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Nadine et Stéphane, 3 ans en camion du Chili au Canada


Nadine, 41 ans, et Stéphane, 42 ans, ont traversé l’Amérique avec leurs trois filles. Une folle épopée de trois ans en camion aménagé qui répondait à une envie de changer de rythme et de découvrir le monde.

 

Nadine, la quarantaine, et Stéphane, son époux, sont partis du Chili pour rejoindre le Canada avec leurs filles aujourd’hui âgées de 7, 13 et 16 ans. Ils ont remonté les routes, traversé les montagnes et profité des plages en camion aménagé durant trois ans. Un rythme tout en douceur : ce qui comptait, c’était les paysages.

Avant, ils étaient boulangers dans le 13ème arrondissement de Paris, un train d’enfer qui ne laissait pas de place pour partager des moments en famille. Stéphane a eu un gros problème de santé. La boulangerie a brûlé. C’était urgent : il fallait vivre et découvrir le monde, ensemble. Ils ont pris la route. Pour garder contact avec la famille, ils ont créé un blog.

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Qui êtes-vous ?

Je m’appelle Nadine et mon mari s’appelle Stéphane. J’ai 41 ans, Stéphane en a 42. Nous avons trois filles de 16, 13 et 7 ans. Je suis artisan-boulangère, mon mari aussi.

Quel a été votre voyage ? Comment se sont organisées les étapes ?

Nous avons réalisé un voyage de trois ans en fourgon aménagé du sud de l’Amérique latine jusqu’à Vancouver au Canada. On faisait à peu près 60 km par jour de villes en villes. Ce n’est pas beaucoup. En 3 ans, ça représente 75 000 km. On prenait vraiment notre temps. On est parti du Chili, on est arrivés en Argentine, en Uruguay, au Brésil, en Bolivie, Paraguay, Colombie. Ensuite, on a pris l’avion pour aller à Cuba, deux semaines, et on a été rejoints par une partie de la famille. Ensuite, on est retournés au Mexique en avion. Le fourgon a voyagé en fait de la Colombie au Mexique en bateau. Puis, les Etats-Unis et le Canada.

Les étapes étaient prévues ?

L’organisation du voyage ne s’est pas faite en fonction d’un itinéraire précis. On allait vraiment au feeling. Pour vous décrire une journée type, on arrive sur une place de village au matin, on voit si on peut discuter avec les gens. Ils nous disent « il y a quelque chose de sympa là-bas, allez-y » ou « là on peut manger et on se retrouve à telle heure». Comme quand on était au Mexique. On nous a dit «Il y a une fête. C’est la San Sebastian ». C’était intéressant à voir. On était sur place. J’arrête une personne pour lui demander « mais ça va être où la procession, est-ce que je peux me garer là ? » Et elle me dit « oui, pas de problème ». Il y avait des milliers de chevaux. Nous, on est derrière à pied. On chante, on crie. On a discuté et trouvé quelqu’un qui a ouvert son jardin. On a mangé chez eux. Pendant deux jours, on est resté là.

Au quotidien, comment cela se déroulait-il ?

En général, on aimait bien se réveiller le matin à 7h pour pouvoir faire l’école à 8h. Vers 11h-12h, on partait vadrouiller ou en randonnée. On mangeait bien le matin et on mangeait le soir, mais on ne mangeait pas le midi pour profiter de la journée. Le soir, on arrivait sur une place de village. On allait voir les buvettes, on prenait un petit quelque chose pour s’intégrer. On demandait si tout allait bien, si on pouvait dormir là. On s’installait toujours avant la tombée de la nuit, vers 16h-17h pour être pouvoir demander s‘il n’y avait pas de danger et si l’on ne gênait pas. Parce qu’on ne s’imposait pas : on demandait toujours si on pouvait s’installer là.

Il y avait des contraintes ?

La seule contrainte était l’école des enfants. Ils étaient scolarisés via le CNED, un organisme qui assure la scolarité à distance. On se relayait avec Stéphane. Il faisait les matières scientifiques et moi les matières un peu plus littéraire.

L’eau aussi était une contrainte. On faisait les démarches pour demander si on pouvait nous donner un peu d’eau ou laver nos affaires.

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Pourquoi vivre en fourgon ?

Ce n’était pas notre première expérience de voyage puisqu’en 2007 on a fait l’Amérique latine. Nous sommes partis avec les enfants 10 mois, cette fois en camping-car. Pourquoi on a changé du camping-car au fourgon ? On s’est rendus compte, lors de notre premier voyage, que ce n’était pas adapté à ce que l’on voulait. On avait beaucoup trop de choses. Il y avait un tiers de l’espace que l’on n'utilisait pas. Puis, le fourgon est moins luxueux, c’est plus abordable par rapport aux gens. Ils venaient taper à notre porte facilement pour nous parler. C’était très agréable. C’est plus costaud aussi, plus robuste. Donc, on a voulu acheter un fourgon que l’on a aménagé comme on en avait l’idée. C’était très organisé, dans la conception même du véhicule.

Quels étaient vos usages du téléphone et d’internet ?

Il fallait une connexion internet au moins tous les trois jours pour l’école des enfants, mais on s’arrangeait pour que ce soit quotidien pour le suivi, pour télécharger les cours et envoyer les examens. On en avait aussi un usage quasi-quotidien pour le blog. Ça nous permettait surtout de garder le contact avec la famille. C’était moins pour rentrer en contact avec d’autres voyageurs comme nous. Si ça nous arrivait, c’était un peu par hasard, sur la route. Et on appelait une fois par mois la famille par Skype.

Qu’est-ce qui vous a amené à faire ce choix d’un voyage de trois ans ?

Le voyage a toujours été un rêve, mais ça nous paraissait inaccessible du fait de notre rythme intense de vie. On avait une boulangerie à Paris. On s’est rendus compte qu’on ne se voyait pas, ni avec mes enfants, ni avec mon mari. On ne se connaissait pas. La boulangerie a brulé, Stéphane a eu une crise cardiaque, on s’est dit « il faut qu’on découvre le reste du monde tant qu’on est en vie ». C’est comme cela que l’on a décidé de partir : d’abord pour découvrir l’autre et découvrir le monde tant qu’on est vivants, ensuite pour avoir un rythme plus lent.

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Qu’est-ce qui vous plaît dans cette manière de vivre ?

En premier lieu, ce sont les paysages, surtout dans le voyage que l’on a fait, c’était très varié. On a fait beaucoup de photos. Visuellement, c’est quelque chose que l’on recherchait. Et la découverte de l’autre, d’autres cultures. On a appris à parler espagnol, on baragouinait un peu de brésilien et on parlait anglais. C’est important de communiquer avec les gens et d’apprendre leur langue pour partager leur culture. C’est quelque chose que l’on aimerait défendre et que l’on promeut autour de nous : aller voir plus loin que le bout de son nez.

Pourquoi avoir mis fin à ce voyage ? Comment s’est passé cet atterrissage ?

On est revenu principalement parce que l’aînée, qui a 16 ans, entrait en seconde et ça devenait difficile de la suivre à l’école. C’était aussi dur pour elle de perdre ses amis à chaque fois que l’on partait d’un endroit après un certain temps. Pour nous, le retour a été assez difficile, après 3 ans sur les routes. On n’avait plus de maison. Là, on habite chez la sœur de Stéphane en Essonne. On vient de signer pour reprendre une boulangerie, pas très loin de là où on vit actuellement. Le but est de repartir une fois que les filles seront grandes. Mais si elles veulent venir, ce sera possible aussi. On appelle ça le virus de la découverte.

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Propos recueillis en mars 2016


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