolibéral dominant. Ces auteurs remettent aussi en cause la conception de la mobilité comme nouvelle forme de capital et affirment au contraire qu’elle est un « un effet » du capital économique, social et culturel 35.

Réponses aux critiques

Un grand nombre de ces critiques ont été formulées dans les années 2000, notamment après la parution de Sociology Beyond Societies, de John Urry (2000), et de The New Mobilities Paradigm, de John Urry et Mimi Sheller (2006). Certaines étaient clairement hors de propos et fondées sur une lecture superficielle. D’autres indiquaient avec raison des problèmes qui demandaient un approfondissement et certaines d’entre elles ont fait ensuite l’objet d’une réponse plus rigoureuse, comme le montre le Handbook of Mobilities 36.

Un domaine aux mille visages

Grâce à son intérêt pour les modes historiques et culturels spécifiques de gestion de la distance, le paradigme des mobilités constitue un phare intellectuel pour des chercheurs héritiers de différentes traditions, qui s’aventurent au-delà des frontières disciplinaires établies et veulent intégrer dans leur travail des analyses plus explicites des configurations spatiales de la vie sociale. Le développement de ce champ de recherche a pour corollaire l’émergence de sous-champs, ou niches, offrant chacun des possibilités de carrière pour toute une vie, avec leurs publics spécialisés (par ex. le cyclisme, les mobilités pendant les catastrophes, les mobilités professionnelles, l’exclusion sociale liée aux transports). Certains auteurs, a contrario, poursuivent des objectifs transversaux qui résistent à ces spécialisations. Le paradigme des mobilités rassemble de façon très libre des chercheurs aux parcours divers, qui diffèrent dans leur définition de la mobilité et de ce que doit être une science sociale traitant de la mobilité 37. En ce sens, il peut être vu comme un domaine de recherche aux mille visages, chacun poursuivant, à partir d’une même base, des programmes de recherche de plus en plus spécialisés.

Un champ en évolution

En partie à cause de cette spécialisation croissante, se tenir au courant des nouvelles publications dans le champ des mobilités est devenu une tâche laborieuse. La liste d’ouvrages recommandés ci-dessous ne comprend qu’une petite partie de la littérature existante. Il faut recommander aux nouveaux-venus dans le champ de consacrer du temps aux précurseurs, comme aux auteurs qui sont à l’origine de textes phares plus récents. Les précurseurs du paradigme des mobilités souvent cités sont notamment Georg Simmel, l’École de Chicago chez les universitaires anglo-américains et Michel Bassand dans le monde francophone. Parmi les auteurs qui ont écrit dans les années 1990, au cœur de ce que l’on appelle les processus de mondialisation, on trouve notamment James Clifford, Arjun Appadurai, Marc Augé, Manuel Castells, Caren Kaplan, John Urry et Zygmunt Bauman. On considère que ces chercheurs ont esquissé le paradigme des mobilités dans le cadre d’une critique de la « société » en tant qu’ensemble d’institutions physiquement circonscrites. Les années 2000 ont vu la prolifération de textes importants proposant ou acceptant un paradigme des mobilités. On peut citer, parmi de nombreux autres, les travaux de synthèse majeurs de Peter Adey, Tim Cresswell, Ole Jensen, Vincent Kaufmann, Peter Merriman, Mimi Sheller et John Urry. Une bibliographie recommandée est disponible plus bas.

Depuis dix à quinze ans, des initiatives diverses ont contribué à faire des mobilités un champ académique reconnu. Il existe ainsi des revues comme Mobilities, Transfers, Applied Mobilities, ou d’autres revues mettant en avant la mobilité comme Tourism Studies, Hospitality and Society et Journeys; des associations de chercheurs, comme l’Association internationale d’histoire des Transports, du trafic et de la mobilité (Transport, Traffic and Mobility : T²M), Anthromob (liée à l’Association européenne des anthropologues sociaux), le réseau Cyclisme et société, le réseau panaméricain de recherche sur les mobilités, le réseau Cosmobilities, le réseau mobilités for Aotearoa en Nouvelle-Zélande et le groupe de recherches sur les transports à l’institut des géographes britanniques. Le monde francophone n’est pas en reste, avec le réseau MSFS – Mobilité spatiale, fluidité sociale. Ce kaléidoscope d’initiatives est voué à s’élargir au fur et à mesure de l’expansion thématique et géographique du champ.

Lectures recommandées

  • Adey P (2009) Mobility. London and New York: Routledge.
  • Adey P (2010) Aerial Life: Spaces, Mobilities, Affects. Oxford: Wiley-Blackwell.
  • Appadurai A (1996) Modernity at Large: Cultural Dimensions of Globalization. Minneapolis: University of Minnesota Press.
  • Bassand M and Brulhardt M-C, (1980), Mobilité spatiale, Georgi, Saint-Saphorin.
  • Bauman Z (2000) Liquid Modernity. Cambridge: Polity.
  • Bergmann S and Sager T (eds) (2008) The Ethics of Mobilities: Rethinking Place, Exclusion, Freedom and Environment. Aldershot: Ashgate.
  • Büscher M and Urry J (2009) Mobile methods and the empirical. European Journal of Social Theory 12(1): 99–116.
  • Büscher M, Urry J and Witchger K (2010) Mobile Methods. London and New York: Routledge
  • Canzler W, Kaufmann V, Kesselring S (eds) (2008) Tracing mobilities, Ashgate, Burlington.
  • Castells M (1996) The Rise of the Network Society. Oxford: Blackwell.
  • Clifford J (1997) Routes: Travel and Translation in the Late Twentieth Century. Cambridge, MA: Harvard University Press.
  • Cresswell T (2006) On the Move: Mobility in the Modern Western World. London: Routledge.
  • Cresswell T and Merriman P (eds) (2011) Geographies of Mobilities: Practices, Spaces, Subjects. Farnham and Burlington, VT: Ashgate.
  • Cwerner S, Kesselring S and Urry J (eds) (2009) Aeromobilities. London: Routledge.
  • Dennis K and Urry J (2009) After the Car. Cambridge: Polity.
  • Desportes M (2005) Paysages en Mouvement: Transports et Perception de l’Espace XVIIIe-XXe Siècle. Paris : Gallimard.
  • Dodge M and Kitchin R (2011) Code/Space: Software and Everday Life. Cambridge, MA: MIT Press.
  • Dudley G, Geels F and Kemp R (2011) Automobility in Transition? A Socio-Technical Analysis of Sustainable Transport. New York and London: Routledge.
  • Elliott A and Urry J (2010) Mobile Lives. New York and London: Routledge.
  • Faulconbridge J, Hui A (2016) Traces of a mobile Field: Ten Years of Mobilities Research. Mobilities 11 (1): 1-14.
  • Fincham B, McGuinness M and Murray L (2010) Mobile Methodologies. Farnham: Ashgate.
  • Graham S and Marvin S (2001) Splintering Urbanism: Networked Infrastructures, Technological Mobilities and the Urban Condition. London and New York: Routledge.
  • Hannam K, Sheller M and Urry J (2006) Mobilities, immobilities, and moorings. Mobilities 1(1): 1–22.
  • Hannerz U (1996) Transnational Connections. London, Routledge.
  • Jensen O (2013) Staging Mobilities. Oxon, Routledge.
  • Jensen On (2014) Designing Mobilities. Aalborg, Aalborg University Press.
  • Jessop B (2006) Spatial fixes, temporal fixes and spatiotemporal fixes. In: Castree N and Gregory D (eds) David Harvey: A Critical Reader. New York: Blackwell, 142–166.
  • Kaplan C (1996) Questions of Travel: Postmodern Discourses of Displacement. Durham, NC: Duke University Press.
  • Kaufmann V, Bergman M and Joye D (2004) Motility: Mobility as capital. International Journal of Urban and Regional Research 28(4): 745–756.
  • Kaufmann V (2002) Re-thinking Mobility. Aldershot: Ashgate.
  • V. Kaufmann (2008) Les paradoxes de la mobilité. Lausanne : Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
  • Canzler W, Kaufmann V and Kesselring S (eds) (2008) Tracing Mobilities: Towards a Cosmopolitan Perspective. Farnham and Burlington, VT: Ashgate, 163–180.
  • Knowles R, Shaw J and Axhausen K (2006) Transport Geographies: Mobilities, Flows, Spaces. New York: Blackwell.
  • Lee J and Ingold T (2006) Fieldwork on foot: Perceiving, routing and socializing. In: Coleman S
  • and Collins P (eds) Locating the Field: Space, Place and Context in Anthropology. Oxford: Berg, 67–86.
  • Massey D (1993) Power-geometry and a progressive sense of place. In: Bird J, Curtis B, Putnam T, Robertson G and Tickner L (eds) Mapping the Futures: Local Cultures, Global Change. London: Routledge.
  • Merriman P (2007) Driving Spaces: A Cultural-Historical Geography of England’s M1 Motorway. Malden, MA and Oxford: Wiley-Blackwell.
  • Mountz A (2010) Seeking Asylum: Human Smuggling and Bureaucracy at the Border. Minneapolis: University of Minnesota.
  • Salazar N, Jayaram K (2016) Keywords of Mobility. Oxford: Berghahn Books
  • Sheller M (2004) Automotive emotions: feeling the car. Theory, Culture and Society 21(4/5): 221–242.
  • Sheller M (2009) Infrastructures of the imagined island: Software, mobilities and the architecture of Caribbean paradise. Environment and Planning A 41: 1386–1403.
  • Sheller M and Urry J (2000) The city and the car. International Journal of Urban and Regional Research 24(4): 737–757.
  • Sheller M and Urry J (2003) Mobile transformations of ‘public’ and ‘private’ life. Theory, Culture and Society 20(3): 107–125.
  • Sheller M and Urry J (eds) (2004) Tourism Mobilities: Places to Play, Places in Play. London and New York: Routledge.
  • Sheller M and Urry J (eds) (2006a) Mobile Technologies of the City. London and New York: Routledge.
  • Sheller M and Urry J (2006b) The new mobilities paradigm. Environment and Planning A 38: 207–226.
  • Thrift N (2003) Movement-space: The changing domain of thinking resulting from new kinds of spatial awareness. Economy and Society 33: 582–604.
  • Urry J (2000) Sociology beyond Societies: Mobilities for the Twenty-First Century. London: Routledge.
  • Urry J (2007) Mobilities. London: Polity.
  • Urry J (2008) Climate change, travel and complex futures. British Journal of Sociology 59: 261–279.
  • Urry J (2011) Climate Change and Society. London: Polity.
  • Uteng TP and Cresswell T (eds) (2008) Gendered Mobilities. Farnham and Burlington, VT: Ashgate.
  • Vannini P (ed.) (2009) The Cultures of Alternative Mobilities: The Routes Less Travelled. Farnham and Burlington, VT: Ashgate.



Bibliographie

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  • Adey P et al. (2013) Handbook of Mobilities. Oxon, Routledge.
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  • Bogard W (2009) Book review: Mobilities, Surveillance & Society 6(2), 188-189.
  • Elliott A and Urry J (2010) Mobile Lives. New York and London: Routledge.
  • De Coninck F (2007) Book review: Sociologie des mobilités, Une nouvelle frontière pour la sociologie ?, John Urry, Armand Colin, 2005. Flux 2 (68). https://www.cairn.info/revue-flux-2007-2-page-114.htm Accessed 21 June 2016
  • Delanty G (2009) The Cosmopolitan Imagination. Cambridge, Cambridge University Press.
  • Divall C, Hine J, Pooley C (2016) Transport Policy: Learning Lessons from History. Farnham: Ashgate.
  • Ferentzy A (2009) Book review: Mobilities, Canadian Journal of Sociology, 34(1), 188-190.
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  • McKinnon A (2001) Book review: Sociology Beyond Societies, Sociological Research Online http://www.socresonline.org.uk/5/4/urry.html Accessed 12 December 2015
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  • Peters M (2000) Book review: Sociology Beyond Societies: Mobilities for the twenty-first century, The Sociological Review, 480-482.
  • Salazar N (2013) Anthropology, in Adey et al, Handbook of Mobilities, Oxon, Routledge.
  • Savage M (2009) Against epochalism: Numbers, narrative and socio-cultural change. Cultural Sociology 3(1): 217–238
  • Sheller M (2014) Alluminium Dreams: The making of light modernity. Cambridge: MIT Press
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  • Turner B (2007) The enclave society: Towards a sociology of immobility, European Journal of Social Theory 10 (2): 287-303
  • Turner B (2010) Globalization and its possible futures, in Turner, International Handbook of Globalization Studies. Oxon, Routledge.
  • Turner B, Roject C (2001) Society and Culture: Principles of Scarcity and Solidarity. London, Sage.
  • Urry J (2003) Global Complexity. London: Polity.
  • Urry J (2007) Mobilities. London: Polity.
  • Waldby S (2000) The Visible Human Project: Informatic Bodies and Posthuman Medicine. London, Routledge.*

Notes

1  Certaines disciplines comme l’anthropologie, les recherches sur les migrations, le transport et le tourisme, se sont intéressées aux déplacements, mais sans les considérer explicitement, comme ici, comme une dimension vitale de la vie sociale.

2  On peut avancer qu’un paradigme des mobilités a été exposé de façon précoce mais éphémère par l’École de Chicago de sociologie urbaine dans les années 1920. Le paradigme des mobilités identifié par John Urry et Mimi Sheller se rapproche de l’École de Chicago dans sa vision de la mobilité comme condition de croissance et force génératrice dans la vie urbaine, mais s’en écarte car il ne considère pas la mobilité comme une source inévitable de décadence morale et de désintégration sociale. La citation suivante de Robert Park et Ernest Burguess (1925, p.59) l’illustre: « la mobilité dans la vie urbaine, qui accroît le nombre et l’intensité des stimulations, tend inévitablement à perturber et à démoraliser l’individu. »

3  Sheller et Urry, 2001, p.11.

4  Urry, 2007, p. 47.

5  Urry, 2007, p. 48.

6  Adey, 2010, p. 18.

7  Adey, 2010, p. 19.

8  Kaufmann et al. 2004, p. 750.

9  Voir Economies of Signs and Space pp. 320-321, Complexities pp. 7-12.

Cette notion de « système » est similaire à celle utilisée dans les recherches sur la transition. Il faut toutefois signaler qu’il existe une différence entre « régime » et « système » dans la perspective multi-niveaux. Voir https://fr.forumviesmobiles.org/controverse/2015/11/25/perspective-multi-niveaux-mlp-et-theories-des-pratiques-fausse-controverse-2970.

10  La notion de regard ne fait pas référence au fait évident que les touristes « voient des lieux », mais au fait que le regard des touristes est socialement organisé, c’est-à-dire que les individus apprennent à regarder les lieux d’une façon spécifique et que les scènes, comme les façons de voir, sont imprégnées de significations historiquement variables liées au goût, à la distinction et à l’idéologie. Différentes technologies, parmi lesquelles la plus importante a été l’appareil photo, ont été centrales dans la construction de ces façons de voir.

11  Urry, 2007, p. 44.

12  Par ex. de Coninck, 2007.

13  Les doutes sur le statut paradigmatique des recherches sur la mobilité émanent peut-être aussi du questionnement plus fondamental sur la légitimité de l’application du terme de paradigme aux sciences sociales. Il s’agit d’un malentendu que Thomas Kuhn lui-même s’est appliqué à dissiper. Alors que son livre explique la spécificité des progrès en sciences dures, la notion même que la science progresse sous forme de « périodes traditionalistes, ponctuées par des ruptures non-cumulatives » trouve son inspiration dans les arts et les humanités :

Les historiens de la littérature, de la musique, des arts, du développement politique et de nombreuses autres activités humaines décrivent depuis longtemps leurs sujets de la même façon. La périodisation, en termes de ruptures révolutionnaires de style, de goût et de structures institutionnelles, fait partie de leurs outils standards. Mon originalité, quant à de tels concepts, consiste simplement en leur application aux sciences, un champ dont le développement a été généralement pensé comme tout à fait différent. Il est possible que la notion de paradigme comme réussite concrète, comme modèle, soit une seconde contribution. J’ai tendance à penser, par exemple, que certaines difficultés notoires autour de la notion de style dans l’art seraient résolues si les tableaux étaient considérés comme calqués les uns sur les autres et non comme les produits conformes de canons stylistiques abstraits. Ainsi, tout en reconnaissant ces similarités, il est crucial de souligner qu’alors que les paradigmes en compétition dans les sciences dures sont peu nombreux, en sciences sociales la norme est la multiplicité des paradigmes. Loin de constituer un désavantage, cette multiplicité peut être vue comme propre à favoriser un sentiment de liberté, en raison de l’absence d’allégeances paradigmatiques rigides et de la difficulté à réfuter un paradigme par le biais d’une recherche de laboratoire, comme cela peut être le cas en sciences dures. Ce sentiment de liberté est l’une des caractéristiques du paradigme des mobilités. La recherche sur les mobilités s’est en partie développée grâce à un échange créatif avec les disciplines et les champs adjacents, qui lui ont conféré son adaptabilité et sa profondeur. En ce sens, les synthèses proposées par John Urry et d’autres au début des années 2000 ont été à la fois suffisamment novatrices pour attirer un « groupe durable de partisans » et suffisamment larges pour permettre des recherches plus détaillées sur de nouveaux objets. Cela correspond au moins en principe aux deux éléments clés du paradigme identifiés par Thomas Kuhn.

14  Par ex. de Coninck, 2007; Ferentzy, 2009.

15  Savage, 2009.

16  Savage, 2009, p. 220.

17  Merriman, 2014.

18  Voir Sheller, 2014, p. 804.

19  Par ex. Ferentzy, 2009.

20  Delanty, 2009, p. 64.

21  Turner, 2006, p. 2010.

22  Salazar, 2013, p. 60.

23  Turner, Rojek, 2001, p.198.

24  Turner, 2010, p. 663.

25  Appadurai, 2006.

26  Lash et Urry, 1994.

27  Divall et al., 2016.

28  Voir aussi Sheller, 2016.

29  Salazar, 2013.

30  Par ex. Bogard, 2009.

31  Par ex. Peters, 2000.

32  Sheller, 2016, p.15.

33  Par ex. McKinnon, 2001.

34  Voir Kaufmann, 2002, Kaufmann et al., 2004, Urry, 2007.

35   https://fr.forumviesmobiles.org/controverse/2012/12/11/mobilite-comme-capital-488.

36  Adey et al., 2013.

37  Ce texte doit donc être compris comme l’une des interprétations possibles du champ.

Mobilité

Pour le Forum Vies Mobiles, la mobilité est entendue comme la façon dont les individus franchissent les distances pour déployer dans le temps et dans l’espace les activités qui composent leurs modes de vie. Ces pratiques de déplacements sont enchâssées dans des systèmes socio-techniques produits par des industries, des techniques de transport et de communication et des discours normatifs. Cela implique des impacts sociaux, environnementaux et spatiaux considérables, ainsi que des expériences de déplacements très diverses.

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Paradigme des mobilités

Le paradigme des mobilités est une façon de voir le monde attentive au rôle joué par les déplacements dans l’organisation des relations sociales. Il permet de légitimer les questionnements portant sur les dispositifs pratiques, discursifs, technologiques et organisationnels mis en œuvre par les sociétés pour gérer la distance, ainsi que les méthodes nécessaires à l’étude de ces dispositifs.

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Méthodes mobiles

Les méthodes mobiles produisent des connaissances précises en permettant d’accompagner physiquement, virtuellement ou analytiquement les sujets de recherche. Elles s'appuient sur des méthodes d'enquête permettant de suivre des phénomènes matériels et sociaux.

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Déplacement

Le déplacement est un franchissement de l’espace par les personnes, les objets, les capitaux, les idées et autres informations. Soit il est orienté, et se déroule alors entre une origine et une ou plusieurs destinations, soit il s’apparente à une pérégrination sans véritable origine ou destination.

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Michel Bassand

Michel Bassand est un sociologue suisse né en 1938, spécialisé dans les questions urbaines. Il a été successivement professeur à l’Université de Genève et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL). On lui doit une conception théorique originale de la mobilité comme phénomène social total dont les différentes manifestations forment un système.

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Transition

Les recherches sur la transition s'intéressent aux processus de modification radicale et structurelle, engagés sur le long terme, qui aboutissent à une plus grande durabilité de la production et de la consommation. Ces recherches impliquent différentes approches conceptuelles et de nombreux participants issus d'une grande variété de disciplines.

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Javier Caletrío

Sociologue

Javier Caletrio (BA Economics, Valencia; MA, PhD Sociology, Lancaster) est conseiller scientifique au Forum Vies Mobiles. Il est chercheur en sciences humaines et sociales et en économie. Il s'intéresse également aux sciences naturelles et tout particulièrement à l'écologie et à l'ornithologie. Ses recherches portent sur les changements environnementaux et les transitions écologiques, en lien avec la mobilité et les inégalités. Entre 1998 et 2017, Javier était au Centre for Mobilities Research de l'université de Lancaster (GB). 



Pour citer cette publication :

Javier Caletrío (02 Septembre 2016), « Paradigme des mobilités », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 07 Décembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/3289/paradigme-des-mobilites


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