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Eric, sans voiture fixe


Eric, 35 ans, habite dans l’agglomération lilloise avec sa femme et son nouveau-né. Il a choisi un mode de vie sans voiture personnelle, entre vélo, train et véhicule de prêt ou de location. Il aime se déplacer ; quand il prend l’avion, c’est empreint de beaucoup plaisir et d’une pointe de culpabilité.

 

Eric, 35 ans, parle de son rapport aux transports de manière méthodique, en bon professionnel. Il travaille dans le domaine de l’énergie à Douai, à 40 kilomètres de Lille où il vit avec sa femme et son bébé de quatre mois. Chaque jour, il monte sur son vélo, prend un train et arrive au bureau dans le même temps que ses collègues automobilistes.

Ce choix s’est imposé de lui-même, pas vraiment réfléchi, pas vraiment subi. Eric a saisi des contraintes pour les transformer en opportunités : être actif en se déplaçant, que ce soit en pédalant ou en travaillant. Il a poussé ce mode de vie jusque dans sa vie personnelle. La famille part en vacances en train, en co-voiturage ou en voiture de location.



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Où et comment vivez-vous ?

J’habite avec ma femme et mon petit garçon de quatre mois dans le cœur de la métropole lilloise. Je travaille à l’ADEME, l’Agence de l’environnement et De la Maîtrise de l’Energie. Cela fait deux ans que je suis coordinateur du pôle transition énergétique au sein de la direction régionale. Mon bureau est à Douai, à 40 kilomètres de Lille.

Quel est votre rapport au transport au quotidien ?

Je vais à Douai en vélo et en train. Le temps de trajet pour se rendre à la gare en vélo est d’une dizaine de minutes, ensuite le train Lille-Douai met vingt minutes et il y a cinq grosses minutes de marche jusqu’à mon travail. En porte à porte, c’est quarante minutes, la même chose que ce que mettent les collègues qui viennent en voiture.

Et pour vos loisirs ?

On va voir des amis dans la métropole lilloise, environ une fois par semaine. Lorsque c’est à un kilomètre, on le fait à pied. Dix kilomètres, en voiture partagée via un système auquel nous sommes abonnés. Et les voisins partagent aussi leur voiture avec nous de manière plus irrégulière et informelle. Lorsqu’on prend la voiture, nous sommes deux ou trois dedans. Les courses et la bibliothèque se trouvent à trois et cinq kilomètres de chez nous, c’est plutôt en vélo.

Vous vous déplacez pour le travail ?

Je peux être amené à me déplacer professionnellement dans des endroits que je ne connais pas. Généralement, je trouve cela plutôt plaisant, même si ce sont des lieux que je ne trouve pas extraordinaires. Je pars au total trois ou quatre jours en région sur une année et à Paris sur une journée une fois tous les deux mois, presque toujours en train.

Parlons des vacances. Comment-vous déplacez-vous ?

On va voir la famille et les amis dans le Cantal à raison de trois à quatre fois par an et on va deux fois par an quelques semaines dans le sud de la France. On fait du covoiturage familial longue distance. On loue une voiture une ou deux fois par an.

Quand on prend l’avion, c’est pour aller voir des amis installés à l’étranger. Il y a deux ans pour aller au Liban, la fois précédente en Afrique du sud il y a six ans. C’est toujours dans des situations de découverte et de déplacements lointains, dans un truc un peu ambivalent entre plaisir et culpabilité. L’avion est un mode de transport que j’aime bien. Je trouve extraordinaire l’univers de voyage qu’évoque les aéroports… même s’ils sont aussi de plus en plus standardisés et identiques. C’est toujours un dépaysement lorsque je pars, même si je sais par mon travail que c’est le mode de transport le plus énergivore. Mais, il y a cette dimension imaginaire, dépaysante du voyage que je trouve toujours plaisante.

Quel est le lien entre les déplacements et la communication à distance ?

J’ai mes abonnements presse et revue en numérique pour mes déplacements quotidiens. C’est une manière de densifier mon temps de transport et de faire des choses que je ne pourrais pas faire par ailleurs. La deuxième utilisation, sur les déplacements plus occasionnels, concerne l’organisation de mes déplacements. Par exemple, j’étais en formation la semaine dernière à l’école de physique des Houches. Pour venir en Suisse, j’ai organisé mon déplacement avec un site internet et une application pour regarder les horaires de train dans toute l’Europe. Au quotidien, j’utilise des applications mobiles pour me renseigner sur les horaires de train, les perturbations, etc.

Vous utilisez Skype au travail ?

On a est équipé pour les visioconférences entre nos différents sites depuis presque dix ans. Skype commence à être intégré pour des usages plus extérieurs. Par exemple, j’avais un doctorant il y a trois ans. On a travaillé quatre à cinq mois ensemble. Ensuite, il est reparti à Georgia Tech. On a travaillé pendant quelques temps via Skype.

Comment en êtes-vous arrivé à ce mode de vie ? Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement ?

Je viens du Cantal. J’ai grandi jusqu’à mon bac en périphérie d’une ville moyenne, dans ce milieu géographique qui implique une forte dépendance à la voiture. Notre famille, classe moyenne, deux voitures, deux enfants, était quelque chose d’assez classique dans ce contexte-là.

Je suis parti faire mes études supérieures à Toulouse. C’est à partir de là que j’ai commencé à expérimenter des modes de vie sans voitures, sans forcément en être conscient, à la fois pour des raisons économiques et pratiques. J’ai terminé mes études à Nice, puis travaillé à Sophia-Antipolis. Ensuite, j’ai commencé à travailler en bureau d’études sur les questions de mobilité et d’énergie à Guyancourt, en Île-de-France.

J’évolue comme la plupart des urbains dans un univers relativement contraint sur les questions de mobilité. J’essaie de les voir comme des opportunités. J’essaie d’y trouver à chaque fois des plaisirs, que ce soit dans la pratique des mobilités actives comme le vélo ou dans la liberté qu’offre le train pour travailler. Est-ce que ce sont des choses qui sont des attraits propres ou est-ce que j’ai essayé de les construire a posteriori pour me dire que mon mode de vie me convient ? Il y a des situations qui ne sont pas plaisantes : des métros bondés ou le TER en retard, même s’il a un taux de régularité de 90%. Mais malgré tout ça, dans un univers contraint donné, j’ai l’impression que c’est le plus agréable et plus cohérent que je puisse faire.

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Propos recueillis en mars 2016

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