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Mobilité active

Par Marie Demers (Epidémiologiste)
22 Juin 2015

La mobilité active a trait à toute forme de déplacement effectué sans apport d’énergie autre qu’humaine (sans moteur) et par le seul effort physique de la personne qui se déplace. Elle se réalise à l’aide de modes eux-mêmes dits « actifs », principalement la marche et le vélo.


La mobilité active peut aussi inclure les façons de se déplacer à l’aide d’autres équipements non motorisés, bien que leur part modale soit en réalité négligeable; il s’agit surtout d’équipements à roues comme le patin à roues alignées, le roller, la trottinette ou la chaise roulante non motorisée. L’expression « transport actif » est couramment utilisée pour décrire la mobilité active (Agence de santé publique du Canada, 2010; Delisle, 2013).

Mobilité active ou mobilité douce?

La mobilité active est parfois aussi appelée « mobilité douce » mais il ne semble pas y avoir de consensus sur cette dernière appellation car certains incluent dans la mobilité douce, en plus des modes actifs, les modes motorisés qui ont un plus faible impact sur l’environnement comme le transport en commun ou les vélos à assistance électrique (Coredem, 2014, Réseau École et Nature, 2009). Quoi qu’il en soit, les deux expressions s’inscrivent dans la mobilité durable, puisque les modes de déplacement concernés visent à diminuer les impacts négatifs de la mobilité. De plus, la mobilité active est souvent combinée au transport en commun puisque pour accéder à celui-ci, il faut y aller à pied ou à vélo; on dit alors que ces modes sont complémentaires. Cette complémentarité est maintenant rendue plus facile et plus efficace par les technologies mobiles comme le téléphone intelligent. La mobilité active est une composante essentielle du système de transport; en plus de permettre la réalisation des déplacements courts (et ceux-ci sont nombreux), elle fournit l’accès – et assure les connections – à d’autres modes de déplacement.

Les bienfaits de la mobilité active

En plus de contribuer à la réduction de la congestion et à la limitation des émissions polluantes dans l’air, la mobilité active favorise la pratique de l’activité physique bénéfique pour la santé, en l’intégrant dans les habitudes quotidiennes, que le motif du déplacement soit d’atteindre un lieu donné (se rendre au travail, à l’école ou chez des amis, faire ses courses, fréquenter des lieux de loisirs) ou de se promener tout simplement. La mobilité active est d’ailleurs la forme la plus courante d’activité physique, qui peut se définir comme toute force exercée par les muscles entraînant une dépense d’énergie supérieure à celle du niveau repos1 (Réseau français des Villes-Santé de l’OMS, 2013). Cette dépense énergétique contribue au maintien d’un poids santé. La mobilité active permet aussi de lutter contre un mode de vie sédentaire, caractérisé par l’inactivité physique et conduisant souvent à des problèmes de santé.

À cet égard, la recherche fait état des nombreux bienfaits de la mobilité active, qu’il s’agisse d’améliorer la condition physique générale ainsi que la capacité aérobique, d’assurer un meilleur contrôle du poids, de réduire la tension artérielle et le taux de mauvais cholestérol, de diminuer le risque des maladies cardiovasculaires et d’améliorer la santé mentale (Demers, 2008). L’argument de la santé est d’ailleurs souvent utilisé pour faire la promotion de la mobilité active. Santé de l’individu, mais aussi santé de la ville, qui devient plus conviviale et plus sûre à mesure que les modes actifs prennent de l’importance. La mobilité active favorise également une plus grande équité dans les déplacements : d’une part, elle est réalisable à coût faible ou nul car elle requiert peu d’équipement, et d’autre part, tous les groupes d’âge peuvent la pratiquer (on pense ici notamment aux enfants et aux personnes âgées qui n’ont pas ou plus accès à la conduite automobile).

La marche ou le vélo?

Modes actifs les plus pratiqués, la marche et le vélo présentent chacun des caractéristiques propres (Papon, 2003). La quasi-totalité des gens sont piétons à un moment ou l’autre, alors que la proportion des cyclistes dans la population est beaucoup plus faible, surtout quand le déplacement est une fin en soi. Contrairement à la marche, le vélo est un mode véhiculaire et son usage dépend de la disponibilité de ces véhicules; ce mode est aussi tributaire de la disponibilité d’espaces de rangement à destination, tout comme à l’origine du déplacement. De plus, une forte proportion des vélos sont utilisés uniquement pour les loisirs plutôt que pour les déplacements. Le vélo est plus affecté que la marche par le relief et les conditions météorologiques (pluie forte, grand froid, neige) alors que l’utilisation de la marche dépend plus de la distance à parcourir; les motifs privilégiés de la marche sont les achats et l’école. On note enfin que les hommes sont plus souvent cyclistes que les femmes, en particulier les jeunes hommes. Piéton, passant, marcheur, promeneur, flâneur, coureur, joggeur, chemineur, les termes utilisés pour qualifier celui qui se déplace à pied sont nombreux, alors que l’usager du vélo est toujours un cycliste. Le terme « piéton », qui est le plus souvent employé pour l’usager de la marche, ne sollicite pas particulièrement l’imaginaire et témoigne de l’attrait mitigé pour ce mode, néanmoins en voie de réhabilitation (Stemmelen, 2009; Ville et Vélo, 2011).

Quelques chiffres sur la mobilité active

La pratique de la marche et du vélo comme mode de déplacement varie selon l’âge des usagers, les caractéristiques des territoires et des pays concernés (dans le cas particulier des villes, on peut notamment citer la morphologie et la densité urbaine). Plus on se rapproche du centre de la ville, et en particulier d’une grande ville, plus la marche est pratiquée. Ainsi, en 2008, la part modale de la marche dans les déplacements est plus grande à Paris (51 %) que dans sa banlieue (environ 30 %), où sa part modale est supérieure à celle d’un pôle urbain de 100 000 habitants (autour de 20 %) (de Solère, 2011).

Les parts modales de la marche et du vélo sont plus élevées dans les pays européens qu’en Amérique et en Australie, où l’aménagement urbain a été conçu en fonction de la voiture, et où les villes très étalées se caractérisent par des distances souvent trop grandes pour être parcourues à pied ou à vélo et par des aménagements insuffisants pour les modes actifs. Selon les données de l’OCDE, la part modale de la marche varie de 8,7 % aux États-Unis, à 16 % en Nouvelle-Zélande, 20 % en Norvège, 23,1 % en France et jusqu’à 28 % en Suisse;  (Berge et Peddie, 2010; Feypel, 2011). La pratique de la marche varie beaucoup selon la ville : en Europe seulement, sa part modale passe de 16 % à Athènes à 30 % à Oslo, 33 % à Bruxelles et 52 % à Stockholm (Berge et Peddie, 2010).

La marche est généralement plus pratiquée par les femmes, les jeunes de moins de 25 ans, les personnes âgées et les gens à faible revenu (Berge et Peddie, 2010). L’enquête nationale française de 2008 indique que la marche est peu influencée par les saisons ou la météo; par contre, la pratique du vélo varie du simple au triple entre les mois d’hiver et d’été (Papon et de Solère, 2010).

La pratique du vélo varie aussi beaucoup d’un pays à l’autre (2 % au Royaume-Uni, 3 % en France, 4 % en Autriche, 10 % en Allemagne, 18 % au Danemark et 26 % aux Pays-Bas en 2008) ainsi que d’une ville à l’autre à l’intérieur d’un même pays (en Allemagne seulement, elle varie de 6 % à Stuttgart à 22 % à Freiburg et 38 % à Muenster entre 2000 et 2009) (Buehler et Pucher, 2012).  L’usage du vélo est habituellement plus répandu chez le sexe masculin et chez les moins de 18 ans, bien que dans des pays comme l’Allemagne, le Danemark et les Pays-Bas, il soit courant chez les adultes de tous les âges (Buehler et Pucher, 2012). Contrairement à la marche, plus pratiquée dans les grandes agglomérations, le vélo est préféré dans les villes de taille moyenne ou petite (Papon, 2003).

Les limites et les obstacles à la mobilité active

La mobilité activite connait de nombreux osbstacles et limites, parmi eux, mentionnons une distance trop grande à parcourir (en grande partie relative à des capacités personnelles, des habitudes culturelles…), une organisation spatiale peu dense où les fonctions d’usage sont séparées les unes des autres, un environnement peu sûr du fait d’une circulation routière motorisée trop importante, l’absence d’aménagements pour les piétons et les cyclistes, des conditions climatiques extrêmes, le sentiment d’être pressé par le temps, et enfin, le poids des habitudes, qui amène parfois à choisir l’automobile pour des déplacements très courts. Le fait que les déplacements actifs ont longtemps été perçus comme l’apanage d’une classe défavorisée peut aussi contribuer à limiter leur importance. Comme le précise Stemmelen (2009), l’image renvoyée par un mode de déplacement est un élément essentiel de l’attrait qu’on peut lui trouver. Mais au-delà des obstacles, pour se réaliser, la mobilité active doit être agréable, pratique et sécuritaire.

Les infrastructures et accessoires de mobilité active

Les infrastructures comprennent les trottoirs, les sentiers pédestres, les zones et les voies piétonnes, les rampes d’accès, les parcs, les voies cyclables réservées, les pistes cyclables, les supports à vélo, les stationnements pour vélos aux gares de train et stations de métro, les systèmes de vélo en libre-service, les signaux pour les piétons et les cyclistes (incluant les feux de circulation), ainsi que les mesures d’apaisement de la circulation.

Parmi les accessoires de la mobilité active, on distingue ceux qui facilitent le déplacement et ceux qui en font partie mais dont la fonctionnalité est liée à des activités connexes (Lavadinho et Winkin, 2008). Le premier groupe inclut les vêtements, les chaussures et les multiples engins assimilés aux deux-roues (vélo, rollers, chaussures à rollers intégrés, skates, trottinettes, échasses à ressorts, etc.). Les seconds sont représentés par le téléphone portable, le baladeur, l’IPod, l’IPhone, l’IPad, le sac à dos, la valise à roulettes, les ceintures bananes et les lunettes; on pourrait ajouter à ces derniers l’appareil-photo miniature, le GPS et le podomètre. Ces équipements permettent au piéton ou au cycliste de renforcer son autonomie fonctionnelle, d’optimiser l’utilisation du temps de transport et le situe dans l’espace public non plus comme un simple passant, mais comme un acteur nomade (The Economist, 2008).

La croissance de la mobilité active

La croissance de ces modes de déplacements repose sur un nouveau partage de la voirie et de l’espace public entre les véhicules motorisés et les autres utilisateurs, aussi bien au chapitre des aménagements que de la réglementation afin d’assurer une meilleure cohabitation entre les différents modes et ainsi faciliter et rendre plus sécuritaire l’usage de la marche et du vélo comme modes de déplacement et comme façons d’habiter l’espace (Demers, 2008). Les modes actifs sont complémentaires des transports publics puisqu’une partie du trajet est faite à pied ou à vélo, le développement des transports publics est donc un facteur favorable à la mobilité active (Stemmelen, 2009; https://fr.forumviesmobiles.org/projet/2013/06/24/marche-suivre-950).

Bibliographie

Agence de santé publique du Canada (2010). Qu’est-ce que le transport actif? Disponible sur le site : http://www.phac-aspc.gc.ca/hp-ps/hl-mvs/pa-ap/at-ta-fra.php, accédé le 6 février 2014.

Berge G, Peddie S. (2010). Walking patterns in OECD/ITF countries. Getting communities back on their feet, 11ème Conference international de Walk21, La Haye, Pays-Bas, 17-19 novembre 2010.

Buehler R, Pucher J. (2012). International overview: Cycling trends in Western Europe, North America and Australia. Dans: Pucher J et Buehler R., City cycling. MIT Press, Cambridge, USA.

COREDEM (La communauté des sites ressources pour une démocratie mondiale) (2014). Mobilité douce. Disponible sur le site : http://lexicommon.coredem.info/article88.html, accédé le 30 janvier 2014.

Delisle R. (2013). Mobilité active et environnements favorables aux saines habitudes de vie. Rencontre régionale de Villes et Villages en santé et Municipalités accessibles, Blainville, Québec, avril 2013.

Demers M. (2008). Pour une ville qui marche. Editions Écosociété, Montréal.

De Solère R. (2011). Quelques points de repère sur la pratique de la marche. Colloque : Développer la marche en ville : mobilité, santé, sécurité du piéton, Paris, 15 septembre 2011.

Feypell V. (2011). Piétons : sécurité, espace urbain et santé. Conclusions du groupe de travail du Forum International des Transports de l’OCDE. Colloque : Développer la marche en ville : mobilité, santé, sécurité du piéton, Paris, 15 septembre 2011.

Héran F. (2014). Le retour de la bicyclette. Une histoire des déplacements urbains en Europe de 1817 à 2050. Éditions La Découverte, Collection Cahiers libres, Paris.

Hubert JP. (2009). Dans les grandes agglomérations, la mobilité quotidienne des habitants diminue, et elle augmente ailleurs. INSEE publication No. 1252, juillet 2009.

Lavadinho S. (2011). Réenchanter la marche, ludifier la ville. Bonnes pratiques et actions innovantes. Les Cahiers nouveaux No. 80, décembre 2011.

Lavadinho S, Winkin Y. (2008). Du marcheur urbain. Revue Urbanisme. Dossier : Marcher. No 359, 44-49.

Papon F. (2003). La ville à pied et à vélo. Données urbaines 4. Anthropos. Paris : Economica, 75-86.

Papon F, de Solère R. (2010). Les modes actifs : marche et vélo de retour en ville. Commissariat général au développement durable – Services de l’observation et des statistiques, La Revue, décembre 2010, pp. 65-82.

Razemon O. (2014). Le pouvoir de la pédale. Comment le vélo transforme nos sociétés cabossées. Rue Échiquier, Collection Les petits Ruis, Paris.

Repères européens (2010). Le vélo, l’espace public et la voirie dans les métropoles européennes. Compte-rendu de la séance du 8 avril 2010, Agence d’urbanisme pour le développement de l’agglomération lyonnaise.

Réseau école et nature (2009). L’éco-mobilité. Petit lexique de la mobilité. Disponible sur le site : http://mobilite.reseauecoleetnature.org/page-de-livre/petit-lexique-de-la-mobilit%C3%A9-04-06-2009, accédé le 30 janvier 2014.

Réseau français des Villes-Santé de l’OMS (2013). Mobilités actives au quotidien. Le rôle des collectivités. Presses de l’École des Hautes Études en Santé Publique, Rennes, France.

Stemmelen L. (2009). Les modes actifs. Les plateformes de débats de l’ADEUS, Synthèse du 23/03/09, no 1.

The Economist (2008). Nomads at last. A special report on mobility. 12 avril 2008.

Tronchet D. (2014). Petit traité de vélosophie. Éditions Plon, Paris.

Ville et Vélo (2011). La marche, mode d’avenir! Le mode marche est plus qu’une mode. Ville et Vélo, no 48, 6-15.

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Marie Demers

Epidémiologiste

à venir.



Pour citer cette publication :

Marie Demers (22 Juin 2015), « Mobilité active », Préparer la transition mobilitaire. Consulté le 16 Novembre 2024, URL: https://forumviesmobiles.org/dictionnaire/2888/mobilite-active


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