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Thomas, l’énergie tranquille


Thomas Désaunay, 30 ans, a fait une thèse sur le stockage et la conversion de l’énergie, dans un but de transition vers une énergie décarbonée. Aujourd’hui, il milite dans plusieurs associations, s’est spécialisé en stratégie et gestion environnementale et travaille chez France Nature Environnement. Il valorise le voyage proche et ne prend plus l’avion.

 

Thomas, 30 ans, vit à La Courneuve avec une partie de sa famille. Il a fait une thèse sur les piles à combustibles. Sa réflexion sur le meilleur mode d’action pour l’environnement l’amène à cultiver des légumes pendant un an en Bretagne. Puis, il rejoint bénévolement plusieurs ONGs environnementales dont CliMates, le mouvement WARN! et la Fabrique écologique. Il coordonne le programme scientifique de la COY11, la 11ème conférence des jeunes en amont de la COP21. Après avoir suivi un Mastère Spécialisé en Politiques Publiques et Stratégie pour l'Environnement à Agro ParisTech, il travaille actuellement à France Nature Environnement.

Thomas se passe désormais complètement des voyages en avion, mais le jeune homme ne cherche plus à convaincre à tout prix. Il préfère parler de son mode de vie, raconter ce qu’il lui apporte. Le voyage lent et proche lui permet de mieux connaître les gens et les lieux. Il adore le couchsurfing, le fait de dormir sur le canapé d’une personne inconnue, et les longs voyages en train où il entame des discussions. Vous pouvez le suivre sur son compte Twitter.

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Qui êtes-vous ?

J’ai 29 ans. J’ai fait une thèse en chimie sur l’énergie décarbonée, plus spécifiquement sur les piles à combustible. J’ai coordonné le programme scientifique de la COY 11. Je suis encore actif dans des ONG environnementales, dont France Nature Environnement, CliMates et la Fabrique Ecologique. Mon parcours professionnel est lié à l’énergie et à la réflexion sur la mobilité. Je vis chez ma sœur et son mari, dans leur maison à La Courneuve car je viens de reprendre des études à Paris, un Mastère Spécialisé « Politiques Publiques et Stratégie pour l'Environnement » à Agro ParisTech.

Vous habitez en banlieue parisienne. Vos activités de la vie quotidienne se déroulent dans le quartier où vous habitez ou plus largement en Île-de-France ?

Près de là où j’habite, à la Courneuve, il ne se passe pas grand-chose… Parfois, on va au restaurant indien juste à côté… (Rires). Je prends le métro pour aller à Paris, c’est là que j’étudie et que je rencontre des gens. Je passe le plus clair de mon temps dans le centre de Paris.

Quels sont vos moyens de déplacement ?

Je prends beaucoup le métro, la ligne 7 qui arrive à la Courneuve, et le RER. Lorsque j’en ai la possibilité, j’adore le vélo et la marche à pied. Les conditions sont très défavorables à La Courneuve sachant qu’il n’y a même pas de station Velib. Même si j’avais mon propre vélo, l’avenue qui va vers Paris est plus ou moins suicidaire. (Rires) Par contre, je faisais tout à vélo lorsque j’habitais Toulouse ou en Allemagne.

Vous partez en vacances ?

Plusieurs fois par an, je prends le train pour rendre visite à ma famille en Bretagne ou pour des week-ends à la campagne à une heure ou deux de Paris. On organise aussi des week-ends dans le cadre de l’association. On y va soit en train, soit en covoiturage. A peu près une fois par an, ça dépend des années, je fais des voyages un peu plus longs, systématiquement en train.

Je ne prends pas l’avion. D’ailleurs, avec un ami, on avait prévenu l’administration d’Agro ParisTech où je fais mon Mastère Spécialisé : « N’organisez pas l’étude de terrain en Croatie avec des billets d’avion parce que de toute façon on ne les prendra pas ». La dernière fois que je l’ai pris, c’était pour une conférence sur les piles à combustible à Montréal en 2011. 2000 à 3000 scientifiques ont pris joyeusement l’avion. On était à parler de l’hydrogène comme vecteur d’énergie décarbonée et l’incohérence avait vraiment atteint un niveau critique. C’est là que je me suis dit : « Là, c’est trop ».

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Qu’est-ce que vous trouvez dans cette revalorisation du voyage proche ?

Quand j’étais ado, début de la vingtaine, je faisais les vacances typiques : on réserve un hôtel pendant une semaine, on y va en avion, on visite un maximum de trucs et on repart. J’ai assez peu de souvenirs de ces voyages.

Ensuite, j’ai commencé à prendre le train en Europe et à me faire héberger par des gens en couchsurfing. Une fois, dans la campagne en Estonie, une estonienne m’a montré l’école dans laquelle elle avait étudié et où elle voulait enseigner plus tard, un bâtiment minuscule, grand comme une maison. J’ai vu sa mère, son frère. Elle m’a aussi montré le potager de sa famille dans lequel ils faisaient pousser une bonne partie de ce qu’ils mangeaient. Sa mère a cuisiné des trucs estoniens pour moi. C’était incomparable.

Cela vous amène un rapport à l’altérité différent dans le voyage ?

C’est ça. Pour la Roumanie par exemple, j’ai pris un train de nuit. J’ai commencé à parler avec des gens qui allaient dans la même ville que moi. On a déjà commencé un peu à voyager avant même d’arriver. Ils nous expliquent là où ils s’arrêtent, là où ils habitent.

Vous aimez vous déplacer ?

Lorsque ce sont des week-ends où je pars en dehors de Paris, j’adore. Même en voiture, je ne boude pas mon plaisir. (Rires) Mais les trajets quotidiens sont contraints par le fait qu’à Paris le logement est cher. On essaie toujours d’habiter le moins loin possible et de trouver l’itinéraire le moins pire.

Est-ce que vous utilisez beaucoup le téléphone ou Internet ?

Je n’ai pas de smartphone. C’est lié au fait que je me suis intéressé à l’extraction des matériaux précieux. Dans le métro, je m’ennuie donc beaucoup. Lire, c’est chouette, mais deux heures de métro par jour… Par contre, je considère paradoxalement que je suis très connecté. L’association dans laquelle je travaille est internationale. On a une équipe de 20 personnes dont la moitié est à l’étranger, sur les cinq continents. On échange par Skype, on a des documents partagés en ligne.

D’ailleurs, ça amène des débats dans l’asso car on est censé se voir au moins une fois par an avec les personnes à l’étranger. Jusqu’à présent, c’était des déplacements que l’on organisait avec beaucoup d’avion. Dans l’asso, on est plusieurs à chercher à réduire drastiquement notre empreinte carbone. On est vus un peu comme des éléments perturbateurs, les gens sont sur la défensive. On nous dit : « les conclusions de votre démarche de décarbonation vont conduire à ne plus prendre l’avion, et du coup, comment est-ce que l’on va faire ? ». Mais y réfléchir, en parler, c’est tout sauf sauter aux conclusions et vouloir imposer quelque chose. Je suis persuadé que s’informer et débattre amène à beaucoup de changement volontaire. Et quelques soient les conclusions auxquelles arrivent les autres, même si elles sont différentes des miennes, je les respecte.

Qu’est-ce que vous avez envie de défendre dans votre mode de vie ?

Je ne pars jamais dans une posture de défense. Si quelqu’un est intéressé et a le temps d’en parler, je raconte pourquoi ça m’a apporté plein de choses de me déplacer moins loin, plus en profondeur, avec aussi plus de contacts humains. Sinon, j’ai remarqué que les gens se braquaient très vite. Tout le monde adore l’avion pour l’exotisme que ça apporte, etc… Et surtout, je n’ai pas oublié que moi aussi j’ai pris beaucoup l’avion par le passé, et je me rappelle très bien pourquoi. Mais depuis, j’ai planté beaucoup de petites graines qui un jour germeront.


toooma



Propos recueillis en mars 2016


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